Bilan du « Printemps des artistes » de 2023

Nous sommes arrivés à la fin du Printemps des Artistes, édition de 2023, et je remercie beaucoup les participants et participantes pour leurs chroniques nombreuses, riches et variées, abordant de multiples thèmes et des époques diverses !
Cette année, le défi rassemble une soixantaine de chroniques.
Un remerciement particulier à Miriam et à la Barmaid aux lettres, pour leurs dizaines de contributions !
Si j’ai oublié l’une de vos chroniques dans ma liste, n’hésitez pas à me le signaler, je corrigerai dès que possible !

Voici donc cette liste de chroniques publiées pour le défi :

Chez Ana-Cristina du blog « Autour d’un livre ou deux » :

Un nommé Schulz d’Ugo Riccarelli – Un roman biographique à propos de l’écrivain polonais Bruno Schulz
La Nuit de l’oracle de Paul Auster – roman autour de quatre personnages, tous écrivains
Dans le scriptorium de Paul Auster – roman dont le personnage principal est écrivain et qui parle d’écriture

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Chez Nathalie alias « Madame lit« 

Tous les Matins du monde de Pascal Quignard – Roman biographique sur les musiciens du 17è siècle, Marin Marais et Monsieur Sainte-Colombe, compositeurs baroques.

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Chez Isabelle du blog « Une Ribambelle d’histoires« 

555 d’Hélène Gestern : un roman articulé autour du compositeur Scarlatti et de ses 555 sonates
Antonia la cheffe d’orchestre, par Maria Peters : Biographie romancée d’Antonia Brico, la première femme à diriger un orchestre, dans les années 1920-30.

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Chez Fabienne (Livrescapades) :

Georges et Carmen, un roman de Rousselot sur le compositeur Georges Bizet.
Rachel et les siens de Metin Arditi – Un roman turc contemporain dont l’héroïne est une dramaturge à succès : thèmes politiques, historiques et artistiques.
Paroles d’artiste Abdul Rahman Katanani et Barbara Polla – Livre sur un artiste palestinien contemporain, engagé, réalisant des œuvres en fils barbelés ou en tôle.

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Chez Claude du blog Livres d’un Jour :

Art poétique de Paul Verlaine – Célèbre poème à propos de la poésie
Fantaisie de Gérard de Nerval – Célèbre poème à propos de musique
Article sur la compositrice contemporaine Graciane Finzi
Anaïs Nin sur la mer des mensonges de Leonie Bishoff – Roman graphique sur la vie d’Anaïs Nin
Evelyn de Morgan – Article sur une femme peintre anglaise du 19è siècle, appartenant au mouvement préraphaélite.

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Articles de Miriam sur son blog « Carnets de voyage et notes de lecture« 

Des Lendemains qui chantent d’Alexia Stresi – Roman dont le héros est un grand ténor célèbre, chantant plusieurs opéras classiques (Verdi, etc)
Philippe Cognée à l’Orangerie et au musée Bourdelle – Double exposition d’un artiste contemporain, peintures, photographies, installations.
Manet et Degas à Orsay – Chronique sur l’exposition du Musée d’Orsay
Matisse cahiers d’art le tournant des années 30 : Chronique sur cette exposition de l’Orangerie
Germaine Richier au Centre Pompidou : Chronique sur cette rétrospective de la sculptrice du 20è siècle
Anna Eva Bergman – Voyage vers l’intérieur – Chronique sur l’exposition du Musée d’Art Moderne
Sarah Bernhardt au Petit Palais – Exposition sur la célèbre tragédienne des années 1900, qui fut aussi sculptrice
Musée Bourdelle à Montparnasse : Musée parisien consacré à ce sculpteur
Ronald Cyrille B Bird : Exposition des peintures et collages d’un artiste né à Saint-Domingue, vivant en Martinique.
Pointe à Pitre, Mémorial Acte – Musée retraçant l’histoire de l’esclavage, avec des œuvres artistiques modernes et contemporaines
Faith Ringgold, une artiste féministe et engagée Exposition au Musée Picasso
L’ombre de Goya par Jean-Claude Carrière – Film sur la vie et les tableaux de Goya.
Souleymane Bachir Diagne : Essai sur Leopold Sedar Senghor, l’art africain comme philosophie
Le Conteur, la nuit et le panier de Patrick Chamoiseau – Essai sur la littérature, sur la figure de l’écrivain, l’inspiration et l’acte d’écriture

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Chez Sacha du blog « Des romans mais pas seulement« 

Autobiographie Mémoires d’une recluse d’Elisavet Moutzan Martiengou – Autobiographie d’une écrivaine grecque

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Article d’Eva du blog « Et si on bouquinait un peu« 

Le Livre de mon Père d’Urs Widmer – Biographie romancée d’un écrivain allemand, Karl Walter Widmer, livre où il est aussi question de peintres, poètes, sculpteurs,…

Articles de Patrice du même blog : Si on bouquinait un peu.

