Bilan du « Printemps des artistes » de 2023

Nous sommes arrivés à la fin du Printemps des Artistes, édition de 2023, et je remercie beaucoup les participants et participantes pour leurs chroniques nombreuses, riches et variées, abordant de multiples thèmes et des époques diverses !
Cette année, le défi rassemble une soixantaine de chroniques.
Un remerciement particulier à Miriam et à la Barmaid aux lettres, pour leurs dizaines de contributions !
Si j’ai oublié l’une de vos chroniques dans ma liste, n’hésitez pas à me le signaler, je corrigerai dès que possible !

Voici donc cette liste de chroniques publiées pour le défi :

Chez Ana-Cristina du blog « Autour d’un livre ou deux » :

Un nommé Schulz d’Ugo Riccarelli – Un roman biographique à propos de l’écrivain polonais Bruno Schulz
La Nuit de l’oracle de Paul Auster – roman autour de quatre personnages, tous écrivains
Dans le scriptorium de Paul Auster – roman dont le personnage principal est écrivain et qui parle d’écriture

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Chez Nathalie alias « Madame lit« 

Tous les Matins du monde de Pascal Quignard – Roman biographique sur les musiciens du 17è siècle, Marin Marais et Monsieur Sainte-Colombe, compositeurs baroques.

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Chez Isabelle du blog « Une Ribambelle d’histoires« 

555 d’Hélène Gestern : un roman articulé autour du compositeur Scarlatti et de ses 555 sonates
Antonia la cheffe d’orchestre, par Maria Peters : Biographie romancée d’Antonia Brico, la première femme à diriger un orchestre, dans les années 1920-30.

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Chez Fabienne (Livrescapades) :

Georges et Carmen, un roman de Rousselot sur le compositeur Georges Bizet.
Rachel et les siens de Metin Arditi – Un roman turc contemporain dont l’héroïne est une dramaturge à succès : thèmes politiques, historiques et artistiques.
Paroles d’artiste Abdul Rahman Katanani et Barbara Polla – Livre sur un artiste palestinien contemporain, engagé, réalisant des œuvres en fils barbelés ou en tôle.

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Chez Claude du blog Livres d’un Jour :

Art poétique de Paul Verlaine – Célèbre poème à propos de la poésie
Fantaisie de Gérard de Nerval – Célèbre poème à propos de musique
Article sur la compositrice contemporaine Graciane Finzi
Anaïs Nin sur la mer des mensonges de Leonie Bishoff – Roman graphique sur la vie d’Anaïs Nin
Evelyn de Morgan – Article sur une femme peintre anglaise du 19è siècle, appartenant au mouvement préraphaélite.

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Articles de Miriam sur son blog « Carnets de voyage et notes de lecture« 

Des Lendemains qui chantent d’Alexia Stresi – Roman dont le héros est un grand ténor célèbre, chantant plusieurs opéras classiques (Verdi, etc)
Philippe Cognée à l’Orangerie et au musée Bourdelle – Double exposition d’un artiste contemporain, peintures, photographies, installations.
Manet et Degas à Orsay – Chronique sur l’exposition du Musée d’Orsay
Matisse cahiers d’art le tournant des années 30 : Chronique sur cette exposition de l’Orangerie
Germaine Richier au Centre Pompidou : Chronique sur cette rétrospective de la sculptrice du 20è siècle
Anna Eva Bergman – Voyage vers l’intérieur – Chronique sur l’exposition du Musée d’Art Moderne
Sarah Bernhardt au Petit Palais – Exposition sur la célèbre tragédienne des années 1900, qui fut aussi sculptrice
Musée Bourdelle à Montparnasse : Musée parisien consacré à ce sculpteur
Ronald Cyrille B Bird : Exposition des peintures et collages d’un artiste né à Saint-Domingue, vivant en Martinique.
Pointe à Pitre, Mémorial Acte – Musée retraçant l’histoire de l’esclavage, avec des œuvres artistiques modernes et contemporaines
Faith Ringgold, une artiste féministe et engagée Exposition au Musée Picasso
L’ombre de Goya par Jean-Claude Carrière – Film sur la vie et les tableaux de Goya.
Souleymane Bachir Diagne : Essai sur Leopold Sedar Senghor, l’art africain comme philosophie
Le Conteur, la nuit et le panier de Patrick Chamoiseau – Essai sur la littérature, sur la figure de l’écrivain, l’inspiration et l’acte d’écriture

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Chez Sacha du blog « Des romans mais pas seulement« 

Autobiographie Mémoires d’une recluse d’Elisavet Moutzan Martiengou – Autobiographie d’une écrivaine grecque

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Article d’Eva du blog « Et si on bouquinait un peu« 

Le Livre de mon Père d’Urs Widmer – Biographie romancée d’un écrivain allemand, Karl Walter Widmer, livre où il est aussi question de peintres, poètes, sculpteurs,…

Articles de Patrice du même blog : Si on bouquinait un peu.

L’effroi de François Garde : Roman dont le héros est musicien d’orchestre (altiste), thèmes politiques et médiatiques.
Les Architectes de Stefan Heym : Roman dont un des thèmes est l’architecture, mais qui touche aussi à l’histoire et à la politique.

