Des Extraits de mon nouveau recueil « Excursions poétiques »

Couverture du recueil chez Z4 Editions

Bonjour à tous !
Je vous annonçais il y a quelques jours la très prochaine publication de mes « Excursions poétiques » chez Z4 Editions.
Mais peut-être seriez-vous intéressés par la lecture de quelques extraits de ce recueil, pour voir plus clairement de quoi il s’agit.

Comme ce sont des proses parfois un peu longues (deux-trois pages), j’ai choisi des passages significatifs.

Première Moitié de mon excursion rue de Bercy

Selon les rencontres surgissant dans nos vies, certains quartiers de Paris sortent brutalement du néant et s’imposent à nous avec insistance, avant de sombrer à nouveau dans les ténèbres de l’infréquenté, voire de l’infréquentable, lorsque le couperet de la rupture est tombé. Ainsi, Bercy, sous ses faux airs de cité utopique, m’apparaît aujourd’hui d’un modernisme vétuste et poussiéreux, pour ne pas dire d’un futurisme dystopique. Les passants déambulent au rythme plus que lent d’un vagabondage surencombré et désarmant.
La rue a beau aligner à touche-touche une longue enfilade de cafés tape-à-l’œil et aguicheurs, on imagine difficilement un endroit moins convivial que les abords de ce métro.
Contrairement à la plupart des coins de Paris que j’ai pu fréquenter, ici mon regard attire les regards et ma posture fixement contemplative dirige droit vers moi les scrutations inquiètes et le désir de comprendre. Curieux de savoir ce qui me rend si curieuse, ils ont des étonnements que je préfère ne pas trop titiller.
Je suis passée tout à l’heure entre le ministère des Finances et le Palais omnisports, sorte de décor qu’on choisirait volontiers pour agrémenter ses cauchemars les plus kafkaïens, et j’ai songé qu’on ne pouvait voir ce type de configuration urbaine exclusivement que sur la rive droite. Il plane souvent de ce côté de la Seine une atmosphère de hall de gare à ciel ouvert, de gigantisme impersonnel et glacial où l’âme se sent comme prise au piège et condamnée à l’avance aux errances.
(…)

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Deuxième Moitié de mon excursion aux Buttes-Chaumont

(…)
Faute de siège fréquentable, je quitte le parc et vais me réfugier dans une coquette pâtisserie, à la terrasse aussi minuscule qu’attrayante. 
On m’a demandé si je voulais mon café « doux, moyen ou fort » et je me suis sentie, l’espace d’un instant, aussi dépaysée que si je m’étais trouvée sous une tente touareg ou dans une yourte kirghize, avant de réaliser que cette coutume inconnue était tout à fait bienvenue, délectable, et qu’il serait bon de la répandre largement à travers la capitale.
Sur la porte de la boutique un écriteau prévient que la caisse est vidée chaque soir, type de notule que l’on ne voit pas dans mon quartier, et qui m’inspire un douloureux respect pour cette pâtissière aux cafés pleins de sollicitude. 
Un passant s’arrête brutalement à ma hauteur, atterré devant le cadran de son smartphone, et il lance un juron franc et massif, manifestement ravi que j’en sois le témoin auditif et visuel et que ma boisson me tienne captive à cette place, bien forcée de prendre acte et d’opiner. 
Un homme d’âge mûr, épais et trapu, aux guenilles verdâtres, semble arpenter le quartier en tous sens et prend parfois les quidams à partie de je ne sais quel incroyable coup du sort, suscitant de brusques écarts et autres embardées de parkas prudentes.
Certes, je sais que le 19e arrondissement n’est pas le plus privilégié de Paris mais je ne suis pas venue ici pour examiner les pauvres dans leur milieu naturel – et moi-même, si j’en crois la sacro-sainte statistique, ne suis-je pas installée, statique et plus ou moins stoïque, sous les seuils insurmontables d’une survie instable, depuis quelques lustres ?
Il tombe un infime crachin – à peine une poudre d’eau, dirais-je – à travers ce froid gris et presque ensorcelant d’uniformité.  Les Buttes-Chaumont sont mon jardin parisien favori mais je ne m’y suis promenée que quatre fois en un demi-siècle. Et à chaque visite, je m’enchante de le voir encore plus beau que dans mon souvenir et je n’ai pas besoin de le fréquenter assidûment pour raviver ma préférence ou pour affermir ma certitude. Jardin romantique et charmeur, dont je n’avais encore jamais vu l’apparence hivernale, et auquel ces froides ondées et ces voiles de brouillard donnent des airs de vaporeuse campagne anglaise. 

