« Lettres à son frère Théo » de Vincent Van Gogh

Mon ami poète Denis Hamel m’avait conseillé depuis déjà quelques années ces lettres de Vincent Van Gogh à son frère Théo. J’ai finalement proposé ce livre à mon cercle de lecture et c’est dans ce cadre stimulant et motivant que j’ai pu me décider à le lire. J’en ai été tout à fait éblouie et émue, découvrant le grand talent littéraire de Vincent Van Gogh, en même temps que sa personnalité attachante, complexe et d’un courage assez admirable!

Cette lecture prend place, bien sûr, dans Le Printemps des artistes.

Et cette chronique rentre aussi dans le cadre du défi « un classique par mois » de l’écrivain, poète, éditeur et blogueur Etienne Ruhaud : il s’agit de découvrir chaque mois un auteur classique que l’on n’a encore jamais lu. Voici le lien vers son blog Page Paysage.

Note Pratique sur le Livre

Editeur : Gallimard (L’Imaginaire)
Date de Publication initiale : 1953 (pour cette version)
Traduit du néerlandais par Louis Roëdlant
Introduction et chronologie de Pascal Bonafoux
Nombre de pages : 567

Quatrième de Couverture

«La première lettre de Vincent Van Gogh à son frère Théo, datée d’août 1872, est envoyée de La Haye. Il a dix-neuf ans. Il ne sait pas qu’il va peindre. La dernière lettre, inachevée, Théo la trouve dans la poche de Vincent qui s’est tiré une balle dans la poitrine le 27 juillet 1890 à Auvers-sur-Oise. Des dizaines de toiles encombrent sa chambre. Presque quotidiennement, pendant dix-huit ans, Vincent a écrit à Théo. Et Vincent écrit à propos de tout à Théo comme il lui envoie toutes ses toiles. Il lui montre ce qu’il peint comme ce qu’il est. Ces lettres incomparables – des récits, des aveux, des appels – sont nécessaires pour découvrir le vrai Van Gogh devenu mythe… Il n’est pas un peintre fou. Au contraire, solitaire, déchiré, malade, affamé, il ne cesse d’écrire, lucide, comme il traque la lumière.» Pascal Bonafoux.

Mon Avis

On connaît bien sûr les grandes lignes de la biographie de Van Gogh : son désir de devenir prédicateur dans sa jeunesse, sa grande proximité avec son frère Théo qui a subvenu à ses besoins durant toute sa vie, le fait qu’il n’a vendu qu’un seul tableau de son vivant, son atelier à Arles, sa fréquentation régulière des prostituées, son amitié houleuse avec Gauguin qui s’est finie par le coupage de son oreille, ses séjours à l’asile de fous où il continuait à peindre obstinément, son amitié avec le docteur Gachet dont il a fait un célèbre portrait, son suicide par un coup de pistolet dans la poitrine. Et naturellement on retrouve la plupart de ces épisodes racontés par Vincent lui-même à travers cette correspondance, ce qui est assez passionnant car il a une grande intelligence et une sensibilité extrêmement forte, comme on s’en doute.
La chose qui revient le plus souvent dans ces lettres c’est le terrible manque d’argent : sans cesse il demande à Théo une aide supplémentaire. On voit qu’il se prive de la plus simple nourriture et de vêtements corrects pour pouvoir acheter ses pinceaux, ses couleurs et toutes les fournitures nécessaires à son activité.
Dans chacune de ses lettres ou presque il manifeste son besoin de travailler, de peindre, et l’idée qu’il doit s’appliquer à faire des progrès dans son art semble très présente chez lui.
À certains moments il se considère comme un raté et d’autres fois il pense être sur la bonne voie mais devoir encore s’améliorer. Il ne semble pas avoir conscience de son génie et mise avant tout sur un travail acharné, obsessif. Plusieurs fois revient sous sa plume l’idée qu’il n’est qu’un maillon d’une chaîne plus importante, qui dépasse son propre destin individuel. En bref, il ne pense pas être arrivé à quelque chose, lui tout seul, mais il espère que des continuateurs, après lui, parviendront à un résultat – ce qui est tout de même d’une modestie extraordinaire.
Son admiration pour Gauguin paraît très profonde, aussi bien sur le plan artistique que sur le plan amical et humain. Van Gogh nourrit l’espoir de créer un grand atelier à Arles, dans lequel il pourrait inviter plusieurs autres peintres et, ainsi, partager les frais, mais aussi travailler ensemble et se soutenir mutuellement. Il commence à mettre sur pied ce projet, en espérant pouvoir y associer Gauguin, mais tous ces projets échouent lamentablement et on a l’impression qu’il ne va jamais se remettre de cet échec cuisant.

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Un Extrait page 102

Je t’écris un peu au hasard ce qui me vient dans ma plume, j’en serais bien content si en quelque sorte tu pouvais voir en moi autre chose qu’une espèce de fainéant.
Puisqu’il y a fainéant et fainéant qui forment contraste.
Il y a celui qui est fainéant par paresse et lâcheté de caractère, par la bassesse de sa nature, tu peux si tu juges bon me prendre pour un tel.
Puis il y a l’autre fainéant, le fainéant bien malgré lui, qui est rongé intérieurement par un grand désir d’action, qui ne fait rien, parce qu’il est dans l’impossibilité de rien faire, puisqu’il est comme en prison dans quelque chose, parce qu’il n’a pas ce qu’il lui faudrait pour être productif, parce que la fatalité des circonstances le réduit à ce point ; un tel ne sait pas toujours lui-même ce qu’il pourrait faire, mais il sent par instinct : pourtant je suis bon à quelque chose, je me sens une raison d’être ! Je sais que je pourrais être un tout autre homme ! À quoi donc pourrais-je être utile, à quoi pourrais-je servir ! Il y a quelque chose au-dedans de moi, qu’est ce que c’est donc ?
Cela est un tout autre fainéant, tu peux si tu juges bien, me prendre pour un tel !
Un oiseau en cage au printemps sait fortement bien qu’il y a quelque chose à quoi il serait bon, il sent fortement bien qu’il y a quelque chose à faire, mais il ne peut le faire, qu’est-ce que c’est ? il ne se le rappelle pas bien, puis il a des idées vagues, et se dit : « Les autres font leurs nids et font leurs petits et élèvent la couvée », puis il se cogne le crâne contre les barreaux de la cage. Et puis la cage reste là et l’oiseau est fou de douleur.
« Voilà un fainéant », dit un autre oiseau qui passe, celui-là c’est une espèce de rentier. (…) 