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Articles de Roz sur le blog « la bibliothèque Roz« 

Hokusai : Film japonais de Hajime Hoshimoto sur le célèbre peintre d’estampes
L’Exposition S.H. Raza au Centre Pompidou : Un peintre indien du 20è siècle
Le Bleu du Caftan : Film de Maryam Touzani (2023) sur les arts textiles traditionnels marocains
Le Prince des Marées de Pat Conroy : Saga dans laquelle un des personnages principaux est écrivain et poète
Art brut, la Fabuloserie, Exposition d’art brut à la Halle Saint Pierre à Paris
Showing Up de Kelly Reichardt : Film de 2023 dont l’héroïne est une sculptrice qui travaille également dans une école d’art

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Chez la Barmaid aux Lettres :

Hegra- Nehmé : Livre sur l’Archéologie au pays des Nabatéens d’Arabie
Jean-Luc Verna – Collectif : Beau livre artistique (art contemporain)
Ecopunk – Hein – Livre sur la musique punk et leurs paroles de chansons
The Visual Dictionary of Graphic Design – Paul Harris – Un livre complet sur le design graphique
La Fabrique du titre – Collectif : Livre sur l’art du titre : comment on nomme une œuvre littéraire ou visuelle.
A la mode, l’art du paraître au XVIIIè siècle – Collectif : Catalogue d’exposition sur la représentation vestimentaire à travers la peinture du 18è siècle et l’art du textile.
Le Bateau #19 : Rouge : Présentation d’une revue artistique, érotique.
Apprendre à voir : Zhong Mengual – Un Essai sur l’histoire de l’art en rapport avec l’écologie et le féminisme.
Courants verts – Paul Ardenne – Un Livre sur l’art écologique (art contemporain)
Fowkes – Art and Climate change – Un autre livre sur le lien entre l’art et l’écologie

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Chez moi

Le Motif dans le tapis d’Henry James : Court roman qui évoque la littérature, à travers deux personnages, l’un écrivain et l’autre critique littéraire
Un Poème d’Anne Sexton sur Sylvia Plath : Poésie sur la poétesse américaine, par son amie poète
Le Métier d’écrivain de Hermann Hesse : Textes de réflexion sur l’écriture
Les Amandiers de Valéria Bruni-Tedeschi – Film de 2022 sur l’école du théâtre des Amandiers dans les années 80
Une Femme en contre-jour de Gaëlle Josse : Biographie littéraire de la photographe américaine Vivian Maier
Edvard Munch : Exposition du Musée d’Orsay sur le peintre norvégien
La Découverte du monde de C.-F. Ramuz : Autobiographie de l’écrivain, naissance de sa vocation
Des Poèmes de Paul Eluard sur des tableaux de Chirico et de Braque – Peinture du 20è siècle
Des Poèmes de Claire Gondor à propos de Louise Labé et Pernette du Guillet
Des Poèmes de Matthieu Lorin sur deux écrivains américains du 20è siècle : Brautigan et Jim Harrison
Bright Star de Jane Campion : Film relatant la vie du poète romantique John Keats
Le Conteur, la nuit et le panier de Patrick Chamoiseau : Essai sur la littérature et l’acte d’écriture.
Des Poèmes de Saint-John Perse sur « Les Oiseaux » de Georges Braque – Peinture du 20è siècle
La Leçon de Ténèbres de Léonor de Récondo – Collection « Ma nuit au musée » à propos du peintre Le Greco
La plus secrète mémoire des hommes de Mohamed Mbougar Sarr – Roman dont les principaux personnages sont tous écrivains
Un de mes poèmes sur Billie Holiday – Musique, jazz
Mon Individualisme, de Natsume Sôseki – Conférence de l’écrivain sur la littérature et la naissance de sa vocation
Le Salon de Musique de Satyajit Ray – Film classique indien, sur la vanité artistique, le prestige social lié à l’art

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La Leçon de Ténèbres de Léonor de Récondo

Couverture chez Points

Vous connaissez sans doute la collection littéraire contemporaine « Ma nuit au Musée » où un écrivain est invité à passer toute une nuit tout seul, enfermé dans son Musée préféré, pour en faire la matière d’un livre – réflexions sur l’art, rencontre avec un artiste du passé, expérience de la solitude.
Je me suis penchée sur « La Leçon de Ténèbres » de Léonor de Récondo, où il est question de la nuit caniculaire qu’elle a passée dans le Musée El Greco, dans la ville de Tolède, en Espagne. Gréco est en effet le peintre qu’elle vénère entre tous et qu’elle espère « rencontrer » intimement durant ces heures nocturnes.

