Retour dans la neige, de Robert Walser

J’ai lu ce livre dans le cadre des Feuilles allemandes de Patrice, Eva du blog « Et si on bouquinait un peu » et Fabienne du blog « Livr’Escapade » – un rendez-vous auquel je suis chaque année fidèle, comme vous l’avez sans doute remarqué si vous me suivez depuis un certain temps !
Robert Walser (1878-1956) est un écrivain suisse de langue allemande, auteur de romans comme Les Enfants Tanner, Le Commis ou l’Institut Benjamenta, mais aussi de courtes nouvelles ou recueils de textes en proses poétiques, comme Retour dans la neige, dont je parlerai ici. Salué de son vivant par les plus grands écrivains de l’époque (Brod, Kafka, Hesse, Zweig et Musil), il meurt le jour de Noël 1956 au cours d’une promenade dans la neige. (Note de l’éditeur en 4è de couverture)

Brève Présentation et Avis :

Ce recueil de proses se situe à mi chemin entre le genre de la nouvelle et celui de la poésie. Le plus souvent, l’auteur nous décrit des lieux – par exemple la ville de Berlin, ou un village, ou un coin de nature au bord d’un lac, etc. – et l’atmosphère qui les caractérise, de même que les émotions que ces paysages suscitent dans le cœur de l’auteur. Cet auteur semble donc être en perpétuelle promenade, comme un vagabond solitaire, qui s’émerveille devant les beautés de la nature ou s’étonne devant l’incessant va-et-vient d’une gare, ou s’afflige dans l’immensité anonyme d’une bruyante métropole. On sent que la ville lui fait un peu peur, même si elle l’attire, tandis que la campagne le plonge dans la joie, avec parfois des visions bucoliques de travaux des champs ou de paysans accueillants.
Les émotions semblent avoir une énorme importance pour Walser, il nous fait souvent part de son extrême bonheur ou de son profond étonnement ou encore de son grand accablement et on perçoit la très forte sensibilité de l’auteur, on voit à quel point il est réceptif à son environnement, dans un esprit proche du romantisme allemand.
Beaucoup de ces courtes proses sont comparables à des tableaux, avec des descriptions magnifiques, qui jouent autant sur l’aspect visuel des choses que sur les sentiments de l’auteur à leur égard.
J’ai particulièrement aimé, parmi ces textes, les titres L’Incendie, La rue, Madame Scheer, et d’une manière générale les proses plutôt urbaines que campagnardes car elles me concernent plus.
Un livre vraiment esthétique et émouvant, qui nous transporte de paysages en paysages et de panoramas en panoramas, comme une longue promenade littéraire.

Un Extrait Page 36 :

(…) Ma chambre et le salon et bureau de Madame Scheer étaient juxtaposés et souvent, à travers la mince paroi, j’entendais des sons que je ne pouvais m’expliquer sinon en pensant que quelqu’un pleurait. Les larmes d’une femme riche et avare ne sont certes pas moins regrettables et pitoyables et ne parlent pas un langage moins triste et touchant que les pleurs d’un enfant pauvre, d’une pauvre femme ou d’un pauvre homme ; dans les yeux d’une personne d’expérience, les larmes sont terribles, car elles sont la preuve d’un désarroi qu’on croit à peine possible. A première vue, on peut comprendre qu’un enfant pleure, mais quand dans leurs vieux jours, des personnes âgées sont poussées et acculées aux larmes, celui qui entend cela comprend toute la détresse et le caractère insoutenable du monde, et il lui vient la pensée accablante et oppressante que tout, tout ce qui se meut sur cette pauvre terre est faible, vacillant, sujet à l’incertitude ; proie de l’arbitraire et de la défiance de toutes choses. Non ! il n’est pas bon que l’homme pleure encore lorsqu’il est à un âge où il peut trouver merveilleusement bon de sécher les larmes d’un enfant.(…)

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26 réflexions sur “Retour dans la neige, de Robert Walser

      1. Marie-Anne, je me souviens que tu avais lu le Otsuka, mais je me souviens vaguement de ton point de vue – je le relirai avec ma lecture. Tu m’intrigues avec la forme, impatiente de découvrir cela.