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Un Extrait page 276
(Année 1883) 

Je vis donc comme un ignorant, qui sait une seule chose avec certitude : je dois achever en quelques années une tâche déterminée ; point n’est besoin de me dépêcher outre mesure, car cela ne mène à rien, je dois me tenir à mon travail avec calme et sérénité, aussi régulièrement et aussi ardemment que possible ; le monde ne m’importe guère, si ce n’est que j’ai une dette envers lui, et aussi l’obligation, parce que j’y ai déambulé pendant trente années, de lui laisser par gratitude quelques souvenirs sous la forme de dessins ou de tableaux qui n’ont pas été entrepris pour plaire à l’une ou l’autre tendance, mais pour exprimer un sentiment humain sincère.
Donc mon œuvre constitue mon unique but – si je concentre tous mes efforts sur cette pensée, tout ce que je ferai ou ne ferai pas deviendra simple et facile, dans la mesure où ma vie ne ressemblera pas à un chaos et où tous mes actes tendront vers ce but. Pour le moment, mon travail avance lentement – raison de plus de ne pas perdre de temps.

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Un Extrait page 411
(Année 1888)

(…)mon idée serait qu’au bout du compte on eusse fondé et laisserait à la postérité un atelier où pourrait vivre un successeur. Je ne sais pas si je m’exprime assez clairement, mais en d’autres termes nous travaillons à un art, à des affaires, qui resteront non seulement de notre temps, mais qui pourront encore après nous, être continués par les autres.
Toi, tu fais cela dans ton commerce, c’est incontestable que dans la suite cela prendra, alors même qu’actuellement tu as beaucoup de contrariétés. Mais pour moi je prévois que d’autres artistes voudront voir la couleur sous un soleil plus fort et dans une limpidité plus japonaise.
Or si moi je fonde un atelier abri à l’entrée même du Midi, cela n’est pas si bête. Et justement cela fait que nous pouvons travailler sereinement. Ah ! si les autres disent c’est trop loin de Paris, etc., laissez faire, c’est tant pis pour eux. Pourquoi le plus grand coloriste de tous Eugène Delacroix a-t-il jugé indispensable d’aller dans le Midi et jusqu’en Afrique ? Évidemment puisque et non seulement en Afrique, mais même à partir d’Arles, vous trouverez naturellement les belles oppositions des rouges et des verts, des bleus et des oranges, du soufre et du lilas.
Et tous les vrais coloristes devront en venir là, à admettre qu’il existe une autre coloration que celle du Nord. Et je n’en doute pas si Gauguin venait, il aimerait ce pays-ci ; si Gauguin ne venait pas, c’est qu’il a déjà cette expérience des pays plus colorés, et il serait toujours de nos amis et d’accord en principe.

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Un Extrait page 464
(janvier 1889)

Moi, avec ce petit pays-ci, j’ai pas besoin d’aller aux tropiques, du tout. Je crois et croirai toujours à l’art à créer aux tropiques et je crois qu’il sera merveilleux, mais enfin personnellement je suis trop vieux et (surtout si je me faisais remettre une oreille en papier mâché) trop en carton pour y aller.
Gauguin le fera-t-il ? Ce n’est pas nécessaire. Car si cela doit se faire cela se fera tout seul.
Nous ne sommes que des anneaux dans la chaîne.
Ce bon Gauguin et moi au fond du cœur nous comprenons, et si nous sommes un peu fous, que soit, ne sommes-nous pas un peu assez profondément artistes aussi, pour contrecarrer les inquiétudes à cet égard par ce que nous disons du pinceau.
Tout le monde aura peut-être un jour la névrose, le horla, la danse de Saint-Guy ou autre chose.
Mais le contrepoison n’existe-t-il pas ? dans Delacroix, dans Berlioz et Wagner? Et vrai notre folie artistique à nous autres tous, je ne dis pas que surtout moi je n’en sois pas atteint jusqu’à la moelle, mais je dis et maintiendrai que nos contrepoisons et consolations peuvent avec un peu de bonne volonté être considérés comme amplement prévalents. 

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Des Poèmes de William Carlos Williams sur le peintre Breughel

Couverture, Editions de l’Aubier

Ces deux poèmes sur le peintre flamand du 16e siècle Breughel sont extraits des « Poèmes » de William Carlos Williams paru dans la « collection bilingue » des éditions Aubier. Mon livre date de 1981. La traduction, les notes et l’introduction sont de Jacqueline Saunier-Ollier. 

Cet article prend place dans le Printemps des Artistes puisqu’il est question de peinture. 

Et cette chronique rentre aussi dans le cadre du défi « un classique par mois » de l’écrivain, poète, éditeur et blogueur Etienne Ruhaud : il s’agit de découvrir chaque mois un auteur classique que l’on n’a encore jamais lu. Voici le lien vers son blog Page Paysage.