Note Pratique sur le Livre

Editeur : Points
Date de première publication : 2020
Nombre de Pages : 122

Note sur l’écrivaine

Née en 1976 dans une famille d’artistes, Léonor de Récondo est violoniste et écrivaine. Ses romans Rêves oubliés, Pietra viva, Amours (Grand Prix RTL-Lire et prix des Libraires), Point cardinal (Prix des étudiants France-Culture-Télérama) et Manifesto sont disponibles chez Points. Son dernier texte K.626, en référence au requiem inachevé de Mozart, vient de paraître.
(Source : éditeur)

Quatrième de Couverture

Quatre siècles séparent Léonor de Récondo de Doménikos Theotokópoulos, dit El Greco. Pourtant, elle est là, à Tolède, en son musée, qui l’attend pour une nuit d’amour. Ce peintre de la couleur qu’elle admire tant. Dans la touffeur de la nuit, entre fièvre et ferveur, échos mystiques, poésie, souvenirs familiaux et fantômes, elle le convoque. Viendra-t-il ?

Mon avis

Curieusement, ce livre est surtout une biographie du Greco et les passages qui relatent la nuit de l’écrivaine au Musée de Tolède sont nettement moins développés. C’est peut-être dû au fait que cette nuit de solitude et d’obscurité a été ressentie par l’écrivaine comme vide et peu racontable tandis qu’il y a toujours des événements marquants à décrire et à expliquer dans la biographie d’un grand artiste de la Renaissance. Cependant, elle fait plusieurs fois allusion à Saint Jean de la croix et à d’autres grands mystiques chrétiens (par exemple l’extase de Sainte-Thérèse) et cela suffit à suggérer l’idée que ces longues heures d’enfermement nocturne n’ont pas été simples à traverser et que l’écrivaine a dû passer par plusieurs phases émotionnelles, des plus sombres aux plus joyeuses, des plus mornes aux plus intenses.

À travers ces nombreuses pages biographiques Le Greco nous apparaît comme un homme  intransigeant, qui faisait passer ses idéaux artistiques avant toute autre considération et qui n’hésitait pas à critiquer les autres artistes, ses collègues et concurrents, d’une manière dure et acerbe. Par exemple il a osé s’attaquer au talent de peintre de Michel-Ange alors que celui-ci était reconnu partout comme le Grand Génie de la Renaissance et cela a valu au Greco une disgrâce générale.  Artiste d’origine grecque, il s’installe d’abord en Italie qui était alors le principal centre artistique du monde, puis il s’exile une seconde fois, en Espagne. Expériences chaque fois marquées par des abandons, des ruptures, des deuils. On a l’impression que la naissance de son fils, même si elle provoque la mort de sa compagne, lui donne une certaine stabilité et qu’il prend très à cœur ce rôle de père, puisqu’il enseigne à cet enfant l’art de manier les couleurs et qu’il deviendra peintre, travaillant avec lui dans le même atelier.

Léonor de Récondo m’a paru quelquefois un peu trop lyrique à travers ces pages et son désir de faire l’amour avec le fantôme du Greco n’est pas tellement crédible, on a l’impression qu’elle en fait un peu trop, que c’est factice… comme si elle surjouait cette passion artistique de façon à rendre son livre plus attrayant pour le lecteur et qu’il y ait des choses plus croustillantes à raconter… Mais bon, son livre est déjà assez bien et ces passages lyriques n’étaient pas nécessaires.

Un moment de lecture pas mal, quand on veut approcher la personnalité et le parcours du Greco. Ca m’a appris des choses sur lui.

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Un Extrait Page 49

Tu vis alors modestement en ville, tu t’inscris à la confrérie des peintres de Rome pour ouvrir légalement un atelier. Se présente à toi un jeune apprenti, Francesco Prevoste, qui te restera fidèle et te suivra à Tolède. Les commandes sont rares mais tu ne perds pas ton verbe, non, tu cultives à le garder bien haut. Tes critiques sur tes rivaux deviennent de plus en plus acerbes, elles finissent par lasser la clientèle dont tu as pu profiter.
Doménikos, comment ne pas citer ici la plus connue ? Tu dis à propos de Michel-Ange qu’il « était un honnête homme, mais ne savait pas peindre », tu fais référence à la chapelle Sixtine, à son Jugement dernier. Tu t’attaques au grand maître mort et maintenant légende, à qui tout Rome voue un culte, le considérant comme l’incarnation même du génie. Personne n’avait osé. Personne sauf toi, Grec tourmenté qui n’a plus qu’à rassembler son maigre bagage pour partir. Une telle insulte vaut bannissement.
(…)

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Le Greco : L’Enterrement du comte d’Orgaz

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Livre lu dans le cadre du « Printemps des Artistes ».

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L’Exposition Edvard Munch au Musée d’Orsay

Désespoir, 1892

En automne-hiver 2022 s’était tenue au Musée d’Orsay une rétrospective du peintre norvégien Edvard Munch (1863-1944), et je l’ai visitée vers le début octobre, car il est un artiste très important de la fin du 19ème siècle et première moitié du 20ème. Apparenté au Mouvement Symboliste par ses thèmes mélancoliques et tourmentés, il est aussi un précurseur de l’Expressionnisme et de certaines audaces du 20ème siècle.