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Vous pouvez commander le livre sur le site de Z4 Editions :
Une remise de 15% est accordée pour toute commande avant le 7 mai

Le lien vers le site : https://z4editions.fr/product/excursions-poetiques/

Merci par avance de votre curiosité !

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L’Exposition Edvard Munch au Musée d’Orsay

Désespoir, 1892

En automne-hiver 2022 s’était tenue au Musée d’Orsay une rétrospective du peintre norvégien Edvard Munch (1863-1944), et je l’ai visitée vers le début octobre, car il est un artiste très important de la fin du 19ème siècle et première moitié du 20ème. Apparenté au Mouvement Symboliste par ses thèmes mélancoliques et tourmentés, il est aussi un précurseur de l’Expressionnisme et de certaines audaces du 20ème siècle.

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Cartel de l’exposition à propos de « Désespoir » (ci-contre)

Il s’agit de la première peinture aboutie d’une série consacrée à un motif devenu iconique, celui du « Cri ». Il qualifia lui-même ce tableau de « premier Cri ». On en retrouve en effet tous les éléments constitutifs : le ciel rougeoyant, aux lignes sinueuses, la forte diagonale de la balustrade, le personnage au premier plan. Ce tableau trouve son origine dans un événement biographique. Munch dit en effet dans un poème l’angoisse qui l’a saisi alors que, malade et fatigué, il observait un coucher de soleil et que le ciel devint rouge sang.

Cartel de l’exposition à propos de « La Nuit étoilée » (ci-contre)

La Nuit étoilée, 1924

Munch réalise entre 1890 et 1930 plusieurs tableaux portant ce titre, probable écho à « La Nuit étoilée » (1888) de Van Gogh découverte lors d’un séjour à Paris. Munch exprime ici avec force un thème central de son œuvre, l’inscription de l’homme dans la nature. Il projette son ombre dans le tableau non pas une, mais trois fois : deux silhouettes et le profil de son visage se découpent sur la neige déposée au pas de sa porte. Par ce procédé, le peintre fusionne ainsi littéralement avec la nature.

Séparation, gravure, 1896
Madone, gravure, 1896
Vampire dans la forêt, 1916-18

Cartel de « Vampire dans la forêt »

Munch reprend plusieurs décennies plus tard un motif élaboré à la fin des années 1890. Dans cette variation, le couple est représenté en pied, dans un paysage luxuriant et presque étouffant. Ce même arrière-plan se retrouve dans d’autres tableaux peints au même moment, mettant en scène des couples désunis. L’atmosphère anxiogène de ces oeuvres centrées sur le thème de l’amour destructeur est renforcée par l’évocation de cette forêt primitive. (Source : expo)

Mon Avis sur cette exposition

Edvard Munch était l’un de mes peintres préférés quand j’avais une vingtaine d’années et, aujourd’hui encore, je suis touchée par son œuvre qui me parait extrêmement sincère et authentique. Il n’y a aucune trace de posture ou de simulation de la part de Munch, qui nous donne à voir son monde intérieur, ses angoisses, ses douleurs affectives et morales, et cela en fait un artiste très humain et émouvant.
Bien sûr, sa vision du monde est souvent mélancolique et sa conception de l’amour est assez toxique, avec ces figures de femmes-vampires, de femmes-infidèles ou de ruptures douloureuses avec des femmes-abandonnantes, comme si l’amour ne cessait jamais de faire souffrir l’artiste, pendant la relation et après la rupture.
On peut remarquer cependant que l’œuvre de Munch semble devenir moins lugubre et moins douloureuse à partir des années 1910 environ car sa palette s’éclaircit, ses couleurs deviennent plus vives, et ses sujets un peu plus apaisés.
Bien que Munch ait été contemporain de la plupart des grandes avant-gardes de la première moitié du 20è siècle (fauvisme, cubisme, abstraction, futurisme, dadaïsme, surréalisme, etc.) on peut noter qu’il est resté fidèle à sa propre esthétique, qui a néanmoins évolué vers une touche plus libre et plus hâtive et des couleurs plus éclatantes, au fur et à mesure des décennies.
J’étais intéressée également par les nombreux autoportraits réalisés tout au long de sa vie, et qui nous montrent non seulement la grande évolution de sa physionomie mais aussi les regards très différents qu’il a pu porter sur lui-même, en soulignant divers aspects de sa personnalité.