Biographie du poète 

William Carlos Williams (1883-1963) est un poète, traducteur, critique littéraire et romancier américain.
Il est un des grands représentants du modernisme américain, participant aux mouvements de l’imagisme et de l’objectivisme dont il est l’un des membres fondateurs. Sa poésie est d’abord proche de celle d’Ezra Pound puis s’en éloigne. Il cherche à présenter des objets pour leur valeur propre et non dans une perspective métaphysique. Il s’agit aussi pour lui de rendre compte de l’expérience américaine, alors que beaucoup d’écrivains modernistes sont exilés en Europe.
Peu connu pendant de nombreuses années, il acquiert la reconnaissance après la Seconde guerre mondiale, avec ses poèmes PatersonAsphodèle et Tableaux d’après Breughel, bien que deux de ses poèmes les plus cités, La Brouette rouge et Le Grand Chiffre, aient été publiés dès 1923. Il devient alors une référence majeure pour les écrivains de la Beat Generation.
(Source : Wikipédia)

Biographie succincte de Breughel

Pieter Brueghel ou Bruegel dit l’Ancien, parfois francisé en Pierre Brueghel l’Ancien est un peintre et graveur brabançon né vers 1525 et mort le 9 septembre 1569 à Bruxelles dans les Pays-Bas espagnols.
Avec Jan Van Eyck, Jérôme Bosch et Pierre Paul Rubens, il est considéré comme l’une des grandes figures de la peinture flamande, et l’une des principales de l’Ecole d’Anvers.
Il est le père des peintres Pieter Brueghel le jeune (1564-1636) et de Brueghel de Velours (1568-1625).
(Source : Wikipédia)

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(Page 205)

La danse

Dans le grand tableau de Breughel, Danse des Paysans,
les danseurs tournent, ils tournent et
retournent, aux accents criards et cuivrés et
nasillards de cornemuse, d’un cor et de violons
basculant leurs panses (rondes comme les chopes
épaisses dont ils endiguent les flots)
leurs hanches et leurs panses
pour les faire tourner. Gambadant et tournoyant
autour du champ de foire, tortillant de la croupe, ces
guiboles doivent être solides pour supporter des
mesures aussi endiablées, tandis que les danseurs caracolent
dans le grand tableau de Breughel, Danse des Paysans.

(1944)

Pieter Brueghel, Danse des Paysans, vers 1568, musée de Vienne

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(Page 361)

Les chasseurs dans la neige

Partout c’est l’hiver
montagnes glacées
à l’arrière-plan retour

de la chasse c’est le soir
à gauche
de robustes chasseurs ramènent

la meute l’enseigne
qui pend d’un
gond cassé est un cerf un crucifix

entre les bois la froide
cour d’auberge est
déserte seul un énorme feu

flamboie attisé par le vent alimenté par
des femmes qui se serrent
contre lui sur la droite au-delà de

la colline un damier de patineurs
Breughel le peintre
à qui rien n’échappait a choisi

un buisson meurtri par l’hiver comme
premier plan pour
compléter le tableau..

(1960)

Les Chasseurs dans la neige, 1565, musée de Vienne

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Le Portrait de Nicolas Gogol

J’avais déjà eu l’occasion d’évoquer ici Les Nouvelles de Pétersbourg de l’auteur romantique russe Nicolas Gogol (1809-1852), à travers quatre d’entre elles : La Perspective Nevski, Le Nez, Le Manteau et Le Journal d’un fou.
Je vous parlerai aujourd’hui d’une cinquième nouvelle – qui se trouve en réalité en troisième position dans l’ordre voulu par l’auteur et qui est également la plus longue de toutes – Le Portrait.
Son héros est un peintre, son enjeu principal est un tableau, et il y est souvent question d’art pictural, aussi cette chronique prend-elle place dans Le Printemps des artistes.

Note Pratique sur le Livre

Editeur : Actes Sud (Babel)
Première date de publication : 1842
Traduit du russe par André Markowicz
Nombre de Pages Total : 376 (+30 pages de Postface)
Nombre de Pages du Portrait : 90

Résumé du début de l’histoire

Un jeune peintre, Tchartkov, talentueux mais pauvre, travaille assidûment au perfectionnement de son art. Il suit le chemin austère de l’exigence artistique, qui n’apporte pas la fortune immédiate mais il en récoltera peut-être de beaux fruits, à force de patience et d’endurance. Il sait que certains peintres obtiennent rapidement la fortune en sacrifiant leur talent aux caprices de la mode, au mauvais goût d’un public qui préfère les couleurs clinquantes, les dessins sans vigueur et les portraits qui les flattent sans vergogne.
Un jour, dans le bric-à-brac d’un marché aux puces, parmi des tas de toiles sans valeur, ce jeune peintre découvre un tableau extraordinaire, le portrait d’un vieil homme, dont les yeux paraissent tellement vivants qu’ils semblent vous regarder réellement. Intrigué, le jeune peintre l’achète. Mais il ne va pas tarder à s’apercevoir du caractère singulier – pour ne pas dire surnaturel et inquiétant ! – de ce tableau.
Et, effectivement, la vie de Tchartkov va changer du tout au tout après cette néfaste acquisition.