L’effroi de François Garde : Roman dont le héros est musicien d’orchestre (altiste), thèmes politiques et médiatiques.
Les Architectes de Stefan Heym : Roman dont un des thèmes est l’architecture, mais qui touche aussi à l’histoire et à la politique.

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Articles de Roz sur le blog « la bibliothèque Roz« 

Hokusai : Film japonais de Hajime Hoshimoto sur le célèbre peintre d’estampes
L’Exposition S.H. Raza au Centre Pompidou : Un peintre indien du 20è siècle
Le Bleu du Caftan : Film de Maryam Touzani (2023) sur les arts textiles traditionnels marocains
Le Prince des Marées de Pat Conroy : Saga dans laquelle un des personnages principaux est écrivain et poète
Art brut, la Fabuloserie, Exposition d’art brut à la Halle Saint Pierre à Paris
Showing Up de Kelly Reichardt : Film de 2023 dont l’héroïne est une sculptrice qui travaille également dans une école d’art

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Chez la Barmaid aux Lettres :

Hegra- Nehmé : Livre sur l’Archéologie au pays des Nabatéens d’Arabie
Jean-Luc Verna – Collectif : Beau livre artistique (art contemporain)
Ecopunk – Hein – Livre sur la musique punk et leurs paroles de chansons
The Visual Dictionary of Graphic Design – Paul Harris – Un livre complet sur le design graphique
La Fabrique du titre – Collectif : Livre sur l’art du titre : comment on nomme une œuvre littéraire ou visuelle.
A la mode, l’art du paraître au XVIIIè siècle – Collectif : Catalogue d’exposition sur la représentation vestimentaire à travers la peinture du 18è siècle et l’art du textile.
Le Bateau #19 : Rouge : Présentation d’une revue artistique, érotique.
Apprendre à voir : Zhong Mengual – Un Essai sur l’histoire de l’art en rapport avec l’écologie et le féminisme.
Courants verts – Paul Ardenne – Un Livre sur l’art écologique (art contemporain)
Fowkes – Art and Climate change – Un autre livre sur le lien entre l’art et l’écologie

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Chez moi

Le Motif dans le tapis d’Henry James : Court roman qui évoque la littérature, à travers deux personnages, l’un écrivain et l’autre critique littéraire
Un Poème d’Anne Sexton sur Sylvia Plath : Poésie sur la poétesse américaine, par son amie poète
Le Métier d’écrivain de Hermann Hesse : Textes de réflexion sur l’écriture
Les Amandiers de Valéria Bruni-Tedeschi – Film de 2022 sur l’école du théâtre des Amandiers dans les années 80
Une Femme en contre-jour de Gaëlle Josse : Biographie littéraire de la photographe américaine Vivian Maier
Edvard Munch : Exposition du Musée d’Orsay sur le peintre norvégien
La Découverte du monde de C.-F. Ramuz : Autobiographie de l’écrivain, naissance de sa vocation
Des Poèmes de Paul Eluard sur des tableaux de Chirico et de Braque – Peinture du 20è siècle
Des Poèmes de Claire Gondor à propos de Louise Labé et Pernette du Guillet
Des Poèmes de Matthieu Lorin sur deux écrivains américains du 20è siècle : Brautigan et Jim Harrison
Bright Star de Jane Campion : Film relatant la vie du poète romantique John Keats
Le Conteur, la nuit et le panier de Patrick Chamoiseau : Essai sur la littérature et l’acte d’écriture.
Des Poèmes de Saint-John Perse sur « Les Oiseaux » de Georges Braque – Peinture du 20è siècle
La Leçon de Ténèbres de Léonor de Récondo – Collection « Ma nuit au musée » à propos du peintre Le Greco
La plus secrète mémoire des hommes de Mohamed Mbougar Sarr – Roman dont les principaux personnages sont tous écrivains
Un de mes poèmes sur Billie Holiday – Musique, jazz
Mon Individualisme, de Natsume Sôseki – Conférence de l’écrivain sur la littérature et la naissance de sa vocation
Le Salon de Musique de Satyajit Ray – Film classique indien, sur la vanité artistique, le prestige social lié à l’art

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Logo du Défi, créé par Goran



Une Femme en Contre-Jour de Gaëlle Josse

Couverture chez « J’ai lu »

Une grande exposition avait eu lieu à Paris (Musée du Luxembourg) vers la fin 2021 et début 2022 sur la photographe américaine Vivian Maier (New York 1926-Chicago 2009), ce qui m’avait donné une certaine curiosité vis-à-vis d’elle. La lecture de ce roman biographique a donc, en bonne partie, répondu aux questions que je pouvais me poser sur cette artiste énigmatique.