        Mazette ! Des articles pour février !? Et bien !
        As-tu toujours bloguer de cette façon ou cela t’est venu après deux, trois ans de blogging ?
        J’en suis incapable… enfin, côté lecture, mon rythme est trop lent. Je le pourrais, en revanche, avec les questionnaires. Mais je préfère y aller au jour le jour sur ce blogue.
        Avec les anciens, je me mettais une telle pression… Je ne souhaite plus revivre cela.

      2. Les premières années, je tenais le blog au jour le jour mais Goran m’a fait remarquer qu’on pouvait planifier ses articles plusieurs mois en avance et cette possibilité m’a tout de suite intéressée. Ça me permet de m’organiser comme je veux et d’être moins sous pression justement. Actuellement j’ai cinq ou six mois d’avance dans mes articles et si je veux faire un break pendant plusieurs semaines je suis tranquille 🙂
        Bonne journée Éléonore !

      3. D’accord. Merci ce partage d’expérience. Tu sembles lis énormément, donc je comprends mieux ta planification.
        Merci, Marie-Anne. très belle journée à toi.

  1. Il me semble bien avoir découvert ton blog grâce aux Feuilles allemandes :). J’espère lire aussi R.Walser ce mois-ci, découvert l’an passé lors de ce rendez-vous germanophone. Et je note ce titre, ce que tu en écris me dit qu’il me plaira, que j’apprécierai cette  » promenade « .

  2. Walser était chroniqué quelques fois pour notre mois thématique et les avis ont toujours été positifs. Je me suis promis l’année dernière de le lire, puis j’ai malheureusement complètement oublié.
    Merci d’avoir participé avec ce livre très intéressant.

    1. Parmi les grands écrivains de langue allemande je crois que Walser est assez important et çà ne m’étonne pas qu’il apparaisse souvent dans « les feuilles allemandes ». De mon côté je l’aime beaucoup. Merci Eva bonne journée 🙂

  3. Patrice

    Très heureux de revoir Walser parmi les auteurs chroniqués durant ce mois de novembre. A te lire, je retrouve certains points communs qui m’avaient beaucoup séduit l’an dernier lors de ma lecture de « La promenade ». Merci de ta participation !

    1. Je crois que j’avais déjà chroniqué des livres de Walser pour les « feuilles allemandes » des années précédentes. Il me semble en avoir lu au moins quatre ou cinq de lui car je l’apprécie tout particulièrement. Et en effet le thème de la promenade apparaît très souvent dans son œuvre. Bonne journée Patrice !

    1. C’est un écrivain de langue allemande assez important–sûrement moins connu que Thomas Mann ou Zweig mais je l’apprécie au moins autant et même davantage quelquefois. Merci Alain bonne journée 🙂

  4. Ton enthousiasme pour ce titre est communicatif ! J’ai seulement lu « Les enfants tanner », de cet auteur, que j’avais beaucoup aimé. Ton billet me donne très envie d’y revenir…

    1. Ah oui, moi aussi j’avais beaucoup aimé le roman « les enfants Tanner ». Ici, c’est un genre un peu différent, des nouvelles poétiques qui font la part belle aux descriptions, à la méditation devant la nature… Merci Ingrid, bonne soirée ! (ps : Je réponds bientôt à ton mail)

  5. Je ne connaissais pas cet écrivain. Je le note car je ne sais jamais quel livre choisir pour Les feuilles allemandes. Comme j’aime les atmosphères et les descriptions, je crois que sa plume pourrait me séduire. Merci comme toujours Marie-Anne.

  6. Ping : Les feuilles allemandes 2021 – le bilan – Et si on bouquinait un peu ?

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