Mon Avis

C’est une nouvelle construite en deux parties. Dans la première, nous avons donc l’histoire de ce jeune peintre talentueux, Tchartkov, qui achète un portrait maléfique dans un marché aux puces et qui, à partir de cet achat, va complètement gâcher son talent en se compromettant avec les facilités de la mode et les mondanités. À la fin de sa vie il aura sacrifié son art à l’appât du gain et, comme il s’en rendra compte, il nourrira une jalousie destructrice contre les plus beaux tableaux.
Dans la deuxième partie, nous avons l’histoire de ce portrait maléfique : comment et par qui il a été peint. Nous apprenons aussi que ce tableau a fait de nombreuses autres victimes que le peintre de la première partie.
Ce qui m’a semblé le plus original dans cette nouvelle c’est le mélange de fantastique, de religiosité et la réflexion très développée sur l’art. Selon Gogol, le talent artistique est un don divin et il est diabolique de le compromettre. L’artiste doit garder une âme pure et travailler sans vanité et sans esprit mercantile. Gogol ne nous cache pas sa passion pour les plus grands peintres de la Renaissance : Raphaël, Titien, Corrège. Il pense que les artistes de son temps doivent s’inspirer de ces grands modèles du passé, faire le voyage à Rome pour étudier les maîtres, et qu’il n’y a pas d’autre voie vers l’excellence. C’était d’ailleurs l’opinion la plus largement répandue au 19ème siècle et Gogol ne fait pas preuve, en cela, d’une grande originalité. Opinion qui, de nos jours, semble assez absurde et tout à fait obsolète – mais il faut se remettre dans le contexte de l’époque.
J’ai admiré la construction savante et intelligente de cette nouvelle et son pouvoir d’évocation dès qu’il s’agit de la figure du diable – de sa carrure imposante et de ses yeux extraordinaires.
J’ai pensé que Gogol avait pu être influencé par le Faust de Goethe, avec cette même idée de pacte diabolique et de vendre son âme pour obtenir la fortune et la célébrité. 
Il est aussi intéressant de noter que Gogol semble tenir la fortune et la gloire artistique comme des choses assez ignobles. Il ne fait pas grand cas des institutions artistiques prestigieuses et autres écoles des Beaux-Arts. En effet, c’est au moment où Tchartkov est arrivé au dernier degré de compromission et de dégradation de son art, qu’il obtient justement les plus hautes distinctions et un poste de professeur dans l’une de ces grandes écoles… critique cinglante de l’art officiel russe, ces vénérables dignitaires ont dû être ulcérés s’ils ont lu cette nouvelle !
Un livre qui m’a beaucoup plu et que j’ai d’ailleurs lu deux fois, à quelques semaines d’intervalle, car j’avais envie d’en approfondir la compréhension !

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Un Extrait page 126

L’âme oppressée, il se résolut à se lever de son lit, saisit un drap et, s’approchant du portrait, le recouvrit totalement.
Cela fait, il se recoucha plus serein, et pensa à la misère et au destin lamentable des artistes, au chemin semé d’épines qui leur est échu en ce monde ; et malgré tout, ses yeux, sans le vouloir, regardaient par l’interstice du paravent, le portrait enveloppé dans le drap. L’éclat de la lune renforçait la blancheur, et il lui semblait que les yeux effrayants commençaient même à luire à travers le tissu. Terrorisé, il fixa des yeux encore plus attentifs, comme s’il cherchait à se convaincre que c’étaient des sottises. Mais, finalement, voilà, non, pour de vrai… il voit, il le voit clair et net : le drap n’est plus là… le portrait est découvert et ce portrait regarde, par-delà tout ce qui est autour, directement sur lui, regarde tout simplement au fond de lui… Son cœur se mit à vaciller. Qu’est ce qu’il voit ? Le vieillard se met à bouger et, soudain, il s’appuie, de ses deux mains, sur le cadre. Enfin, il se soulève, à la force de ses bras, et, ressortant ses deux jambes, saute hors du cadre… À travers l’interstice du paravent, on ne voit plus que le cadre vide. La chambre s’emplit d’un bruit de pas qui se rapproche de plus en plus du paravent. Le cœur du pauvre peintre bat de plus en plus fort. (…)

Un Extrait page 160-161

Un instant, immobile et inerte, il resta au milieu de son atelier somptueux. Toute l’essence, toute l’âme de sa vie s’était réveillée en une seconde, comme si la jeunesse venait de lui revenir, comme si les étincelles éteintes du talent venaient de se rallumer. Un bandeau, d’un coup, était tombé de ses yeux. Mon Dieu ! et tuer d’une façon aussi impitoyable les meilleures années de sa jeunesse ; exterminer, étouffer l’étincelle de cette flamme, qui, peut-être, couvait dans sa poitrine, une flamme qui, peut-être, aujourd’hui, aurait brûlé en grandeur, en beauté, une flamme qui, elle aussi, peut-être, aurait pu faire jaillir des larmes de stupeur et de reconnaissance ! Avoir tué tout cela, l’avoir tué sans la moindre pitié ! C’était comme si, aurait-on dit, à cet instant, il avait senti, d’un coup, en même temps, ressusciter dans son âme toutes ces tensions, tous ces élans qu’il avait connus jadis. Il saisit un pinceau et s’approcha d’une toile. La sueur de l’effort perla sur son visage ; il se transforma tout entier en un désir, s’enflamma d’une seule pensée : il voulait représenter un ange déchu. C’est cette idée qui s’accordait le plus à l’état de son âme. Mais, hélas ! ses figures, ses postures, les groupes, les pensées, tout se montrait contraint, incohérent. Son pinceau et son imagination s’étaient trop enfermés dans un seul moule, et l’élan impuissant à franchir les frontières et les entraves dont il s’était accablé tout seul se ressentait lui-même d’une erreur, d’un manque de rigueur. Il avait méprisé l’échelle longue et fatigante des acquis graduels et des premières lois essentielles de la future grandeur. La rage l’envahit. (…) 

 

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Des Poèmes de Philippe Soupault sur des peintres et des écrivains

Ces trois poèmes proviennent du recueil Épitaphes (1919) et ils constituent une sorte d’hommage amical, ironique et décalé à des artistes contemporains de Philippe Soupault. En 1919, Marie Laurencin, Picabia et Tzara sont en effet très loin d’envisager leur mort puisqu’ils ont chacun, respectivement, 36, 40 et 23 ans.
Ces poèmes correspondent à l’époque dadaïste.
Le recueil Épitaphes est disponible dans la collection Poésie/Gallimard, dans le même volume que Georgia et Chansons.

Note biographique sur Philippe Soupault

Philippe Soupault, né en août 1897 à Chaville et mort le 12 mars 1990 à Paris, est un écrivain, poète et journaliste français. Il participe au mouvement Dada. Il est cofondateur du surréalisme avec André Breton, puisqu’ils écrivent ensemble Les Champs magnétiques en 1919, premier exemple d’écriture automatique. Soupault est exclu du mouvement surréaliste en 1926 (par Breton) pour ne pas être assez engagé politiquement (les surréalistes étaient alors favorables au communisme). Il devient un journaliste célèbre, voyage beaucoup : Europe, Tunisie, Amérique du Nord et Latine, où il réalise des reportages. Il écrit également des romans, comme Le Grand homme (1929), et des pièces de théâtre.
(Source : Wikipédia)

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Notes biographiques succinctes

Marie Laurencin (1883-1956) est une artiste-peintre figurative française, mais aussi graveuse et illustratrice, étroitement associée à la naissance de l’art moderne et de l’Ecole de Paris. Elle fut l’amie d’Apollinaire.