Note pratique sur le livre

Genre : Récit biographique
Editeur : J’ai lu (à l’origine : Noir sur Blanc)
Année de Parution : 2019
Nombre de Pages : 158

Quatrième de Couverture

« Raconter Vivian Maier, c’est raconter la vie d’une invisible, d’une effacée. Une photographe de génie qui n’a pas vu la plupart de ses propres photos. »

Disparue dans la solitude et l’anonymat, Vivian Maier, Américaine d’origine française, a arpenté inlassablement les rues de New York et de Chicago pour photographier, avec une profonde sensibilité, les plus démunis, les marginaux, ceux qui, comme elle, ont été oubliés par le rêve américain.

Dix ans après sa mort, Gaëlle Josse nous livre le roman d’une vie, un portrait d’une rare empathie, d’une rare acuité sur ce destin troublant, hors norme, dont la gloire est désormais aussi éclatante que sa vie fut obscure.

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Photo de rue de Vivian Maier

Mon avis

Gaëlle Josse tente ici de reconstituer avec objectivité le parcours de vie de la photographe Vivian Maier, en remontant assez loin dans ses origines puisque elle s’intéresse aussi aux deux générations précédentes, celle des grands parents et celle des parents. Une ascendance française du côté maternel, à laquelle Vivian semble rester attachée durant plusieurs décennies car elle fait plusieurs fois le voyage et reste en contact avec la partie française de sa famille. Une enfance et une adolescence qui m’ont paru très difficiles et socialement agitées : un père violent, une mère mythomane, un frère délinquant. Une amie de sa grand-mère était une photographe de renom et c’est probablement grâce à elle que Vivian apprend dès son jeune âge les techniques de cet art.
Gaëlle Josse nous dépeint Vivian Maier comme une femme très indépendante et qui ne cherchait pas à faire reconnaître son talent, bien qu’elle ait eu conscience de la grande qualité de son travail. L’écrivaine parle à son propos d’effacement et elle explique ce refus de montrer ses photos par un sentiment de dignité. Elle aurait eu trop d’amour propre pour soumettre ses œuvres au jugement de spécialistes plus ou moins bienveillants et qui lui auraient fait sentir qu’elle n’était qu’une petite bonne d’enfants insignifiante.
Un destin que j’ai trouvé triste et qui nous rappelle le très grand écart qui peut exister entre le talent artistique et la réussite sociale. Mais ce livre nous montre aussi que l’on peut pratiquer un art uniquement pour soi même, avec la plus grande exigence, et sans chercher forcément une récompense ou une justification à travers le regard d’autrui. Une voie difficile et solitaire, choisie par Vivian Maier, et qui suscite au minimum le respect, pour ne pas dire l’admiration.
Dans la dernière partie du livre Gaëlle Josse nous explique quelle a été sa démarche en écrivant sur Vivian Maier, les écueils qu’elle voulait éviter et les raisons de l’intérêt qu’elle porte à cette photographe et j’ai particulièrement apprécié ce chapitre où la subjectivité de l’écrivaine entre pleinement en ligne de compte.
Un beau livre, à l’écriture agréable et à la sensibilité assez fine !

Un Extrait Page 114

À partir de cette époque, Vivian apparaît avec plus de netteté, telle une mise au point qui se précise. Les témoignages font place aux traces biographiques, généalogiques, et aux hypothèses. Au fil des années, elle nous offre son visage, sa silhouette, son regard, dans d’innombrables et énigmatiques autoportraits, d’une époustouflante maîtrise graphique, sans complaisance aucune vis-à-vis d’elle-même, dans des cadrages et des mises en situation particulièrement élaborés.
Elle y paraît bien davantage comme sujet d’étude, comme matériau disponible que centrée dans une démarche narcissique. Nul beau miroir où se voir la plus belle. Un mystère, ces portraits, qui à eux seuls constituent une œuvre, témoins d’une présence au monde, traces, signes de passage.

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J’ai lu ce livre dans le cadre de mon Printemps des Artistes d’avril 2023, avec le thème de la photographie.

Logo du Défi, créé par Goran

L’Exposition « Pionnières » au Musée du Luxembourg

Anna Beothy-Steiner – Composition concentrique

A l’occasion de la Journée des Femmes, je consacre un article aux artistes femmes des années folles, à travers une exposition vue l’année dernière.