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Cartel de l’exposition à propos de « Désespoir » (ci-contre)

Il s’agit de la première peinture aboutie d’une série consacrée à un motif devenu iconique, celui du « Cri ». Il qualifia lui-même ce tableau de « premier Cri ». On en retrouve en effet tous les éléments constitutifs : le ciel rougeoyant, aux lignes sinueuses, la forte diagonale de la balustrade, le personnage au premier plan. Ce tableau trouve son origine dans un événement biographique. Munch dit en effet dans un poème l’angoisse qui l’a saisi alors que, malade et fatigué, il observait un coucher de soleil et que le ciel devint rouge sang.

Cartel de l’exposition à propos de « La Nuit étoilée » (ci-contre)

La Nuit étoilée, 1924

Munch réalise entre 1890 et 1930 plusieurs tableaux portant ce titre, probable écho à « La Nuit étoilée » (1888) de Van Gogh découverte lors d’un séjour à Paris. Munch exprime ici avec force un thème central de son œuvre, l’inscription de l’homme dans la nature. Il projette son ombre dans le tableau non pas une, mais trois fois : deux silhouettes et le profil de son visage se découpent sur la neige déposée au pas de sa porte. Par ce procédé, le peintre fusionne ainsi littéralement avec la nature.

Séparation, gravure, 1896
Madone, gravure, 1896
Vampire dans la forêt, 1916-18

Cartel de « Vampire dans la forêt »

Munch reprend plusieurs décennies plus tard un motif élaboré à la fin des années 1890. Dans cette variation, le couple est représenté en pied, dans un paysage luxuriant et presque étouffant. Ce même arrière-plan se retrouve dans d’autres tableaux peints au même moment, mettant en scène des couples désunis. L’atmosphère anxiogène de ces oeuvres centrées sur le thème de l’amour destructeur est renforcée par l’évocation de cette forêt primitive. (Source : expo)

Mon Avis sur cette exposition

Edvard Munch était l’un de mes peintres préférés quand j’avais une vingtaine d’années et, aujourd’hui encore, je suis touchée par son œuvre qui me parait extrêmement sincère et authentique. Il n’y a aucune trace de posture ou de simulation de la part de Munch, qui nous donne à voir son monde intérieur, ses angoisses, ses douleurs affectives et morales, et cela en fait un artiste très humain et émouvant.
Bien sûr, sa vision du monde est souvent mélancolique et sa conception de l’amour est assez toxique, avec ces figures de femmes-vampires, de femmes-infidèles ou de ruptures douloureuses avec des femmes-abandonnantes, comme si l’amour ne cessait jamais de faire souffrir l’artiste, pendant la relation et après la rupture.
On peut remarquer cependant que l’œuvre de Munch semble devenir moins lugubre et moins douloureuse à partir des années 1910 environ car sa palette s’éclaircit, ses couleurs deviennent plus vives, et ses sujets un peu plus apaisés.
Bien que Munch ait été contemporain de la plupart des grandes avant-gardes de la première moitié du 20è siècle (fauvisme, cubisme, abstraction, futurisme, dadaïsme, surréalisme, etc.) on peut noter qu’il est resté fidèle à sa propre esthétique, qui a néanmoins évolué vers une touche plus libre et plus hâtive et des couleurs plus éclatantes, au fur et à mesure des décennies.
J’étais intéressée également par les nombreux autoportraits réalisés tout au long de sa vie, et qui nous montrent non seulement la grande évolution de sa physionomie mais aussi les regards très différents qu’il a pu porter sur lui-même, en soulignant divers aspects de sa personnalité.

Je vous laisse sur un tableau plus optimistes et plus lumineux, qui reflète un aspect plus rare et méconnu de Munch. Il nous donne ici un symbole d’espérance et d’éveil spirituel, à la limite de l’abstraction :

Le soleil, panneau central d’un triptyque décoratif, 1911

Des Poèmes de Saint-John Perse sur Les Oiseaux de Georges Braque

Couverture chez Gallimard

Ces deux poèmes sont extraits du recueil « Oiseaux » disponible dans « Amers » de Saint-John Perse, et qui s’inspire des Oiseaux peints par Georges Braque.
Comme il s’agit de poésie inspirée de peintures, je publie cet article pour Le Printemps des Artistes 2023.

Note sur Saint-John Perse

De son vrai nom, Alexis Leger (prononcé « Leuger »), né en Guadeloupe en 1887 et mort à Hyères en 1975. Poète, écrivain et diplomate français. Il reçoit le Prix Nobel de Littérature en 1960. Il publie le recueil « Amers » en 1957 et le recueil « Oiseaux » en 1962.

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Braque, Les Oiseaux (Musée de Belfort)

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Deux Extraits

Page 149

IV

De ceux qui fréquentent l’altitude, prédateurs ou pêcheurs, l’oiseau de grande seigneurie, pour mieux fondre sur sa proie, passe en un laps de temps de l’extrême presbytie à l’extrême myopie : une musculature très fine de l’œil y pourvoit, qui commande en deux sens la courbure même du cristallin. Et l’aile haute alors, comme d’une Victoire ailée qui se consume sur elle-même, emmêlant à sa flamme la double image de la voile et du glaive, l’oiseau, qui n’est plus qu’âme et déchirement d’âme, descend, dans une vibration de faux, se confondre à l’objet de sa prise.