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Francis Picabia, né Francis-Marie Martinez de Picabia (1879 à Paris- 1953 dans la même ville) est un peintre, dessinateur et écrivain français, proche du mouvement dada, puis surréaliste.

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Tristan Tzara, de son vrai nom Samuel Rosenstock, (1896 dans le royaume de Roumanie – 1963 à Paris) est un écrivain, poète et essayiste de langues roumaine et française et l’un des fondateurs du mouvement Dada dont il sera par la suite le chef de file. Il est ainsi considéré, en France, comme l’un des principaux représentants de la littérature dada.

(Source de ces trois notules : Wikipédia)

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Marie Laurencin

Ce bel oiseau dans sa cage
C’est ton sourire dans la tombe
Les feuilles dansent
Il va pleuvoir très longtemps
Ce soir avant de m’en aller
Je vais voir fleurir les arbres
Une biche s’approchera doucement
Les nuages tu sais sont roses et bleus

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Francis Picabia 

Pourquoi 
as-tu voulu qu’on t’enterre avec tes quatre chiens 
un journal 
et ton chapeau 
Tu as demandé qu’on écrive sur ta tombe 
Bon voyage 
On va encore te prendre pour un fou là-haut 

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Tristan Tzara 

Qui est là 
Tu ne m’as pas serré la main 
On a beaucoup ri quand on a appris ta mort 
On avait tellement peur que tu sois éternel 

Ton dernier soupir 
ton dernier sourire 

Ni fleurs ni couronnes 
Simplement les petites automobiles 
et les papillons de cinq mètres de longueur 

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Marie Laurencin, La Répétition

L’Exposition Nicolas de Staël au Musée d’Art Moderne (hiver 2023-24)

Sicile, 1954

J’ai visité cette grande rétrospective du peintre Nicolas de Staël (1914-1955) vers la mi-novembre 2023, au musée d’Art Moderne de la ville de Paris.
Cette exposition réunissait environ deux cents tableaux, représentatifs des différentes périodes stylistiques du peintre, influencées par les divers endroits où il a vécu et travaillé (Paris, Île de France, Provence, Nord de la France, Sicile, Antibes, …)

Présentation de l’exposition par le musée

Organisée de manière chronologique, l’exposition retrace les évolutions successives de l’artiste, depuis ses premiers pas figuratifs et ses toiles sombres et matiérées des années 1940, jusqu’à ses tableaux peints à la veille de sa mort prématurée en 1955. Si l’essentiel de son travail tient en une douzaine d’années, Staël ne cesse de se renouveler et d’explorer de nouvelles voies : son « inévitable besoin de tout casser quand la machine semble tourner trop rond » le conduit à produire une œuvre remarquablement riche et complexe, « sans esthétique a priori ». Insensible aux modes comme aux querelles de son temps, son travail bouleverse délibérément la distinction entre abstraction et figuration, et apparaît comme la poursuite, menée dans l’urgence, d’un art toujours plus dense et concis : « c’est si triste sans tableaux la vie que je fonce tant que je peux », écrivait-il. La rétrospective permet de suivre pas à pas cette quête picturale d’une rare intensité, en commençant par ses voyages de jeunesse et ses premières années parisiennes, puis en évoquant son installation dans le Vaucluse, son fameux voyage en Sicile en 1953, et enfin ses derniers mois à Antibes, dans un atelier face à la mer.
(Source : Site du Musée d’Art Moderne)

Mon Avis

J’ai adoré cette exposition par la grande diversité des œuvres présentées, leur beauté, leur lumière, leur poésie. Les couleurs, souvent éclatantes et franches, vont de pair avec un immense raffinement, une élégance incroyable. Dans les tableaux réalisés en Sicile, en particulier, il ose des juxtapositions de couleurs qui paraitraient criardes chez n’importe quel autre peintre – des jaunes, rouges, violets, verts très vifs – mais lui réussit à créer l’harmonie, à faire chanter les teintes sans qu’elles s’étouffent mutuellement. Il semble d’ailleurs être toujours en quête de nouvelles couleurs à utiliser, renouvelant sans cesse sa palette – tel ce « Paysage sur fond rose » (cf. ci-dessous) qui étonne ! – et je n’ai pas pu m’empêcher de penser que nombre de peintres abstraits du 20è siècle avaient réduit leur palette aux seules couleurs primaires (Mondrian, par exemple) quand d’autres bannissaient certaines autres, mal-aimées, comme le vert (détesté, entre autres, par Kandinsky). Tandis que Nicolas de Staël semble vouloir accueillir sur ses toiles toutes les nuances possibles de la nature et de la vie et c’est cette ouverture au monde qui m’a séduite et touchée.
J’ai aimé, aussi, regarder ces toiles de très près pour admirer leur belle texture : la peinture semble avoir été étalée au couteau, d’un geste sûr, net et précis, qui ne souffre pas, ou très peu, de repentir. On ne peut pas s’empêcher de voir un côté « maçonné » dans certaines toiles, et, bizarrement, ce maçonnage – évocateur d’un ouvrier maniant sa truelle – donne un effet extrêmement délicat, poétique et doux.
Toutes ces alliances de contrastes, d’ambiguïtés, de paradoxes, m’ont paru caractéristiques de cet artiste rare, génial, et de ses superbes tableaux.