Je vous laisse sur un tableau plus optimistes et plus lumineux, qui reflète un aspect plus rare et méconnu de Munch. Il nous donne ici un symbole d’espérance et d’éveil spirituel, à la limite de l’abstraction :

Le soleil, panneau central d’un triptyque décoratif, 1911

Deux Poèmes de Paul Eluard inspirés de peintres (Braque et Chirico)

J’ai trouvé ces deux poèmes dans le livre « Capitale de la Douleur » suivi de « L’Amour la poésie » paru chez Poésie/Gallimard.
Giorgio de Chirico (1888-1978) est un peintre italien, inventeur de la peinture métaphysique, et précurseur du mouvement Surréaliste. Il appartient au groupe surréaliste jusqu’en 1925, après quoi il oriente son art vers plus de classicisme.
Georges Braque (1882-1963) est un peintre français, d’abord influencé par les Fauves, il est le co-inventeur avec Picasso du cubisme dans les années 1911 à 1914. Dans les années 1950 il consacre une série de tableaux aux Oiseaux.

Giorgio de Chirico

Un mur dénonce un autre mur
Et l’ombre me défend de mon ombre peureuse.
O tour de mon amour autour de mon amour,
Tous les murs filaient blanc autour de mon silence.

Toi, que défendais-tu ? Ciel insensible et pur
Tremblant tu m’abritais. La lumière en relief
Sur le ciel qui n’est plus le miroir du soleil,
Les étoiles de jour parmi les feuilles vertes,

Le souvenir de ceux qui parlaient sans savoir,
Maîtres de ma faiblesse et je suis à leur place
Avec des yeux d’amour et des mains trop fidèles
Pour dépeupler un monde dont je suis absent.

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Braque, l’oiseau et son ombre

Georges Braque

Un oiseau s’envole,
Il rejette les nues comme un voile inutile,
Il n’a jamais craint la lumière,
Enfermé dans son vol,
Il n’a jamais eu d’ombre.

Coquilles des moissons brisées par le soleil.
Toutes les feuilles dans les bois disent oui,
Elles ne savent dire que oui,
Toute question, toute réponse
Et la rosée coule au fond de ce oui.

Un homme aux yeux légers décrit le ciel d’amour.
Il en rassemble les merveilles
Comme des feuilles dans un bois,
Comme des oiseaux dans leurs ailes
Et des hommes dans le sommeil.

Paul Eluard

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Cet article s’inscrit dans le cadre de mon Printemps des artistes.

Logo du Défi, créé par Goran

Des Poèmes de Baudelaire sur le voyage

Portrait de Baudelaire

Comme je consacre ce mois de janvier au thème du voyage, je ne pouvais pas passer à côté de Baudelaire (1821-1867) puisque plusieurs poèmes très célèbres des Fleurs du Mal évoquent ce sujet.
Le poète de Spleen et Idéal avait en effet voyagé entre juin 1841 et février 1842, âgé de vingt ans. Embarqué sur le Paquebot des mers du sud à destination des Indes, un naufrage près des Îles Mascareignes (la Réunion et l’Île Maurice) incite le jeune Baudelaire à retourner en France. Il garde de ce périple un grand attrait pour l’exotisme et les pays lointains.
J’aurais pu choisir L’Invitation au Voyage ou Parfum Exotique ou A une Dame créole ou même L’Albatros pour illustrer mon propos, mais j’ai finalement opté pour le moins célèbre Bohémiens en voyage et pour la première partie du long et beau poème Le Voyage (qui comporte en fait quatre parties).

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Le Voyage

I

Pour l’enfant, amoureux de cartes et d’estampes,
L’univers est égal à son vaste appétit.
Ah ! que le monde est grand à la clarté des lampes !
Aux yeux du souvenir que le monde est petit !

Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme,
Le coeur gros de rancune et de désirs amers,
Et nous allons, suivant le rythme de la lame,
Berçant notre infini sur le fini des mers :

Les uns, joyeux de fuir une patrie infâme ;
D’autres, l’horreur de leurs berceaux, et quelques-uns,
Astrologues noyés dans les yeux d’une femme,
La Circé tyrannique aux dangereux parfums.

Pour n’être pas changés en bêtes, ils s’enivrent
D’espace et de lumière et de cieux embrasés ;
La glace qui les mord, les soleils qui les cuivrent,
Effacent lentement la marque des baisers.