Du 2 mars au 10 juillet 2022 s’était tenue au Musée du Luxembourg à Paris l’exposition « Pionnières » qui présentait des peintures, sculptures, photographies, œuvres textiles et littéraires créées par des femmes artistes dans les années 1920-30. Ces pionnières, comme Tamara de Lempicka, Sonia Delaunay, Tarsila do Amaral ou encore Chana Orloff, nées à la fin du XIXè siècle ou tout début du XXè, accèdent enfin aux grandes écoles d’art, jusque-là réservées aux hommes. Au cours de ces années folles, les femmes acquièrent de nouvelles libertés, elles possèdent leurs propres ateliers, participent aux mouvements d’avant-garde, vivent comme elles l’entendent, font du sport, gagnent leur vie de manière autonome, se coupent les cheveux, etc.
(Source : Site du Musée et moi)

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Je recopie ici un des Panneaux de l’Exposition :

Les Garçonnes

Après les traumatismes de la Grande Guerre et de la grippe espagnole qui avaient entraîné une profonde récession mondiale, s’installe une croissance économique et technique jamais vue auparavant.

Les artistes se saisissent de nouveaux sujets, tels que le travail et le loisir des femmes, transformant au féminin le modèle du sportif masculin, représentant le corps musclé à la fois compétitif, élégant et décontracté.

Joséphine Baker incarne cette « nouvelle Eve » qui découvre le plaisir de se prélasser au soleil (c’est le début de l’héliothérapie), utilise son nom pour développer des produits dérivés, pratiquant aussi bien le music-hall la nuit que le golf le jour. Véritable entrepreneuse, Baker ouvre un cabaret-restaurant, fonde un magazine et devient l’une des artistes les mieux payées d’Europe.

Ces « garçonnes » (mot popularisé par le roman de Victor Margueritte en 1922), sont les premières à gérer une galerie ou une maison d’édition, à diriger des ateliers dans des écoles d’art. Elles se démarquent en montrant des corps nus, tant masculins que féminins, en interrogeant les identités de genre. Ces femmes vivent leur sexualité, quelle qu’elle soit, s’habillent comme elles l’entendent, changent de prénom (Anton Prinner naît Anna Prinner, Marlow Moss naît Marjorie Moss) ou de nom (Claude Cahun est le pseudonyme de Lucy Schwob, Marcel Moore celui de Suzanne Malherbe, sa compagne de vie et de travail.) Leur vie et leur corps, dont elles sont les premières à revendiquer l’entière propriété, sont les outils d’un art et d’un travail qu’elles réinventent complètement.

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Jacqueline Marval – Baigneuse au maillot noir – 1923

Claude Cahun – Autoportrait – Photographie

Mon Avis

Cette exposition, organisée de manière thématique, réunissait des artistes extrêmement différentes les unes des autres par leurs styles, leurs tendances esthétiques, certaines très abstraites dans le style de Mondrian comme Marlow Moss ou plus proches des Delaunay comme Anna Beothy-Steiner (cf. tableau ci-dessus), d’autres aux styles figuratifs multiples et variés. Je ne sais pas si ces femmes auraient apprécié d’être ainsi mises « toutes dans le même sac » sous le seul étendard de leur identité de genre et en dehors de critères artistiques. Mais, malgré ce petit bémol, c’était une exposition intéressante où j’ai apprécié de découvrir certaines artistes que je ne connaissais pas, comme Mela Muter, Amrita Sher-Gil ou Irène Codreano, et où j’étais heureuse de retrouver des femmes peintres bien connues et admirables, comme Marie Laurencin, Suzanne Valadon ou Tamara de Lempicka.

Marie Laurencin – Femmes à la Colombe – 1919
Suzanne Valadon – La Chambre bleue – 1923
Tamara de Lempicka – La belle Rafaela – 1927
Irène Codreano – Portrait de Daria Gamsaragan – 1926

L’Exposition Toyen au Musée d’Art Moderne

TOYEN, Mythe de la Lumière, 1946
TOYEN, Nouent, renouent, 1950
TOYEN, Le Paravent, 1966

TOYEN, Le Piège de la Réalité, 1971

L’Exposition Toyen s’est tenue au Musée d’Art Moderne à Paris du 25 mars au 24 juillet 2022.

Voici la présentation de cette expo par le musée :

Présentée successivement à Prague, Hambourg et Paris, cette rétrospective de l’œuvre de Toyen (1902-1980) constitue un événement qui permet de découvrir la trajectoire exceptionnelle d’une artiste majeure du surréalisme qui s’est servie de la peinture pour interroger l’image. Cent-cinquante œuvres (peintures, dessins, collages et livres venant de musées et de collections privées) sont présentées dans un parcours en cinq parties. Celles-ci rendent compte de la façon dont se sont articulés les temps forts d’une quête menée en « écart absolu » de tous les chemins connus.