La fulguration du peintre, ravisseur et ravi, n’est pas moins vertical à son premier assaut, avant qu’il n’établisse, de plain pied, et comme latéralement, ou mieux circulairement, son insistante et longue sollicitation. Vivre en intelligence avec son hôte devient alors sa chance et sa rétribution. Conjuration du peintre et de l’oiseau…

L’oiseau, hors de sa migration, précipité sur la planche du peintre, a commencé de vivre le cycle de ses mutations. Il habite la métamorphose. Suite sérielle et dialectique. C’est une succession d’épreuves et d’états, en voie toujours de progression vers une confession plénière, d’où monte enfin, dans la clarté, la nudité d’une évidence et le mystère d’une identité : unité recouvrée sous la diversité.

Page 152 

VII

… Rien là d’inerte ni de passif. Dans cette fixité du vol qui n’est que laconisme, l’activité demeure combustion. Tout à l’actif du vol, et virements de compte à cet actif !

L’oiseau succinct de Braque n’est point simple motif. Il n’est point filigrane dans la feuille du jour, ni même empreinte de main fraîche dans l’ argile des murs. Il n’habite point, fossile, le bloc d’ambre ni de houille. Il vit, il vogue, se consume– concentration sur l’être et constance dans l’être. Il s’adjoint, comme la plante, l’énergie lumineuse, et son avidité est telle qu’il ne perçoit, du spectre solaire, le violet ni le bleu. Son aventure est aventure de guerre, sa patience « vertu » au sens antique du mot. Il rompt, à force d’âme, le fil de sa gravitation. Son ombre au sol est congédiée. Et l’homme gagné de même abréviation se couvre en songe du plus clair de l’épée.

Ascétisme du vol !… L’être de plume et de conquête, l’oiseau, né sous le signe de la dissipation, a rassemblé ses lignes de force. Le vol lui tranche les pattes et l’excès de sa plume. Plus bref qu’un alerion, il tend à la nudité lisse de l’engin, et porté d’un seul jet jusqu’à la limite spectrale du vol, il semble prês d’y laisser l’aile, comme l’insecte après le vol nuptial.

C’est une poésie d’action qui s’est engagée là. 

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Trois poèmes de Daniel Kay inspirés de peintures

Ces trois poèmes en prose sont extraits du beau recueil Vies silencieuses, publié en 2019 chez Gallimard, et qui a pour thème principal la peinture ancienne et les grands peintres de l’époque Renaissance, classique et baroque, sans exclure une ou deux références à des peintres plus modernes.
J’avais déjà consacré un article à ce livre, que vous pouvez regarder ici si vous le souhaitez.
Daniel Kay est un poète né en 1959, également peintre, et enseignant en Lettres.

Parabole sur un Paysage de Bruegel L’ancien

La journée accomplie a été rude pour le laboureur et son ami berger, celui qui plante son nez dans les étoiles tardives. Ils pourront tout à l’heure rentrer les bêtes et prendront un dernier repas près de la cheminée. Le petit personnage qui s’est noyé dans le coin droit, juste devant le pêcheur occupé à jeter ses filets, ils ne peuvent pas dire qu’ils ne l’ont pas vu, ce serait trop facile ! C’est qu’eux aussi quand ils étaient jeunes, eux aussi ont essayé d’attendrir les tenailles du soleil pour mettre le ciel dans leur poche avant que le revolver de la raison ne leur brise les doigts et dissolve leurs rêves.

La Chute d’Icare de Brueghel l’ancien

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Bœuf écorché
(d’après Rembrandt et Soutine)

Quand, les cuisses en l’air,
il prend des poses de Crucifié
dans la nuit douloureuse
qui resplendit comme un électrochoc,
le peintre s’essuie les yeux
noircis par la suie
et fouille avec obstination
les entrailles pleines de météorites.

Le bœuf écorché de Rembrandt

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Quattrocento

L’archange qui annonce la Nouvelle
sur le mur du monastère,
de quel arbre connaît-il le signe,
de quel astre détient-il la clé,
de quelle fleur votive déplie-t-il en silence le chiffre ?

L’annonciation de Fra Angelico (Quattrocento)

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J’ai écrit cet article dans le cadre de mon « Printemps des artistes » d’avril 2023.

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Deux Poèmes de Paul Eluard inspirés de peintres (Braque et Chirico)

J’ai trouvé ces deux poèmes dans le livre « Capitale de la Douleur » suivi de « L’Amour la poésie » paru chez Poésie/Gallimard.
Giorgio de Chirico (1888-1978) est un peintre italien, inventeur de la peinture métaphysique, et précurseur du mouvement Surréaliste. Il appartient au groupe surréaliste jusqu’en 1925, après quoi il oriente son art vers plus de classicisme.
Georges Braque (1882-1963) est un peintre français, d’abord influencé par les Fauves, il est le co-inventeur avec Picasso du cubisme dans les années 1911 à 1914. Dans les années 1950 il consacre une série de tableaux aux Oiseaux.