Mais les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent
Pour partir, coeurs légers, semblables aux ballons,
De leur fatalité jamais ils ne s’écartent,
Et, sans savoir pourquoi, disent toujours : Allons !

Ceux-là dont les désirs ont la forme des nues,
Et qui rêvent, ainsi qu’un conscrit le canon,
De vastes voluptés, changeantes, inconnues,
Et dont l’esprit humain n’a jamais su le nom !

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Bohémiens en voyage


La tribu prophétique aux prunelles ardentes
Hier s’est mise en route, emportant ses petits
Sur son dos, ou livrant à leurs fiers appétits
Le trésor toujours prêt des mamelles pendantes.

Les hommes vont à pied sous leurs armes luisantes
Le long des chariots où les leurs sont blottis,
Promenant sur le ciel des yeux appesantis
Par le morne regret des chimères absentes.

Du fond de son réduit sablonneux le grillon,
Les regardant passer, redouble sa chanson ;
Cybèle, qui les aime, augmente ses verdures,

Fait couler le rocher et fleurir le désert
Devant ces voyageurs, pour lesquels est ouvert
L’empire familier des ténèbres futures.

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Antoinette dans les Cévennes de Caroline Vignal

Affiche du film

J’ai eu envie de consacrer ce mois de janvier au thème du Voyage, et j’ai donc regardé en DVD ce film de 2020 de Caroline Vignal, qui est essentiellement l’histoire d’une jeune femme partie en randonnée à travers la campagne, en compagnie d’un âne.

Notes techniques sur le film :

Genre : Comédie
Date de Sortie en salle : 2020
Français, Couleur
Durée : 1h37

Présentation du DVD (Quatrième de Couv) :

Des mois qu’Antoinette attend l’été et la promesse d’une semaine en amoureux avec son amant, Vladimir. Alors quand celui-ci annule leurs vacances pour partir marcher dans les Cévennes avec sa femme et sa fille, Antoinette ne réfléchit pas longtemps : elle part sur ses traces ! Mais à son arrivée, point de Vladimir – seulement Patrick, un âne récalcitrant qui va l’accompagner dans son singulier périple…

Mon Avis :

Ce film avait eu un très grand succès en France au moment de sa sortie, qui tombait peu après le confinement (si je me souviens bien), et qui avait l’avantage d’apporter de la gaité et des escapades en pleine nature et en liberté pendant une période où nous nous sentions tous moroses, coincés et entravés. Un bol d’air frais, en quelque sorte.
N’ayant pas vu ce film à sa sortie, mais seulement deux ans plus tard, cet effet post-confinement est sûrement moins prégnant, mais j’ai tout de même apprécié ce périple à travers les superbes paysages des Cévennes ainsi que le formidable jeu d’actrice de Laure Calamy qui passe de l’émotion au comique (et, souvent, les deux en même temps) avec un grand naturel.
L’amitié très forte qu’Antoinette noue avec son âne m’a un peu fait penser au vieux film avec Fernandel, « La Vache et le prisonnier », même si le contexte de ces deux histoires est complètement différent. Le face à face affectueux humain-animal a tendance à susciter la sympathie du spectateur en toutes circonstances. Et on peut dire que, dans « Antoinette dans les Cévennes« , les relations de la jeune femme avec son âne paraissent nettement plus importantes que ses relations avec son amant, et en tout cas plus profondes, plus passionnelles et plus durables.
Il m’a semblé que, dans ce film, Antoinette apprivoise peu à peu cet animal et apprend à composer avec son caractère têtu et réfractaire et, ce faisant, elle apprend aussi à composer avec la réalité, à accepter la vie telle qu’elle, c’est-à-dire souvent frustrante, insatisfaisante.
C’est peut-être une faiblesse du film, de ne pas avoir un peu plus approfondi le personnage de l’amant et de ne pas avoir davantage creusé cette relation amoureuse qui est supposée être le moteur de l’intrigue et à laquelle on ne croit pas vraiment. Car, au final, on se demande pourquoi la jeune femme (Laure Calamy) est ainsi partie dans les Cévennes et s’est embarquée dans une aussi grosse galère à la poursuite d’un amant si falot et si peu intéressant. Alors, oui, elle est sûrement très impulsive et irréfléchie, écervelée, mais ça parait par moment incohérent, d’autant qu’elle n’a plus quinze ans…
Ceci dit, j’ai trouvé ce film assez agréable, sympathique, bon enfant… mais je n’aurai pas envie de le voir une deuxième fois.