Présentation de la peintre par le musée :

Née à Prague, Toyen traverse le siècle en étant toujours à la confluence de ce qui se produit de plus agitant pour inventer son propre parcours. Au coeur de l’avant-garde tchèque, elle crée avec Jindrich Styrsky (1899-1942) « l’artificialisme » se réclamant d’une totale identification « du peintre au poète ». À la fin des années 20, ce mouvement est une saisissante préfiguration de « l’abstraction lyrique » des années cinquante. Mais l’intérêt de Toyen pour la question érotique, comme sa détermination d’explorer de nouveaux espaces sensibles, la rapprochent du surréalisme. Ainsi est-elle en 1934 parmi les fondateurs du mouvement surréaliste tchèque. C’est alors qu’elle se lie avec Paul Eluard et André Breton.

Durant la seconde guerre mondiale, elle cache le jeune poète juif Jindrich Heisler (1914-1953), tandis qu’elle réalise d’impressionnants cycles de dessins, afin de saisir l’horreur du temps. En 1948, refusant le totalitarisme qui s’installe en Tchécoslovaquie, elle vient à Paris pour y rejoindre André Breton et le groupe surréaliste. Si elle participe à toutes ses manifestations, elle y occupe une place à part, poursuivant l’exploration de la nuit amoureuse à travers ce qui lie désir et représentation.

Singulière en tout, Toyen n’a cessé de dire qu’elle n’était pas peintre, alors qu’elle est parmi les rares à révéler la profondeur et les subtilités d’une pensée par l’image, dont la portée visionnaire est encore à découvrir.

(Source : Site Internet du Musée d’Art Moderne)

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D’autres Tableaux

TOYEN, Midi, Minuit, 1966, Collage
Ils me frôlent dans le sommeil, 1957
Mélusine

L’Exposition Anselm Kiefer pour Paul Celan

Du 16 décembre 2021 au 11 janvier 2022 s’était déroulée l’exposition du peintre allemand contemporain Anselm Kiefer au Grand Palais Ephémère qui se trouve non pas à côté ou à l’intérieur du Grand Palais, comme son nom le laisserait facilement supposer à un visiteur non vigilant, mais au Champ de Mars, près du Métro La Motte Picquet Grenelle… ce qui prête à confusion et a failli me faire rater l’exposition… mais passons !
C’est en tout cas maintenant, presque un an après sa date de fin, que j’ai choisi de vous en parler car le contexte des Feuilles allemandes s’y prête particulièrement bien et que je n’ai encore jamais parlé de Paul Celan sur ce blogue, ce qui était un oubli à réparer d’urgence !

Anselm Kiefer (né le 8 mars 1945) est un artiste plasticien allemand. Il vit et travaille à Barjac en France et en région parisienne. Depuis les années 1990, il s’inspire souvent de la poésie allemande du 20ème siècle (Paul Celan, Ingeborg Bachman) pour aborder le thème de la seconde guerre mondiale, des camps de concentration et de la barbarie nazie. Ses œuvres sont monumentales et incorporent souvent des matériaux extra-picturaux, comme des branches d’arbres ou d’autres végétaux, divers objets ou outils (ainsi, des haches dans l’un des tableaux de cette exposition), de la suie, des cailloux, et toutes sortes de substances diverses.

« Plus vous restez devant mes tableaux, plus vous découvrez les couleurs. Au premier coup d’œil, on a l’impression que mes tableaux sont gris mais en faisant plus attention, on remarque que je travaille avec la matière qui apporte la couleur. » selon Anselm Kiefer. (Source : Wikipédia)

« La langue de Paul Celan vient de si loin, d’un autre monde auquel nous n’avons pas encore été confrontés, elle nous parvient comme celle d’un extraterrestre. Nous avons du mal à la comprendre. Nous en saisissons ça et là un fragment. Nous nous y accrochons sans jamais pouvoir cerner l’ensemble. J’ai humblement essayé, pendant soixante ans. Désormais, j’écris cette langue sur des toiles, une entreprise à laquelle on s’adonne comme à un rite. » Anselm Kiefer. (Source : Guide de l’exposition)

« Celan ne se contente pas de contempler le néant, il l’a expérimenté, vécu, traversé » disait Anselm Kiefer le 20 juin 2021

Quelques Vues générales de l’exposition

Vue générale du hall d’exposition
Tableaux et avion

Quelques Tableaux

Le dernier Portail (Am letzten Tor), acrylique, huile, gomme-laque et craie sur toile, 8m40 de haut *4m70 de large
Le Dernier Portail (Am Letzten Tor), 2020-21, acrylique, huile, gomme-laque et craie
Beilschwärme – Volées de Cognées – 2020,2021 – Tableau avec des haches
Tableau avec branches d’arbres et poèmes

Les épis de la nuit

Les épis de la nuit
naissent aux cœurs et aux têtes,
et un mot, dans la bouche
des faux,
les incline sur la vie.

Comme eux muets
nous flottons vers le monde :
nos regards
échangés pour être consolés
vont à tâtons
agitent vers nous de sombres signes.

