Un hymne à la nuit de Novalis

novalis_hymnes_a_la_nuitDes hymnes à la nuit de Novalis (1772-1801), que j’ai relus cette semaine, j’ai retenu le deuxième, qui m’a paru être le plus accessible et le moins sombre.

II

Faut-il toujours que le matin revienne ? L’empire de ce monde ne prend-il jamais fin ? Une fatale activité engloutit les élans divins de la Nuit qui s’approche. Ne va-t-il donc jamais, le sacrifice occulte de l’Amour, éternellement brûler ?
La lumière a son temps, qui lui fut mesuré ; mais le royaume de la Nuit est hors le temps et l’espace. – Et c’est l’éternité que le sommeil a pour durée.
Sommeil sacré ! Ne t’en viens pas trop rarement, durant le terrestre labeur du jour, combler de tes félicités les adeptes fidèles de la Nuit. Les insensés uniquement te méconnaissent et ne savent point d’autre sommeil que l’ombre que tu jettes, par compassion pour nous, au crépuscule de la nuit évidente. Ils ne te sentent point dans le flot d’or des grappes – dans l’huile miraculeuse de l’amandier ou dans la brune sève du pavot. Ils ne le savent pas, que c’est toi qui nimbes ainsi le tendre sein de la vierge et nous fais de son cœur un paradis. Ils ne pressentent pas que, te levant des légendes anciennes, tu t’avances vers nous, ouvrant le ciel, et tu portes la clé qui ouvre les demeures de la béatitude, silencieux messager des infinis mystères !

Un poème de Patrice Auboin

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J’ai trouvé ce poème dans le dernier numéro de la revue Le Coin de Table (n°59, de juin 2014).
Je ne connaissais pas du tout Patrice Auboin, mais je suis contente d’avoir pu découvrir ses poèmes, qui reprennent des formes classiques fixes (villanelle, rondeau) d’une manière assez personnelle.

 

Villanelle du solitaire

Douce compagne solitude
Tu t’accoudes à mon fauteuil
Toi silence, toi mansuétude.

Suis-je digne de ta quiétude
Quand tu scintilles sur le seuil
Douce compagne solitude ?

Tu favorises mon étude
Si je plonge dans un recueil
Toi silence, toi mansuétude.

Pour rompre quelque lassitude
Aux dames tu fais bon accueil
Douce compagne solitude.

Si dans l’herbe je les dénude
Eloigne-toi comme un chevreuil
Toi silence, toi mansuétude.

Après mainte vicissitude
Suivras-tu mon humble cercueil
Douce compagne solitude
Toi silence, toi mansuétude ?

*****

 

Petite pause de La Bouche à Oreilles

Bien que je n’aie pas de vacances en vue, j’ai décidé de m’accorder une semaine ou dix jours de pause !
Besoin de recharger les batteries et de faire un peu le vide …
Le rythme d’un ou deux articles par semaine n’est peut-être pas intensif mais, par moments, c’est un peu contraignant.

Prochain article dans environ dix jours, donc !

Je vous laisse sur une photo de Rome, où j’aimerais beaucoup retourner un jour.

 

fontaine_trevi

Anniversaire demain

bougieCe blog fêtera ses deux ans demain, c’est donc l’occasion de faire un petit bilan.
Ces trois-cents soixante cinq derniers jours, les articles qui ont été les plus lus sont :
* Les soucis du ciel de Claude Roy avec plus de six-cent-soixante vues.
* Le Bal d’Irène Némirovsky avec plus de 370 vues
* Trois petits recueils de Norge avec environ 250 vues.
* mon Poème d’Amour en vers libres avec 227 vues
* et Evadné de René Char avec 220 vues.
C’est donc, comme l’année dernière, la poésie du 20ème siècle qui suscite, de très loin, le plus d’intérêt.

 

Ce sont à peu près trois-cents personnes qui visitent chaque semaine La Bouche à Oreilles, avec une légère baisse depuis un mois.

 

Merci aux lecteurs, à ceux qui me suivent, et à ceux qui ont la gentillesse de me laisser des commentaires !

 

Ce blog continue – pas encore de vacances en perspective – en continuant à alterner la poésie et les romans.