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Sans rapport avec le film chroniqué ci-dessus :

Je profite de cet article pour vous adresser mes meilleurs vœux de bonne et heureuse année pour 2023 !
Santé, affection, paix, inspiration et belles lectures poétiques, réussites dans vos projets et découvertes culturelles enrichissantes…

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L’Exposition Charles Camoin et Joyeux Noël

Je vous souhaite à tous un très beau et très joyeux Noël !

Pour cette occasion, je vous parlerai d’un sujet qui n’a rien à voir avec la Nativité ni avec la dinde aux marrons, mais j’espère que cela vous plaira quand même.

L’été dernier, en août 2022, j’ai visité la très belle exposition du Musée de Montmartre sur le peintre fauviste Charles Camoin (Marseille, 1879- Paris, 1965), ce qui fut une découverte intéressante car ce peintre n’est pas considéré habituellement comme une figure centrale du Fauvisme, au contraire de Matisse, Derain, Vlaminck, Marquet bien qu’il soit leur ami et qu’il ait souvent travaillé à leurs côtés.

Cette exposition intitulée « Charles Camoin, un fauve en liberté » a eu lieu du 11 mars au 11 septembre 2022 au Musée de Montmartre.
Voici le texte de présentation que l’on pouvait lire sur le site du musée à ce sujet :

Souvent qualifié de fauve méditerranéen, Charles Camoin (1879-1965) s’est inscrit, par ses liens avec Paris et la bohème montmartroise, dans le cercle de l’avant-garde internationale. Affilié au fauvisme, lié à Matisse, Marquet et Manguin, il n’a pour autant jamais renoncé à son indépendance artistique.

L’exposition permet de redécouvrir l’œuvre du peintre en intégrant une centaine de tableaux et dessins, dont certains inédits. Elle approfondit différents épisodes historiques et thématiques de la vie de l’artiste et analyse l’évolution de son langage pictural, fondé sur la sensation colorée.

Compotier de fruits au verre de vin rouge, 1905

Femme à la voilette, 1905

Texte accompagnant la « Femme à la voilette »

Saint-Tropez, été 1905. Camoin, Marquet, Manguin et d’autres travaillent à leur peinture, sous la lumière éclatante du Sud, comme en témoigne la toile de Marquet montrant Camoin peignant La Petite Lina (1905, Musée Cantini, Marseille). Au contact direct de la nature, ils cherchent à rendre leur sensation lumineuse par la couleur, ce qui deviendra la marque des Fauves à l’automne 1905. Camoin se distingue par une manière nuancée, sachant modérer ses sensations face à cette lumière du Midi qu’il connaît si bien, contrairement à ses camarades. (…) (Source : Musée)

Port de Toulon à la barrière, 1904-1905

Port de Cassis, 1904

Autoportrait, 1910
Le Printemps, 1921

Texte de l’étiquette accompagnant « Le Printemps« 

Si Camoin peint régulièrement sur le motif, se déplaçant au volant de sa voiture-atelier Cocotte, l’atelier n’est jamais très loin. Ses toiles demeurent toujours des paysages composés : les formes sont simplifiées et construites à l’aide de la couleur saturée dans des compositions affranchies de leur caractère descriptif tout en gardant un semblant de fidélité à la réalité. Interroger sans relâche ce qu’il voit et perçoit afin de réussir à le transcrire sur la toile : la série et la répétition de motifs deviennent un procédé pour décanter ses sensations, le temps est comme suspendu. (Source : Musée)

L’Exposition Baselitz au Centre Pompidou

Du 20 octobre 2021 au 7 mars 2022 s’est tenue une rétrospective du peintre allemand Georg Baselitz (né en 1938) au Centre Pompidou et je profite de l’occasion des Feuilles allemandes pour évoquer brièvement la visite que j’ai faite de cette exposition à la fin du mois de janvier.