Sans regard
ton œil dans mon œil fait silence
maintenant
je vais
je porte ton cœur à mes lèvres
tu portes le mien à tes lèvres :
ce que nous buvons maintenant
calme la soif des heures ;

Ce que nous sommes
maintenant
Les heures le donnent à boire
au temps.

Est-ce que nous sommes
à son goût ?
Ni bruit ni lumière
ne glisse entre nous, ne répond.

Ô les épis, vous les épis.
Vous les épis de la nuit.

Paul Celan, extrait de « Pavot et mémoire », 1952.

L’Exposition Baselitz au Centre Pompidou

Du 20 octobre 2021 au 7 mars 2022 s’est tenue une rétrospective du peintre allemand Georg Baselitz (né en 1938) au Centre Pompidou et je profite de l’occasion des Feuilles allemandes pour évoquer brièvement la visite que j’ai faite de cette exposition à la fin du mois de janvier.

Résumé subjectif de ma visite :

Je ne connaissais quasiment rien de ce peintre avant ma visite et j’ai été pour le moins surprise et effrayée par les deux premières salles qui nous montrent des visions sanguinolentes et repoussantes par lesquelles le peintre a commencé à se faire connaître dans les années 60 en créant la polémique et en choquant le public. Mais les salles suivantes montrent une évolution très nette de son style, même si l’impact de ses tableaux reste toujours fort et marquant. A partir des années 70, il expose souvent ses œuvres à l’envers (paysages, portraits) afin d’échapper à l’opposition figuratif/abstrait et rester à mi-chemin entre ces deux options. Il utilise pour ses toiles des grands formats. Les deux couleurs que l’on retrouve le plus souvent dans ces tableaux : le noir et le jaune, mais les effets obtenus peuvent être assez variés, de la brutalité à l’expressivité. Dans les années 2000, Baselitz revisite certaines de ses anciennes œuvres et en propose des versions renouvelées, qu’il intitule « Remix », et qui sont comme des variations sur les mêmes thèmes, très intéressantes à mettre en parallèle. En définitive, j’ai apprécié cette exposition qui retrace soixante ans de la carrière de ce peintre important et inclassable. Car c’est toujours plaisant de regarder le cheminement d’un artiste et de suivre son évolution depuis ses débuts, même si certaines phases de son travail peuvent nous rebuter au premier abord.

Filles d’Olmo II, 1981
Filles d’Olmo, Remix, 2008
Usine de béton préparé, 1970








Renverser l’image : Baselitz s’obstine à renouveler la peinture quand les tenants de l’art conceptuel la déclarent morte. A 30 ans, il cherche ainsi le moyen de rompre radicalement avec une représentation fidèle de la réalité. « Pour moi, le problème consistait à ne pas peindre de tableau anecdotique ou descriptif. D’un autre côté, j’ai toujours détesté cet arbitraire nébuleux des théories de la peinture abstraite. Le renversement du motif dans le tableau m’a donné la liberté de me confronter à des problèmes picturaux. » Tout en restant à distance du pop-art et du réalisme capitaliste, il produit ses premiers tableaux aux motifs renversés d’après photographies en 1969. Présentés dès 1970 à Cologne par le marchand et collectionneur Franz Dahlem, ils créent l’événement. Dès lors, l’artiste qui peinait encore à vivre de son art va voir les institutions et certains collectionneurs influents s’intéresser à son travail. (Source : un Panneau de l’exposition)

Wagon-lit au lit en fer, 2019
Tableau 8, 1991

Des Poèmes de Silvaine Arabo sur Nicolas de Staël

Nu-Jeanne de Nicolas de Staël

Ces poèmes sont extraits du recueil Kolia paru chez Encres Vives en 2015, dans la collection Encres Blanches n°626.
Kolia est le diminutif en langue russe du prénom Nicolas (car Nicolas de Staël était d’origine russe, exilé en France à la suite de la Révolution bolchévique).

Note sur la Poète :

Silvaine Arabo fut professeur de Lettres et chef d’établissement. Elle est l’auteur à ce jour (en 2015) d’une trentaine de recueils de poèmes et d’aphorismes parus chez divers éditeurs ainsi que de deux essais.
Elle a été publiée dans de nombreuses anthologies et revues françaises et étrangères.
Silvaine Arabo a créé en 2001 la revue « de poésie, d’art et de réflexion » Saraswati ainsi que plusieurs sites sur Internet dont l’un est dévolu à la cause animale.
Plasticienne, elle a exposé à Paris, en province et à l’étranger (Chine et Japon) et a remporté plusieurs prix pour ses travaux (Orangerie du Sénat : expo d’huiles sur toiles ; Japon : trois prix d’honneur pour ses encres). Elle illustre de ses dessins, toiles ou encres les recueils des poètes qui lui en font la demande.