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Les Toits, Paris, 1951
Paysage, 1952
Arbre rouge, Provence, 1953
Paysage, Provence, 1953
Agrigente, 1953-54
Paysage sur fond rose, Ménerbes, 1954
Coin d’Atelier, Fond bleu, Antibes, 1955

Des Poèmes de Mutsuo Takahashi sur la Renaissance Italienne

Aujourd’hui, je vous propose deux poèmes japonais contemporains de l’écrivain Mutsuo Takahashi (né en 1937). Ces textes sont extraits du recueil « Printemps florentin choix de poèmes » publié aux Presses Sorbonne Nouvelle en 2020, dans une traduction de Bruno Smolarz.

Je vous avais déjà parlé de ce recueil en janvier dernier, lors du Mois Thématique sur le Voyage, mais ses poèmes sur Masaccio et sur Botticelli sont parfaitement en adéquation avec ce Printemps des Artistes.

Début de la quatrième de Couverture

Anthologie de courtes poésies en vers libres, ce recueil suit les jalons de la vie, réelle ou imaginaire, de l’un des auteurs majeurs du Japon depuis l’après-guerre, TAKAHASHI Mutsuo. Pour la première fois, un aperçu de son œuvre prolifique et protéiforme, qui inclut poésies traditionnelles, poèmes narratifs, essais, romans, théâtre,… est ici présenté en français.

Masaccio Adam et Eve chassés du Paradis

ii – Aspergé d’eau
Masaccio (1401-1428)

Je connais de nombreux matins mais
le Quattrocento florentin aube du renouveau
est particulièrement beau et douloureux
il est ce nu sur le panneau du bas les bras croisés
attendant tremblant d’être aspergé d’eau
il est le couple nu effaré de honte et d’appréhension
qui s’en va chassé hors du jardin
ce sont là variations de son jeune et fragile talent
après ce baptême il s’en est allé
la trop lumineuse beauté du jour
déplorant son passage trop rapide
se prolonge

**

iii – En allé on ne sait où
Pour chérir la mémoire de Botticelli

L’hiver d’avant avait été long et rigoureux mais
l’été suivant ne lui cédant en rien fut un tyran cruel et tenace
entre les deux un printemps très beau très bref
les arbres en fleurs les herbes fleuries rivalisaient
au fond des bois où les oiseaux chantaient à qui mieux mieux
entouré de déesses parfumées
et déguisé en Hermès juvénile
toi sagace et curieux soudain vieilli
t’appuyant sur une canne traînant la jambe
tu montras un visage de circonstance à l’assemblée des artistes
avant de t’en aller on ne sait où

**

Botticelli – Le Printemps

L’Exposition « Femmes Surréalistes » au musée de Montmartre

Jane Graverol (1905-1984) – Le Sacre du Printemps, 1960

Du 31 mars au 10 septembre 2023 s’était tenue une intéressante exposition sur les femmes surréalistes, au musée de Montmartre.

Ce 8 mars, Journée des femmes, est une bonne occasion pour en parler. Et puisque nous fêtons cette année le centenaire de la naissance du Mouvement Surréaliste, il me semble que ça tombe pile comme il faut…

Voici le petit texte de présentation, trouvé sur le site du musée :

Mouvement provocateur et dynamique, le Surréalisme déclenche un renouvellement esthétique et éthique. Les hommes ne sont pas les seuls à avoir rendu vivant ce courant et ses transgressions : de nombreuses femmes en furent des actrices majeures. L’exposition les révèle et explore leur travail.
En révélant les travaux d’une cinquantaine d’artistes, plasticiennes, photographes et poètes du monde entier, cette exposition invite à réfléchir non seulement à l’ambivalente position des femmes dans le surréalisme, mais aussi à la capacité d’un des courants majeurs du XXe siècle à y intégrer du féminin.

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Voici un poème de Joyce Mansour (1928-1986) qui était affiché dans l’exposition :

Lee Miller (1907-1977) – Autoportrait avec des Sphynx

Les machinations aveugles de tes mains
sur mes seins frissonnants
Les mouvements lents de ta langue paralysée
Dans mes oreilles pathétiques
Toute ma beauté noyée dans tes yeux sans prunelles
La mort dans ton ventre qui mange ma cervelle
Tout ceci fait de moi une étrange demoiselle

Cris, 1953

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Unica Zürn (1916-1970), Sans Titre, 1965, Gouache et Encre
Valentine Hugo (1887-1968), Le Toucan, 1937

Cartel sur le tableau Sans titre d’Unica Zürn, ci-dessus

Le destin tragique d’Unica Zürn – ses nombreux internements en hôpital psychiatrique, à Sainte-Anne notamment au début des années 1960, puis son suicide – colore immanquablement la réception de ses fantasmagories graphiques. Mais n’y voir que le reflet de sa fragilité psychologique serait réducteur. Ses créatures monstrueuses et ciselées, ses arabesques grouillantes qui s’enchevêtrent à l’infini dans une vertigineuse minutie sont également l’expression d’une exploration inlassable de son médium et d’une maîtrise du trait qui la dotent d’une « lucidité » plastique d’autant plus douloureusement tranchante lorsque mise au service de la dissection de ses abîmes intérieurs.
(Source : Musée)

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Rita Kernn-Larsen (1904-1998) , La Promenade dangereuse, 1936

Cartel sur Medusa grown old de Marion Adnams, ci-dessous

Grinçant et irrévérencieux portrait de Méduse, cette peinture est exemplaire de la primauté dans la créativité surréaliste, du hasard et des rapprochements de réalités sans rapports apparents. Adnams transcrit l’image née d’un accident arrivé dans son atelier : elle fait un jour tomber une statuette africaine empruntée au musée de Derby sur un dessin d’un vieux chêne. Hybridation qui produit une Méduse africaine dont les cheveux de serpents ont fait place à des branches mortes. Gorgone âgée, comme le titre l’indique, mais dont la forme s’est dynamisée au contact de la puissance plastique de la statuaire extra-occidentale.
(Source : Musée)

Marion Adnams (1898-1995), Medusa grown old, 1947
Rachel Baes (1912-1983), La Première Leçon, 1951

L’expo « La Fabuloserie » à la Halle Saint-Pierre

Affiche de l’exposition

Du 25 janvier au 25 août 2023 s’était tenue à La Halle Saint-Pierre à Paris (Quartier de Montmartre) une grande exposition sur La Fabuloserie, qui est une maison-musée d’art brut fondée par Alain Bourbonnais (1925-1988) et sa femme Caroline Bourbonnais (1924-2014) dans la région de Bourgogne (département de l’Yonne), plus précisément à Charny-Orée-de-Puisaye – un lieu qui célèbre son quarantième anniversaire cette année.