Résumé subjectif de ma visite :

Je ne connaissais quasiment rien de ce peintre avant ma visite et j’ai été pour le moins surprise et effrayée par les deux premières salles qui nous montrent des visions sanguinolentes et repoussantes par lesquelles le peintre a commencé à se faire connaître dans les années 60 en créant la polémique et en choquant le public. Mais les salles suivantes montrent une évolution très nette de son style, même si l’impact de ses tableaux reste toujours fort et marquant. A partir des années 70, il expose souvent ses œuvres à l’envers (paysages, portraits) afin d’échapper à l’opposition figuratif/abstrait et rester à mi-chemin entre ces deux options. Il utilise pour ses toiles des grands formats. Les deux couleurs que l’on retrouve le plus souvent dans ces tableaux : le noir et le jaune, mais les effets obtenus peuvent être assez variés, de la brutalité à l’expressivité. Dans les années 2000, Baselitz revisite certaines de ses anciennes œuvres et en propose des versions renouvelées, qu’il intitule « Remix », et qui sont comme des variations sur les mêmes thèmes, très intéressantes à mettre en parallèle. En définitive, j’ai apprécié cette exposition qui retrace soixante ans de la carrière de ce peintre important et inclassable. Car c’est toujours plaisant de regarder le cheminement d’un artiste et de suivre son évolution depuis ses débuts, même si certaines phases de son travail peuvent nous rebuter au premier abord.

Filles d’Olmo II, 1981
Filles d’Olmo, Remix, 2008
Usine de béton préparé, 1970








Renverser l’image : Baselitz s’obstine à renouveler la peinture quand les tenants de l’art conceptuel la déclarent morte. A 30 ans, il cherche ainsi le moyen de rompre radicalement avec une représentation fidèle de la réalité. « Pour moi, le problème consistait à ne pas peindre de tableau anecdotique ou descriptif. D’un autre côté, j’ai toujours détesté cet arbitraire nébuleux des théories de la peinture abstraite. Le renversement du motif dans le tableau m’a donné la liberté de me confronter à des problèmes picturaux. » Tout en restant à distance du pop-art et du réalisme capitaliste, il produit ses premiers tableaux aux motifs renversés d’après photographies en 1969. Présentés dès 1970 à Cologne par le marchand et collectionneur Franz Dahlem, ils créent l’événement. Dès lors, l’artiste qui peinait encore à vivre de son art va voir les institutions et certains collectionneurs influents s’intéresser à son travail. (Source : un Panneau de l’exposition)

Wagon-lit au lit en fer, 2019
Tableau 8, 1991

Des Poèmes de François de Cornière sur le bord de mer

Couverture au Castor Astral

Présentation du recueil par l’éditeur

Les Façons d’être est la première anthologie personnelle de François de Cornière. Elle réunit ses poèmes les plus marquants ainsi que de nombreux inédits.

Pratiquant toujours l’arrêt sur image à partir d’infimes détails du quotidien, de quelques mots dans un carnet, François de Cornière restitue avec une désarmante simplicité des instants de vie qui prennent soudain force.

Avec Les Façons d’être, François de Cornière entrouvre les portes de son univers ! Il décrit avec justesse et délicatesse la complexité de l’existence.

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Présentation du Poète par l’éditeur

François de Cornière est né en 1950 à Caen où il a animé pendant plus de trente ans les fameuses Rencontres pour lire. Il vit désormais près de Guérande, sur la côte Atlantique. Auteur d’une vingtaine d’ouvrages, il a reçu le Prix RTL-Poésie 1, le Prix Georges Limbour et le Prix Apollinaire.
On a dit de lui qu’il était « le chef de file de la poésie du quotidien ». Ce à quoi il répond avec un sourire qu’il est le chef de rien du tout, et encore moins « un chef de file ».

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J’ai choisi deux poèmes extraits du recueil Nageur du petit matin (2015)

SUR LE DOS

Il y avait des soirées
sans vent sans vagues
où l’envie de nager sur le dos
était une évidence.

Pas de mouvement de bras
peu de battements de pieds
le ciel m’accompagnait
jusqu’à très loin du bord.

Sillages d’avions si hauts
couleurs effilochées
confusions transparentes
profondes à la renverse.

Cette impression alors
de n’être plus qu’un corps
un dos couché sur l’eau
l’oubli de qui on est :

être soi-même l’oubli
de tout ce qu’on a aimé.

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CE PETIT TAS DE MOI

J’ai nagé très lentement ce matin.
La mer était un lac
pas un souffle de vent
et personne sur la plage.

La lune encore visible
belle et ronde au-dessus
le soleil – lueur orange –
du côté des marais.

J’ai nagé doucement
faisant glisser mes bras
dans l’eau claire de la baie
étirant tout mon corps.

J’ai nagé seul au monde
– le trait blanc d’un avion
comme souvenirs de nous
que je n’aurai jamais –

Et sur le sable froid
ma serviette et mon pull
ce petit tas de moi
là-bas qui attendait.