Giorgio de Chirico

Un mur dénonce un autre mur
Et l’ombre me défend de mon ombre peureuse.
O tour de mon amour autour de mon amour,
Tous les murs filaient blanc autour de mon silence.

Toi, que défendais-tu ? Ciel insensible et pur
Tremblant tu m’abritais. La lumière en relief
Sur le ciel qui n’est plus le miroir du soleil,
Les étoiles de jour parmi les feuilles vertes,

Le souvenir de ceux qui parlaient sans savoir,
Maîtres de ma faiblesse et je suis à leur place
Avec des yeux d’amour et des mains trop fidèles
Pour dépeupler un monde dont je suis absent.

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Braque, l’oiseau et son ombre

Georges Braque

Un oiseau s’envole,
Il rejette les nues comme un voile inutile,
Il n’a jamais craint la lumière,
Enfermé dans son vol,
Il n’a jamais eu d’ombre.

Coquilles des moissons brisées par le soleil.
Toutes les feuilles dans les bois disent oui,
Elles ne savent dire que oui,
Toute question, toute réponse
Et la rosée coule au fond de ce oui.

Un homme aux yeux légers décrit le ciel d’amour.
Il en rassemble les merveilles
Comme des feuilles dans un bois,
Comme des oiseaux dans leurs ailes
Et des hommes dans le sommeil.

Paul Eluard

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Cet article s’inscrit dans le cadre de mon Printemps des artistes.

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L’Exposition « Pionnières » au Musée du Luxembourg

Anna Beothy-Steiner – Composition concentrique

A l’occasion de la Journée des Femmes, je consacre un article aux artistes femmes des années folles, à travers une exposition vue l’année dernière.

Du 2 mars au 10 juillet 2022 s’était tenue au Musée du Luxembourg à Paris l’exposition « Pionnières » qui présentait des peintures, sculptures, photographies, œuvres textiles et littéraires créées par des femmes artistes dans les années 1920-30. Ces pionnières, comme Tamara de Lempicka, Sonia Delaunay, Tarsila do Amaral ou encore Chana Orloff, nées à la fin du XIXè siècle ou tout début du XXè, accèdent enfin aux grandes écoles d’art, jusque-là réservées aux hommes. Au cours de ces années folles, les femmes acquièrent de nouvelles libertés, elles possèdent leurs propres ateliers, participent aux mouvements d’avant-garde, vivent comme elles l’entendent, font du sport, gagnent leur vie de manière autonome, se coupent les cheveux, etc.
(Source : Site du Musée et moi)

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Je recopie ici un des Panneaux de l’Exposition :

Les Garçonnes

Après les traumatismes de la Grande Guerre et de la grippe espagnole qui avaient entraîné une profonde récession mondiale, s’installe une croissance économique et technique jamais vue auparavant.

Les artistes se saisissent de nouveaux sujets, tels que le travail et le loisir des femmes, transformant au féminin le modèle du sportif masculin, représentant le corps musclé à la fois compétitif, élégant et décontracté.

Joséphine Baker incarne cette « nouvelle Eve » qui découvre le plaisir de se prélasser au soleil (c’est le début de l’héliothérapie), utilise son nom pour développer des produits dérivés, pratiquant aussi bien le music-hall la nuit que le golf le jour. Véritable entrepreneuse, Baker ouvre un cabaret-restaurant, fonde un magazine et devient l’une des artistes les mieux payées d’Europe.

Ces « garçonnes » (mot popularisé par le roman de Victor Margueritte en 1922), sont les premières à gérer une galerie ou une maison d’édition, à diriger des ateliers dans des écoles d’art. Elles se démarquent en montrant des corps nus, tant masculins que féminins, en interrogeant les identités de genre. Ces femmes vivent leur sexualité, quelle qu’elle soit, s’habillent comme elles l’entendent, changent de prénom (Anton Prinner naît Anna Prinner, Marlow Moss naît Marjorie Moss) ou de nom (Claude Cahun est le pseudonyme de Lucy Schwob, Marcel Moore celui de Suzanne Malherbe, sa compagne de vie et de travail.) Leur vie et leur corps, dont elles sont les premières à revendiquer l’entière propriété, sont les outils d’un art et d’un travail qu’elles réinventent complètement.

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Jacqueline Marval – Baigneuse au maillot noir – 1923

Claude Cahun – Autoportrait – Photographie

Mon Avis

Cette exposition, organisée de manière thématique, réunissait des artistes extrêmement différentes les unes des autres par leurs styles, leurs tendances esthétiques, certaines très abstraites dans le style de Mondrian comme Marlow Moss ou plus proches des Delaunay comme Anna Beothy-Steiner (cf. tableau ci-dessus), d’autres aux styles figuratifs multiples et variés. Je ne sais pas si ces femmes auraient apprécié d’être ainsi mises « toutes dans le même sac » sous le seul étendard de leur identité de genre et en dehors de critères artistiques. Mais, malgré ce petit bémol, c’était une exposition intéressante où j’ai apprécié de découvrir certaines artistes que je ne connaissais pas, comme Mela Muter, Amrita Sher-Gil ou Irène Codreano, et où j’étais heureuse de retrouver des femmes peintres bien connues et admirables, comme Marie Laurencin, Suzanne Valadon ou Tamara de Lempicka.