Mon Avis

C’était la première fois que j’entrais dans La Halle Saint-Pierre, et, plus largement, la première fois que je visitais une exposition d’art brut et j’ai été très favorablement surprise et heureusement impressionnée par toutes ces œuvres, dont la diversité des styles et des personnalités témoigne d’une grande liberté de création. D’habitude, dans les expositions collectives, je m’intéresse peu au parcours de vie de chaque artiste, mais ici, au contraire, j’ai lu attentivement tous les cartels biographiques et explicatifs, passionnée par ces existences hors-les-normes, qui semblaient a priori peu prédisposées à la création artistique et qui ont cependant créé des œuvres exceptionnelles. Certains ont eu des vies ordinaires, modestes, consacrées au commerce ou à l’industrie, et, brutalement, à la retraite, se découvrent des dons insoupçonnés pour le dessin ou la sculpture. D’autres ont des vies plus marginales, avec des ruptures, des deuils, des difficultés socio-économiques et/ou psychiatriques, etc.
Le fait d’avoir lu il y a deux ou trois ans le livre Asphyxiante culture de Jean Dubuffet, l’inventeur du concept d’art brut, fondateur et théoricien de ce mouvement, m’a aidée à mieux comprendre cette exposition et à percevoir l’arrière-plan de ces œuvres et la nature du lien qui les unit entre elles.
Ce qui m’a plu dans cette exposition, c’est la vitalité et l’énergie des œuvres, la spontanéité et la profusion des formes, des couleurs, n’obéissant qu’à l’imagination du créateur et affranchies des règles et des modèles prédéfinis par les écoles et les historiens d’art.
Une autre chose que j’ai admirée c’est la démarche tout à fait pure et désintéressée de ces artistes, qui en général ne réalisent leurs œuvres que pour eux-mêmes, pour répondre à leur nécessité intérieure, sans souci de récolter la gloire ou la richesse.

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Vous pouvez retrouver mon article sur « Asphyxiante culture » de Jean Dubuffet en cliquant ici.

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J’ai choisi quelques photos – un grand nombre d’autres artistes auraient mérité aussi bien de figurer ici mais mon choix est forcément réducteur et arbitraire.

Tableau de Philippe Dereux (1918-2001) à base d’épluchures de légumes
Sculpture en bois d’Alain Genty (né en 1948)
Œuvre de Simone Le Carré-Galimard (1912-1996)
Trois Tableaux de Gala Barbisan (1894-1982)
Tableau de Michèle Burles (née en 1948)
Marcel Landreau (1922-1992)
René Guivarch, trois sculptures d’animaux

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Je recopie ci-après le Cartel avec des citations d’Alain Bourbonnais

Alain Bourbonnais
Architecte Peintre Sculpteur Collectionneur

« Ma principale production, ce sont mes Turbulents ;
c’est mon élevage, c’est ma Tribu.

Ce que je crois qu’ils sont : un paradis dérisoire, puéril comme l’enfance.
Ils sont moins l’angoisse que la fête, une certaine fête bien sûr.
Pas les fêtes fastueuses de Versailles mais la fête foraine.
Le débordement.

Ils sont contre :
l’angoisse, le pessimisme, le dégoût, le mécontentement,
le nihilisme.

Au contraire :
C’est le bonheur de vivre,
c’est le courage d’être heureux,
c’est la vitalité, le délire, la liberté.

Ils sont :
effrontés mais courageux,
le message aux timorés, aux indécis.

(…)

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L’Exposition Kokoschka au Musée d’Art Moderne (hiver 2022-23)

Gitta Wallerstein, 1921

En novembre 2022 j’avais visité l’exposition Oscar Kokoschka au Musée d’Art Moderne à Paris et j’ai planifié mon article un an à l’avance, pour les Feuilles Allemandes de 2023.

Biographie d’Oscar Kokoschka

Né en mars 1886, non loin de Vienne, dans une famille d’orfèvres, Oscar Kokoschka est un peintre, graveur, affichiste mais aussi écrivain, dramaturge et poète autrichien.
De 1905 à 1909 il étudie à l’école des Beaux-Arts de Vienne où il suit, entre autres, les cours de Gustav Klimt. Mais il se détache rapidement de cette tendance Art-Nouveau pour inventer une forme d’Expressionnisme âpre et acerbe, qui se voit aussi bien dans sa peinture que dans son œuvre littéraire, comme sa pièce « Meurtrier, espoir des femmes », de 1909, où sa représentation violente des relations hommes-femmes choque le public et crée le scandale.
Dès 1910 Kokoschka s’installe à Berlin où son style artistique est mieux accepté.
Il peint de nombreux portraits de la société de son temps. En 1912 il débute une relation amoureuse passionnée avec Alma Mahler, la veuve du compositeur. Après leur rupture, il fait fabriquer une poupée à l’effigie de son ex-maîtresse et se peint plusieurs fois en sa compagnie.
Il est gravement blessé pendant la guerre de 14-18, sur le front ukrainien.
De 1917 à 1924, il s’installe à Dresde où il enseigne à l’Ecole des Beaux-Arts.
L’arrivée au pouvoir des nazis le pousse à s’exiler à Prague puis à Londres. En effet, les nazis considèrent ses tableaux comme de « l’art dégénéré » et tantôt ils les détruisent tantôt ils les décrochent des musées allemands pour les revendre.