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Quelques poétesses de la revue Ashibi (haïkus du 20è siècle)

Couverture chez Points

Quand je me suis lancé le défi de consacrer un Mois Thématique aux Femmes Japonaises, je pensais pouvoir trouver assez facilement des recueils de poétesses traduits en français, de la même manière qu’on trouve sans difficulté des œuvres de romancières japonaises publiées chez un grand nombre d’éditeurs français. Mais je me suis aperçue que ce n’était pas si simple…

Quoi qu’il en soit, je vous présente aujourd’hui des haïkus de poétesses japonaises du 20è siècle, que j’ai trouvés dans l’anthologie « La lune et moi« , parue chez Points en version bilingue, en 2011, et qui proviennent tous de la plus prestigieuse et célèbre revue japonaise de haïkus, Ashibi (L’Azalée), qui sont ici traduits du japonais par Dominique Chipot et Makoto Kemmoku.

Comme je n’ai trouvé aucune notice biographique sur les haïjins présentées – pas même leurs dates de naissance – je vous livre seulement les poèmes signés du nom de leurs autrices.

PRINTEMPS

Les couleurs de l’arc-en-ciel
dans la mousse du shampooing –
Le printemps commence.

Chizuko Tokuda

**

La neige printanière
se répand
pareille à des mots doux.

Fumiko Araï

**

L’aube –
Par terre, des étamines
dessinent un chemin

Sachiko Itami

**

D’une épine brillante
de mandarinier sauvage
naît un papillon.

Machiko Okamoto

***

ETE


La pivoine à peine ouverte,
le présent
est déjà passé

Yuki Honda

**

Nouvelles feuilles de cerisiers –
Mes anciens amis se rassemblent
sur les ruines de notre école

Haruo Mizuhara

**

Ce garçon, ayant traversé
des roseaux verts en courant,
devient vent

Yuki Honda

**

L’irrégulière réflexion
d’un verre vénitien –
Fin d’été

Oriko Nishikawa

***

AUTOMNE


Chute des feuilles de ginko –
Tranquillement
le ciel forcit

Chieko Watanabe

**

Le bruit de l’eau,
éclairé par la lune,
plus intense

Sueko Fuji’i

**

Je donne à mon époux
la pomme cueillie tout à l’heure.
Suis-je une enfant d’Eve ?

Yôko Ichigatani

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Cigales d’automne –
Les lettres d’un défunt
restées dans le porte-lettres

Setsuko Shimizu

***

HIVER

Quinte de toux –
Ma solitude dans la nuit
plus profonde

Fumiko Araï

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La corde à sauter
fait tournoyer
le soleil couchant.

Chizuko Tokuda

**

Jusqu’à ce que mes cils
gèlent
je lève les yeux vers l’aurore.

Yôko Ichigatani

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Je travaille un peu
puis paresse plus longtemps –
Les jours rallongent…

Kazuko Senju

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Quelques haïkus de poétesses japonaises

Parue chez Points, l’anthologie « Haïjins japonaises, du rouge aux lèvres » réunit quarante poétesses japonaises, classiques et contemporaines, qui ont toutes excellé dans l’art du haïku.
Quarante haïjins (on appelle ainsi les auteur(e)s de haïkus), cela fait beaucoup pour ce livre assez mince (260 pages) et, souvent, on voudrait que le chapitre consacré à telle ou telle poétesse soit plus étoffé car ces poèmes sont vraiment très beaux et d’une concision parfaite. On reste donc fréquemment avec un goût de trop-peu mais cela permet au moins de découvrir des poétesses sensibles et très inspirées, avec l’idée d’approfondir peut-être plus tard cette première approche, au cas où certaines de ces haïjins seraient traduites en français par ailleurs…
En ce qui concerne ce livre précis, les poèmes ont été traduits du japonais et présentés par Dominique Chipot et Makoto Kemmoku ; ils sont présentés en version bilingue.

J’ai sélectionné parmi ces 40 haïjins cinq d’entre elles mais le choix a été très difficile car elles m’ont paru vraiment toutes excellentes.
Parmi elles, je vous propose de relire quelques haïkus de Chiyo-ni, une poétesse dont j’ai déjà parlé il y a quelques jours, et pour laquelle j’ai sélectionné des poèmes différents et tout aussi beaux.