Marie Laurencin – Femmes à la Colombe – 1919
Suzanne Valadon – La Chambre bleue – 1923
Tamara de Lempicka – La belle Rafaela – 1927
Irène Codreano – Portrait de Daria Gamsaragan – 1926

L’Exposition Charles Camoin et Joyeux Noël

Je vous souhaite à tous un très beau et très joyeux Noël !

Pour cette occasion, je vous parlerai d’un sujet qui n’a rien à voir avec la Nativité ni avec la dinde aux marrons, mais j’espère que cela vous plaira quand même.

L’été dernier, en août 2022, j’ai visité la très belle exposition du Musée de Montmartre sur le peintre fauviste Charles Camoin (Marseille, 1879- Paris, 1965), ce qui fut une découverte intéressante car ce peintre n’est pas considéré habituellement comme une figure centrale du Fauvisme, au contraire de Matisse, Derain, Vlaminck, Marquet bien qu’il soit leur ami et qu’il ait souvent travaillé à leurs côtés.

Cette exposition intitulée « Charles Camoin, un fauve en liberté » a eu lieu du 11 mars au 11 septembre 2022 au Musée de Montmartre.
Voici le texte de présentation que l’on pouvait lire sur le site du musée à ce sujet :

Souvent qualifié de fauve méditerranéen, Charles Camoin (1879-1965) s’est inscrit, par ses liens avec Paris et la bohème montmartroise, dans le cercle de l’avant-garde internationale. Affilié au fauvisme, lié à Matisse, Marquet et Manguin, il n’a pour autant jamais renoncé à son indépendance artistique.

L’exposition permet de redécouvrir l’œuvre du peintre en intégrant une centaine de tableaux et dessins, dont certains inédits. Elle approfondit différents épisodes historiques et thématiques de la vie de l’artiste et analyse l’évolution de son langage pictural, fondé sur la sensation colorée.

Compotier de fruits au verre de vin rouge, 1905

Femme à la voilette, 1905

Texte accompagnant la « Femme à la voilette »

Saint-Tropez, été 1905. Camoin, Marquet, Manguin et d’autres travaillent à leur peinture, sous la lumière éclatante du Sud, comme en témoigne la toile de Marquet montrant Camoin peignant La Petite Lina (1905, Musée Cantini, Marseille). Au contact direct de la nature, ils cherchent à rendre leur sensation lumineuse par la couleur, ce qui deviendra la marque des Fauves à l’automne 1905. Camoin se distingue par une manière nuancée, sachant modérer ses sensations face à cette lumière du Midi qu’il connaît si bien, contrairement à ses camarades. (…) (Source : Musée)

Port de Toulon à la barrière, 1904-1905

Port de Cassis, 1904

Autoportrait, 1910
Le Printemps, 1921

Texte de l’étiquette accompagnant « Le Printemps« 

Si Camoin peint régulièrement sur le motif, se déplaçant au volant de sa voiture-atelier Cocotte, l’atelier n’est jamais très loin. Ses toiles demeurent toujours des paysages composés : les formes sont simplifiées et construites à l’aide de la couleur saturée dans des compositions affranchies de leur caractère descriptif tout en gardant un semblant de fidélité à la réalité. Interroger sans relâche ce qu’il voit et perçoit afin de réussir à le transcrire sur la toile : la série et la répétition de motifs deviennent un procédé pour décanter ses sensations, le temps est comme suspendu. (Source : Musée)

L’Exposition Toyen au Musée d’Art Moderne

TOYEN, Mythe de la Lumière, 1946
TOYEN, Nouent, renouent, 1950
TOYEN, Le Paravent, 1966

TOYEN, Le Piège de la Réalité, 1971

L’Exposition Toyen s’est tenue au Musée d’Art Moderne à Paris du 25 mars au 24 juillet 2022.

Voici la présentation de cette expo par le musée :

Présentée successivement à Prague, Hambourg et Paris, cette rétrospective de l’œuvre de Toyen (1902-1980) constitue un événement qui permet de découvrir la trajectoire exceptionnelle d’une artiste majeure du surréalisme qui s’est servie de la peinture pour interroger l’image. Cent-cinquante œuvres (peintures, dessins, collages et livres venant de musées et de collections privées) sont présentées dans un parcours en cinq parties. Celles-ci rendent compte de la façon dont se sont articulés les temps forts d’une quête menée en « écart absolu » de tous les chemins connus.

Présentation de la peintre par le musée :

Née à Prague, Toyen traverse le siècle en étant toujours à la confluence de ce qui se produit de plus agitant pour inventer son propre parcours. Au coeur de l’avant-garde tchèque, elle crée avec Jindrich Styrsky (1899-1942) « l’artificialisme » se réclamant d’une totale identification « du peintre au poète ». À la fin des années 20, ce mouvement est une saisissante préfiguration de « l’abstraction lyrique » des années cinquante. Mais l’intérêt de Toyen pour la question érotique, comme sa détermination d’explorer de nouveaux espaces sensibles, la rapprochent du surréalisme. Ainsi est-elle en 1934 parmi les fondateurs du mouvement surréaliste tchèque. C’est alors qu’elle se lie avec Paul Eluard et André Breton.