Pour le moment, de Pierre Reverdy

reverdy_plupart_du_tempsLa vie est simple et gaie
Le soleil clair tinte avec un bruit doux
Le son des cloches s’est calmé
Ce matin la lumière traverse tout
Ma tête est une lampe rallumée
Et la chambre où j’habite est enfin éclairée

Un seul rayon suffit
Un seul éclat de rire
Ma joie qui secoue la maison
Retient ceux qui voudraient mourir
Par les notes de sa chanson

Je chante faux
Ah que c’est drôle
Ma bouche ouverte à tous les vents
Lance partout des notes folles
Qui sortent je ne sais comment
Pour voler vers d’autres oreilles

Entendez je ne suis pas fou
Je ris au bas de l’escalier
Devant la porte grande ouverte
Dans le soleil éparpillé
Au mur parmi la vigne verte
Et mes bras sont tendus vers vous

C’est aujourd’hui que je vous aime

***

Ce poème est extrait du recueil Plupart du temps, publié chez Poésie/Gallimard.

Trois poèmes de Marilyse Leroux

le_temps_dici J’ai trouvé ces poèmes dans le recueil de Marilyse Leroux, Le temps d’ici, publié chez Rhubarbe en 2013.

 

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Tu entres
au cœur de l’espace
comme dans un nid
où tu poserais les ailes

Un duvet de rose
à tes pieds
pour te consoler
du poids de la terre

Et toujours
autour de toi
cette douceur de l’air
qui te dit
que toute chose
est habitable
ici-bas.

****

On n’emporte rien avec soi
qu’une image en viatique

Un iris de Van Gogh
bleu sur bleu
au pied de la montagne

On suit la découpe d’un jardin
sous un porche

A travers la fenêtre haut perchée
passe encore l’éclair d’un visage

On prend par les yeux
tout ce qui fut son regard
et par le corps
la douleur d’un amour
trop grand pour cette vie

Hier est si proche
qu’il nous attrape la main

On s’étonne d’un outil oublié
d’un escargot baignant
dans une rigole
sûr de presser contre soi
tout le poids du présent.

****

Tu ramènes le silence
contre toi
comme une robe
pour le voyage

Dehors
la pluie se plaît
à dépouiller les arbres

Le ciel descend
retrouver la terre
où tout se confond

Des fenêtres s’allument
sur la nuit sans bord
par où passe
ce peu de paroles.

Silence, un roman de Shûsaku Endô

endo-silence
L’histoire : Au Japon, dans la première moitié du 17ème siècle, les persécutions contre les chrétiens font rage et l’animosité est grande contre les européens. Les chrétiens doivent apostasier et, s’ils s’y refusent, ils subissent d’atroces supplices avant d’être mis à mort. C’est dans ce contexte que trois prêtres missionnaires portugais font le voyage vers le Japon pour continuer l’œuvre d’évangélisation. Conscients des dangers qu’ils courent en se rendant dans ce pays, ils pensent néanmoins être assez forts pour affronter ces épreuves, et savent qu’ils devront être prudents, vivre dans la clandestinité, pour ne pas finir comme des martyres. (…)

Mon avis : Bien que Shûsaku Endô soit chrétien et que ce roman présente les japonais sous un jour peu reluisant, on est très loin de tomber dans le manichéisme et la foi est montrée avec tous ses doutes et toutes ses vicissitudes. Le personnage principal, le père Sébastien Rodrigues, a, au début du livre, une foi conquérante et sûre de ses principes, mais sa confrontation aux épreuves infligées par les japonais, l’amène à de nombreuses réflexions sur le courage, sur la charité, sur la trahison de Judas et l’attitude du Christ envers lui, et sur le vrai sens de sa religion.
Un autre personnage important dans le livre est celui de Kichijiro, qui endosse le rôle à la fois du lâche et du traître, et qui ne cesse de réclamer l’absolution au père Rodrigues, alors qu’il serait tout prêt à apostasier une nouvelle fois, et à trahir le prêtre si l’occasion se présentait à nouveau. Mais, en même temps, Kichijiro est extrêmement tourmenté de se savoir si faible, et il semble vraiment animé par la foi, malgré la duplicité de son caractère et son égoïsme.
Le titre fait référence au silence de Dieu face aux martyrs que subissent les chrétiens, un silence que le père Rodrigues ne comprend pas, qui n’est pas loin de le révolter, et qui le fait douter de l’existence de Dieu.

Un livre très intéressant, et assez poignant, même quand on n’a pas la foi.

Silence était paru pour la première fois en 1966.