Chiyo-ni (1703-1775) est une nonne bouddhiste et poétesse de la période Edo. Elle commence à étudier le haïku dès l’âge de douze ans. A l’âge de 17 ans, elle est reconnue par le maître Shiko Kagami (1665-1731). Elle se marie à 18 ans mais son mari meurt deux ans plus tard. Devenue bonzesse en 1754, elle se lie avec de nombreux haïjins de cette époque. Elle est parfois désignée sous le nom de Kaga no Chiyo.
Elle est considérée comme une des grandes poétesses japonaises.

Portrait de Chiyo-ni


Je bois à la source,
oubliant que je porte
du rouge aux lèvres.

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L’eau les dessine,
puis l’eau les efface,
les iris.

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Le fil de la canne à pêche
effleure
le clair de lune.

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S’il ne criait pas,
je ne distinguerais pas le héron.
Matin de neige.

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Les volubilis
enserrent le seau du puits.
Je demande à mon voisin de l’eau.

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Takako Hashimoto (1899-1963), née à Tokyo, étudie d’abord la peinture puis elle se marie en 1917 avec le riche architecte Toyojirô Hashimoto, qui meurt en 1937. Elle organise chez elle, dès 1922, des « rencontres culturelles » et commence à composer des haïkus sous l’influence du maître Seishi Yamaguchi (1901-1994). Elle devient membre de la revue Ashibi (Azalée) puis de la revue Tenrô (Sirius) après guerre. Elle a publié cinq recueils de haïkus et ses oeuvres complètes sont parues après sa mort.
Takako Hashimoto est considérée au Japon comme le plus grand génie de haïku moderne japonais.

Tempête de neige.
Ma coiffure de veuve
en désordre.

Portrait de Takako Hashimoto

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Hortensias.
La lettre arrivée hier,
déjà vieille.

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Tant à supporter !
Les volubilis bleu foncé
chaque matin.

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Mes cheveux lavés,
des gouttes
partout où je vais.

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Dans le champ de neige,
baissant la tête,
je sens mon haleine.

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Takajo Mitsuhashi (1899-1972), née dans le village de Tamachi près de Narita, sous le nom de Taka Matsuhashi, mais elle est appelée Takako. Après le lycée, elle étudie l’art de la poésie avec ses professeurs privés : Yosano Akiko et Bokusui Wakayama. En 1922, elle se marie et se tourne plus particulièrement vers la composition de haïkus. Elle participe successivement à plusieurs revues poétiques : Kabiya, Keitôjin (La Crête de Coq), puis Bara (la Rose) à partir de 1953. De son vivant, Takajo a publié cinq recueils de haïkus et son œuvre complète est parue après sa mort.
Après la fin de la seconde guerre mondiale, Takajo Mitsuhashi est avec Tatsuko Hoshino, Teijo Nakamura et Takako Hashimoto désignée comme « Les Quatre T » de la poésie féminine et du haïku moderne, qu’elles ont ensemble créé.

Portrait de Takajo Mitsuhashi


Le lierre fané
prisonnier
de ses propres tiges.

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Brûlants
dans la fleur de l’âge,
le piment rouge et la femme.

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Cimetière.
Des camélias préfèrent tomber
plutôt que fleurir.

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Je déteste tout ce qui se bouscule
même les fleurs
blanches de prunier.

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Le chant
de mille grillons.
Un seul chante faux.

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Kyôko Terada (1922-1976), née à Sapporo, elle est malade de la tuberculose dès l’âge de 17 ans. Elle a composé ses premiers haïkus en 1944 et est devenue membre de la revue Kanraï (Foudre d’hiver) puis de la revue Sugi (Cyprès). Elle était par ailleurs auteur dramatique pour la télévision. Elle a reçu un Prix de l’Association de haïku moderne en 1967 et a publié quatre recueils de haïkus.
Ses poèmes m’ont paru particulièrement forts et émouvants. Malheureusement, je n’ai pas trouvé de portrait d’elle sur Internet.


Cet hiver, mon visage
reflété dans une cuillère.
Malade depuis l’enfance.

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L’arrosage…
Je veux revoir ma mère morte
plutôt que mon père vivant.

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Je m’habille d’un kimono de serge.
Une ligne suffira
dans le testament.

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On m’annonce la mort
de mon amie – je suis nue
dans les bains publics.

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Momoko Kuroda (née en 1938)


Douce journée.
L’un de nous deux
sera seul un jour.

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La cascade chute
et des hommes
vieillissent.

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Ni la lune,
ni les étoiles,
mais la pivoine blanche.

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Dans l’avion,
je décolle pour l’envers
du ciel bleu d’hiver.

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