Auguste Forel, 1910


Kokoschka est un artiste engagé qui réalise de nombreux tableaux aux significations politiques affirmées, comme par exemple L’Œuf rouge en 1938, où il dénonce la politique européenne vis-à-vis d’Hitler et Mussolini.
Après la guerre 39-45, il voyage beaucoup : il vit à Londres de 1938 à 1953, séjourne en Grèce, Italie, Allemagne, Tunisie, Lybie, etc.
De 1953 à sa mort en 1980 il est installé en Suisse, près du Lac Léman, et il est comblé d’honneurs officiels.
(Source : Wikipédia, résumé après la visite de l’exposition)

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Cartel sur le Tableau « Auguste Forel »

En 1910, Oscar Kokoschka réalise le portrait d’Auguste Forel, célèbre psychiatre et scientifique suisse. Alors âgé de vingt-quatre ans, l’artiste réalise un portrait remarquablement expressif. Il se détache de l’idéalisation de la figure humaine et représente le scientifique dans un espace flou, presque irréel. Le portrait ne va pourtant pas plaire au commanditaire qui juge que ce tableau appartient davantage « au domaine de la psychiatrie qu’à celui de l’art ». Il refuse donc de l’acheter. L’œuvre est finalement acquise par la Kunsthalle Mannheim en 1913. Saisie des collections allemandes en 1937, elle est entreposée au château de Schwetzingen puis dans la mine de sel de Heilbronn pendant la guerre.
(Source : Cartel de l’Exposition)

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Dresde, Neustadt, 1921-22

Cartel sur le tableau « Dresde, Neustadt »

Ces deux tableaux appartiennent à la série des paysages de l’Elbe que surplombe l’atelier de Kokoschka alors qu’il réside à Dresde. De 1921 à 1923 l’artiste n’exécute pas moins de dix vues du fleuve qui rendent compte de ses recherches stylistiques : simplification des formes, profondeur et dynamisme des couleurs. Cette série annonce les œuvres réalisées les années suivantes lors de ses voyages. Alors reconnu comme portraitiste, Kokoschka se détache de cette étiquette pour s’affirmer comme maître de la peinture de paysage dans la lignée du Vénitien Canaletto qui a représenté des vues de Venise, Londres, ou encore Dresde.
(Source : Cartel de l’Exposition)

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Cartel sur le Tableau « L’Œuf rouge »

L’Œuf rouge, 1938

Horrifié par les accords de Munich de 1938, Kokoschka met en scène dans l’Œuf rouge, les grands acteurs de cet événement. Hitler grimaçant fait face à la figure colossale de Mussolini, tandis qu’un chat indolent, incarnation de la France, est allongé près d’un bonnet phrygien. Le lion impérial, figurant la Grande-Bretagne, détourne le regard et reprend avec sa queue recourbée le symbole de la livre sterling. Autour de la table des négociations se tient un œuf rouge sang dont le fond a été fendu. Au loin, Prague brûle. Le verso de la toile mentionne la date Pâques 1939 qui évoque certainement l’invasion de Prague quelques semaines plus tôt. Cette mention dévoile également l’ironie du tableau qui renvoie à la tradition qui consiste à décorer un œuf à cette période.
(Source : Cartel de l’expo)

D’autres Tableaux présents à l’Exposition :

Le Pouvoir de la Musique, 1920
autoportrait aux bras croisés, 1923

Pablo Casals II, 1954

L’Exposition Germaine Richier au Centre Pompidou (Printemps 2023)

L’escrimeuse avec masque, 1944

J’ai visité en avril dernier la grande rétrospective de la sculptrice du 20è siècle Germaine Richier et j’avais envie de vous la présenter car c’était vraiment une magnifique exposition.

Je recopie ici le tout premier panneau, à l’entrée de l’expo, qui constitue une bonne introduction :

Germaine Richier (1902-1959) occupe une place incontournable dans la sculpture du 20è siècle. Formée à la tradition de la statuaire en bronze d’Auguste Rodin et d’Antoine Bourdelle, elle participe aux conquêtes essentielles de la sculpture moderne. En à peine plus de vingt-cinq ans, des années 1930 à sa disparition précoce en 1959, Richier crée un univers profondément original et invente de nouvelles images de l’homme et de la femme, jouant des hybridations avec le monde animal ou végétal.

Sa reconnaissance est précoce et fulgurante : en 1956, Richier est la première artiste femme exposée de son vivant au Musée national d’art moderne. Elle est l’une des rares sculptrices à rencontrer après-guerre un succès international.

Connue essentiellement pour ses dix dernières années, sa sculpture a parfois été réduite à l’image inquiète d’une époque troublée, associée à l’étrangeté surréaliste ou à l’expressionnisme informel. Cette exposition entend reconsidérer globalement cette artiste majeure, pour qui « le but de la sculpture c’est d’abord la joie de celui qui la fait ». Son travail vibrant de la terre, son expérimentation sur les matériaux, la couleur et l’espace disent sa volonté de créer des sculptures vivantes, à même de saisir l’humain dans sa violence et sa fragilité, de révéler sa vie intérieure et les métamorphoses qui le traversent. Aujourd’hui plus que jamais, l’art de Germaine Richier résonne avec notre époque, questionnant notre rapport à la nature et au vivant.

(Source : Musée)

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L’Ombre de l’ouragane, 1957
L’Ouragane, 1948-49

Cartel à propos de La Mante

La Mante, 1946

Deux ans après La Sauterelle, Richier poursuit avec La Mante le thème des femmes-insectes, évoquant la faune sauvage de la garrigue. C’est par le travail d’agrandissement que l’animal est doté d’une stature pleinement humaine. Objet de fascination dans l’imaginaire surréaliste, la créature incarne une féminité sûre d’elle-même et conquérante, dont la cruauté supposée est largement commentée par la critique de l’époque.

La Sauterelle, 1954

Et enfin, ci-dessous, le groupe de l’Echiquier, qui se trouvait au centre de la dernière salle et qui a pour particularité sa polychromie. Contrairement à celles des autres œuvres, que j’ai prises moi-même, la photo de L’Echiquier provient du site du Centre Pompidou.