Extrait de la note de l’auteure (en préface du recueil)

A travers ces quelques textes poétiques, j’ai tenté de suggérer la vie et l’œuvre du peintre Nicolas de Staël. J’ai préféré la méthode « impressionniste », à petites touches, avec jeux sur le temps, confrontation des dates, des situations…
En 2015, cela fera exactement soixante ans que le peintre s’est donné la mort en sautant dans le vide, du haut de son immeuble d’Antibes. (…)

**

Citation

Comme l’écrit Jacqueline Saint-Jean à propos de ce recueil, « Silvaine Arabo invente ici un genre nouveau, une biographie poétique, en résonnance avec la vie fulgurante de Nicolas de Staël. (…) Rien de chronologique ici, car le ressenti ne l’est jamais. »

J’ai choisi cinq poèmes dans ce recueil

Page 3

Travailler la frontière
entre visible
et invisible
et aussi entre
abstrait et figuratif
Inventer un langage nouveau
Travailler !

*

Page 6

Tu maçonnes
une cathédrale
dira plus tard ta fille
et puis c’est l’éthéré – ou presque –
avant l’éclatement des couleurs
des footballeurs
du Parc des Princes

*

Page 6

Nu-Jeanne :
comme si le corps
ne pouvait se dégager
de la lumière.
Deux qui font bloc
juste pour suggérer
l’intensité d’un feu blanc

*

Ciel à Honfleur de Nicolas de Staël

Page 10

Ciel à Honfleur
mer et ciel en camaïeu gris-bleu
se touchent se confondent
Au premier plan
comme une neige
avant le noir absolu
de quelle secrète angoisse ?

*

Page 14

Staël, orphelin d’enfance
de pays,
de père, de mère,
de femme
– O Jeannine disparue –
Peindre peindre encore
et puis mourir !

*

Le Parc des Princes de Nicolas de Staël, 1952

Maîtres Anciens de Thomas Bernhard

Couverture chez Folio

Vous aurez remarqué que j’aime bien les romans de Thomas Bernhard, puisque j’ai déjà présenté sur ce blog un certain nombre d’entre eux : Des arbres à abattre, Le Naufragé, Oui, qui sont tous très passionnants.
Dans le cadre de mon Printemps des artistes d’avril 2022, j’ai donc lu Maîtres anciens, qui, comme l’indique son titre, parle, entre autres, de peinture ancienne ; son intrigue se déroule en effet entièrement dans un musée.

Maîtres anciens sous-titré Comédie (titre original : Alte Meister – Komödie) est un roman autrichien de Thomas Bernhard publié le 25 juillet 1985 et paru en français le 22 septembre 1988 aux éditions Gallimard. Ce roman a reçu la même année le prix Médicis étranger. (Note de Wikipédia).

Note sur l’auteur :

Thomas Bernhard (1931-1989) est un écrivain et dramaturge autrichien, né aux Pays-Bas, il passe son enfance à Salzbourg auprès de son grand-père pendant toute la période nazie. Il souffre dès son enfance de la grave maladie pulmonaire qui finira par l’emporter. Il étudie la musique et exerce quelques temps le métier de journaliste. Ses premiers romans remportent un grand succès, de même que son théâtre. Très critique, pour ne pas dire haineux, vis-à-vis de son propre pays et volontiers provocateur, ses œuvres et ses discours ont souvent fait scandale en Autriche. Malgré tout, Thomas Bernhard a continué à y vivre jusqu’à sa mort.


J’ai trouvé un résumé du livre sur Babelio et il m’a paru tout à fait exact et bien fait, donc je me suis permis de le recopier pour vous dans le paragraphe suivant. Je remercie vivement l’autrice de ce résumé, Céline Darner.

Présentation du livre :

Dans le Kunsthistorisches Museum, à Vienne, Atzbacher, le narrateur, a rendez-vous avec Reger, le vieux critique musical. Atzbacher est arrivé une heure à l’avance pour observer Reger, déjà installé dans la salle Bordone, assis sur la banquette qu’il occupe chaque matin depuis dix ans, face à L’Homme à la barbe blanche du Tintoret. Pendant une heure, le narrateur se rappelle les citations de Reger ou des conversations portant sur lui. Dans un deuxième temps, qui commence à l’heure précise du rendez-vous, c’est la parole même de Reger qui résonne dans la salle Bordone, comme sous l’effet d’une nécessité vitale. Sur le mode de la diatribe, variant avec fureur et allégresse se succèdent les thèmes (qui sont des cibles) chers à Bernhard dans cette comédie (le sous-titre de l’œuvre) qui n’est autre que celle de l’art, des artistes, des écrivains, des compositeurs… (…) Céline Darner.