Durant la seconde guerre mondiale, elle cache le jeune poète juif Jindrich Heisler (1914-1953), tandis qu’elle réalise d’impressionnants cycles de dessins, afin de saisir l’horreur du temps. En 1948, refusant le totalitarisme qui s’installe en Tchécoslovaquie, elle vient à Paris pour y rejoindre André Breton et le groupe surréaliste. Si elle participe à toutes ses manifestations, elle y occupe une place à part, poursuivant l’exploration de la nuit amoureuse à travers ce qui lie désir et représentation.

Singulière en tout, Toyen n’a cessé de dire qu’elle n’était pas peintre, alors qu’elle est parmi les rares à révéler la profondeur et les subtilités d’une pensée par l’image, dont la portée visionnaire est encore à découvrir.

(Source : Site Internet du Musée d’Art Moderne)

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D’autres Tableaux

TOYEN, Midi, Minuit, 1966, Collage
Ils me frôlent dans le sommeil, 1957
Mélusine

L’Exposition Anselm Kiefer pour Paul Celan

Du 16 décembre 2021 au 11 janvier 2022 s’était déroulée l’exposition du peintre allemand contemporain Anselm Kiefer au Grand Palais Ephémère qui se trouve non pas à côté ou à l’intérieur du Grand Palais, comme son nom le laisserait facilement supposer à un visiteur non vigilant, mais au Champ de Mars, près du Métro La Motte Picquet Grenelle… ce qui prête à confusion et a failli me faire rater l’exposition… mais passons !
C’est en tout cas maintenant, presque un an après sa date de fin, que j’ai choisi de vous en parler car le contexte des Feuilles allemandes s’y prête particulièrement bien et que je n’ai encore jamais parlé de Paul Celan sur ce blogue, ce qui était un oubli à réparer d’urgence !

Anselm Kiefer (né le 8 mars 1945) est un artiste plasticien allemand. Il vit et travaille à Barjac en France et en région parisienne. Depuis les années 1990, il s’inspire souvent de la poésie allemande du 20ème siècle (Paul Celan, Ingeborg Bachman) pour aborder le thème de la seconde guerre mondiale, des camps de concentration et de la barbarie nazie. Ses œuvres sont monumentales et incorporent souvent des matériaux extra-picturaux, comme des branches d’arbres ou d’autres végétaux, divers objets ou outils (ainsi, des haches dans l’un des tableaux de cette exposition), de la suie, des cailloux, et toutes sortes de substances diverses.

« Plus vous restez devant mes tableaux, plus vous découvrez les couleurs. Au premier coup d’œil, on a l’impression que mes tableaux sont gris mais en faisant plus attention, on remarque que je travaille avec la matière qui apporte la couleur. » selon Anselm Kiefer. (Source : Wikipédia)

« La langue de Paul Celan vient de si loin, d’un autre monde auquel nous n’avons pas encore été confrontés, elle nous parvient comme celle d’un extraterrestre. Nous avons du mal à la comprendre. Nous en saisissons ça et là un fragment. Nous nous y accrochons sans jamais pouvoir cerner l’ensemble. J’ai humblement essayé, pendant soixante ans. Désormais, j’écris cette langue sur des toiles, une entreprise à laquelle on s’adonne comme à un rite. » Anselm Kiefer. (Source : Guide de l’exposition)

« Celan ne se contente pas de contempler le néant, il l’a expérimenté, vécu, traversé » disait Anselm Kiefer le 20 juin 2021

Quelques Vues générales de l’exposition

Vue générale du hall d’exposition
Tableaux et avion

Quelques Tableaux

Le dernier Portail (Am letzten Tor), acrylique, huile, gomme-laque et craie sur toile, 8m40 de haut *4m70 de large
Le Dernier Portail (Am Letzten Tor), 2020-21, acrylique, huile, gomme-laque et craie
Beilschwärme – Volées de Cognées – 2020,2021 – Tableau avec des haches
Tableau avec branches d’arbres et poèmes

Les épis de la nuit

Les épis de la nuit
naissent aux cœurs et aux têtes,
et un mot, dans la bouche
des faux,
les incline sur la vie.

Comme eux muets
nous flottons vers le monde :
nos regards
échangés pour être consolés
vont à tâtons
agitent vers nous de sombres signes.

Sans regard
ton œil dans mon œil fait silence
maintenant
je vais
je porte ton cœur à mes lèvres
tu portes le mien à tes lèvres :
ce que nous buvons maintenant
calme la soif des heures ;

Ce que nous sommes
maintenant
Les heures le donnent à boire
au temps.

Est-ce que nous sommes
à son goût ?
Ni bruit ni lumière
ne glisse entre nous, ne répond.

Ô les épis, vous les épis.
Vous les épis de la nuit.

Paul Celan, extrait de « Pavot et mémoire », 1952.