Mon humble Avis :

Quand on connait déjà le style de Thomas Bernhard, on n’est pas trop étonné par sa charge féroce contre la culture, contre les institutions, contre l’Etat autrichien, contre les artistes unanimement et universellement reconnus, contre le marché de l’art, et contre tout ce qu’il peut se mettre sous la dent, dans une sorte de jeu de massacre où il prend plaisir à tout décrire comme ignoble, abject, horrible, avec une surenchère d’exagérations et de répétitions obsessionnelles, comme s’il voulait nous entraîner dans sa fureur destructrice.
On a parfois l’impression que tout est négatif et outrancier dans ce livre, mais en avançant dans la lecture, on s’aperçoit que Thomas Bernhard porte parfois un regard de tendresse sur certains de ses personnages, par exemple sur la défunte femme du critique musical, mais aussi sur le critique musical lui-même. Par ailleurs, la haine qu’il professe contre l’art et les artistes nous parait souvent un peu trop exacerbée pour être réelle. Comment croire qu’un critique musical qui passe plusieurs heures par jour depuis dix ans dans la salle d’un musée d’art ancien, déteste les œuvres qu’il va ainsi observer avec régularité et persévérance ? Ne serait-il pas plutôt subjugué et admiratif devant tous ces chefs d’oeuvre mais incapable de le reconnaître, par orgueil, par réaction d’aigreur ou par un mouvement de défense et d’auto-préservation ?

Un Extrait Page 47 :

Aujourd’hui, les professeurs ne tirent plus les oreilles, pas plus qu’ils ne frappent les doigts avec des baguettes de noisetier, mais leur aberration est restée la même, je ne vois rien d’autre lorsque je vois, ici dans le musée, les professeurs passer avec leurs élèves devant les soi-disant maîtres anciens, ce sont les mêmes, me dis-je, que j’ai eus, les mêmes qui m’ont détruit pour la vie et m’ont anéanti pour la vie. C’est comme ça que cela doit être, c’est comme ça, disent les professeurs, et ils ne tolèrent pas la moindre contradiction, parce que cet Etat catholique ne tolère pas la moindre contradiction, et ils ne laissent rien à leurs élèves, absolument rien en propre. On ne fait que gaver ces élèves des ordures de l’Etat, rien d’autre, tout comme on gave les oies de maïs, et on gave les têtes des ordures de l’Etat jusqu’à ce que ces têtes étouffent.(…)

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Deux Poèmes de Marie-Claire Bancquart inspirés de peintures

Violente vie, au Castor Astral

J’ai trouvé ces deux poèmes dans le recueil « Violente vie » paru aux éditions du Castor Astral en 2012, un livre dont j’avais déjà eu l’occasion de parler à l’époque et que je relis de temps en temps. Il comporte plusieurs textes inspirés par des tableaux célèbres de l’histoire de la peinture, regroupés dans la partie du livre intitulée Figurations.

Comme un écho à mon dernier article sur la poète Françoise Ascal, j’ai trouvé intéressant de retrouver la Crucifixion de Matthias Grünewald, vue avec un regard différent.

Note sur la poète :

Marie-Claire Bancquart (1932-2019) était une poète, romancière, essayiste, critique littéraire et universitaire française. Agrégée de Lettres après une thèse sur Anatole France, elle fit paraître son premier recueil poétique en 1969. Dotée d’une grande renommée dans le monde poétique et littéraire, elle reçut de nombreux prix poétiques et fut présente dans de nombreuses anthologies.

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(Page 70)

Dans le tableau
L’œil est appelé
vers ce clou énorme
qui transperce les pieds du Christ
l’un
sur l’autre.

La Crucifixion de Matthias Grünewald, Colmar

Grossit, le clou
occupe
la scène entière
avec
sa tête ronde, inexorable.

Ne sera jamais un déclou

au contraire, peut tout blesser
depuis la seconde
où l’œil l’a vraiment vu.

Transfixe
tête
poitrine
et jusqu’aux vitres.

Immobilise tout.

épingle le supplice
à la boutonnière du monde.

(Christ en croix de Grünewald, Colmar)

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Manet, L’enfant aux cerises

(Page 79)

Dès sa jeunesse, il avait représenté des fruits à l’aura mystérieuse, les cerises de « L’Enfant aux cerises ».
Correspondance entre le rouge de la toque et celui des lèvres.
Rouge plus profond des fruits mûrs, prêts à tomber de la table.

Celui qui les tenait, c’était son petit aide à l’atelier, déjà grevé par le bizarre : l’enfant allait s’y pendre, peu de temps après l’achèvement du tableau.

Vingt-cinq ans après,
voici du lilas blanc et des pivoines vaporeusement épanouis,
qui penchent déjà vers la fin.

Fleurs testamentaires. Le peintre va mourir.
Testamentaire aussi, le brillant citron entamé, en position excentrée sur une assiette.

Discrète, une douleur dans l’éclat.

(Manet)

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Cet article s’inscrit dans mon « Printemps des artistes ».

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