Jardin de Printemps de Tomoka Shibasaki

Couverture chez Picquier Poche

Dans le cadre de mon Mois Thématique Japonais de février 2023, j’ai lu ce court roman d’une jeune écrivaine contemporaine, dont le titre et les deux faces de la couverture m’ont attirée dès que je les ai aperçus en librairie.

Note pratique sur le livre

Editeur français : Picquier poche
Première date de publication : 2014 au Japon, 2016 en France
Traduit du japonais par Patrick Honnoré
Nombre de pages : 154

Note sur Tomoka Shibasaki

Née en 1973 à Osaka, elle fait ses débuts littéraires en l’an 2000, après des études universitaires à Osaka. Ses romans ont été à deux reprises adaptés au cinéma, par les cinéastes japonais Isao Yukisada en 2003 et Ryusuke Hamaguchi en 2018. Elle a reçu le Prix Noma en 2010 pour l’un de ses romans. « Jardin de Printemps » est la seule de ses œuvres traduites en français, jusqu’à présent. (Sources : éditeur et Wikipédia)

Quatrième de Couverture

Jardin de printemps, c’est d’abord un livre de photographies, celles d’une maison bleue avec son jardin au cœur de Tokyo, instantanés de la vie d’un couple heureux il y a une vingtaine d’années.
Les saisons passent, les locataires aussi. Ils se rencontrent, se croisent. D’un balcon ou sur un chemin, ils sont comme aimantés par cette maison endormie.
Dans ce roman amical et rêveur, tout est en léger décalage, au bord de chavirer, seuls les lieux semblent à même de révéler ce qui flotte à la surface de notre cœur.
L’immeuble où habite Tarô, promis à la démolition et qui se vide peu à peu, la vieille demeure de style occidental, paradis perdu qui un jour reprend vie, réactive la possibilité du bonheur.
Qui n’a jamais rêvé de pénétrer dans une belle maison abandonnée pour en percer le secret ?

Mon avis

Une de mes amies, spécialiste en littérature japonaise, m’a dit un jour qu’elle reprochait à certains romans de ce pays d’être trop évanescents. Et cette phrase m’est revenue à l’esprit en lisant ce « Jardin de printemps », qui correspond effectivement à cette description. C’est-à-dire que les personnages sont un peu difficiles à cerner, comme des apparitions dont les caractères sont juste esquissés. L’intrigue est également « évanescente », le déroulement des événements n’obéit pas à une logique très stricte et il a un aspect légèrement décousu, comme si l’écrivaine avançait au hasard, au gré de l’inspiration et sans plan précis.
Cela a un certain charme et ce n’est pas déplaisant. Il y a même des passages très poétiques, vraiment agréables à lire.
Malgré tout, j’ai eu un peu de mal à m’immerger dans cette histoire ou à me sentir concernée. Ca me semblait trop loin de moi, je suis restée en dehors. Peut-être à cause de cette évanescence dont je parlais, de ce manque d’aspérité ou de consistance, mon attention glissait parfois sur certaines pages sans trouver quelque chose à quoi me raccrocher.
Il est possible aussi qu’un excès de considérations immobilières et décoratives (descriptions architecturales, urbaines, et matérielles en général) m’aient un petit peu lassée et que j’aurais préféré une plus grande place accordée aux personnages et une plus petite pour les bâtiments. Mais j’ai bien compris que c’était là le parti pris de l’écrivaine, dans une recherche esthétique insolite et innovante.
Une lecture qui ne m’a pas déplu, mais qui ne m’a pas non plus emballée.

Un Extrait page 71

Vers la mi-juin, le temps devint pluvieux, même s’il ne pleuvait pas énormément. Le ciel restait très bas, sans discontinuer.
Les jours de pluie ou de temps gris sans un seul coin de ciel bleu, Tarô ne s’imagine pas marcher au-dessus des nuages. Imaginer qu’au-dessus des nuages il y a du ciel n’est pas dans ses capacités. Au-delà des nuages, ce n’est pas le bleu du ciel, ni même le noir sidéral, juste un espace transparent qui s’étend sans rien.
La première fois qu’il a voyagé en avion, il pleuvait, après le décollage l’avion a traversé une sorte de blanc qui ressemblait à de la neige carbonique puis est sorti des nuages. Le bleu du ciel l’a extrêmement surpris. Il s’est demandé s’il n’avait pas été transporté dans un autre monde que celui dans lequel il croyait exister et cela lui a fait peur. Mais il a regardé en bas à travers le hublot à double vitrage, et la surface, la luminosité intense, la grandeur et l’impression à couper le souffle des nuages étaient bien celles qu’il avait tant de fois imaginées. Comment se faisait-il que cette chose qu’il n’avait jamais vue lui soit connue avec une telle précision ? s’inquiéta-t-il. Il chercha longtemps quelqu’un qui marchait sur les nuages. Il ne vit personne. Entre les deux vitres du hublot, il y avait des cristaux de givre comme de la neige. (…)

Des haïkus de poètes japonais parus dans la revue « Ashibi »

J’avais publié l’année dernière un choix de haïkus de poétesses japonaises publiés dans la prestigieuse revue Ashibi, et extraits du livre La lune et moi chez Points. Vous pouvez retrouver cet article ici si vous le souhaitez.
Aujourd’hui, je complète donc ce panorama par un choix de haïkus écrits par des poètes masculins, et toujours extraits de ce même recueil.

Printemps

Prunier blanc en fleur –
La lumière du crépuscule
s’approche doucement

Shô Hayashi

*

Je ne veux pas encore vieillir –
Le tourbillon de pétales
enveloppe mon corps

Gorô Nishikawa

*

Des chats errants
courent comme des fous –
Fin des grands froids

Atsuo Nasu

*

Un premier papillon
hésitant
sur la paume du vent

Hisahiko Nagamine

**

Été

Sur le point de tomber,
la pivoine
exhale un parfum plus tenace

Mikio Matsumoto

*

Un grand papillon noir
avec son ombre
toute sa courte vie

Ryôsuke Nonaka

*

Cent cercles
de tournesols –
La tête me tourne !

Sei’ichi Teshima

*

Des pattes du cafard
que j’ai manqué d’écraser
restent là

Tsutomu Fujino

**

Automne

Le chant du grillon
s’arrête net, l’obscurité
commence à bouger

Tsutomu Fujino

*

Les feuilles de ginko
tombent
en forme de clair de lune

Seishi Sagawa

*

Dans les bûches entassées,
les restes d’une jambe
d’un épouvantail

Ryôsuke Nonaka

*

Cueillette des champignons –
des voix d’hommes
au-delà du brouillard

Tsutomu Fujino

*

Grands ou petits
les chrysanthèmes
ni critiques, ni rivaux

Kazashi Kimura

*

Hiver

Derrière les feuilles rouges,
dans sa chute
le soleil flotte

Teihô Okada

*

Dernière nuit de l’an,
à cet âge
jamais atteint par mes parents

Kunio Satô

*

Un martin-pêcheur
brise son ombre pour pêcher
dans l’eau hivernale

Teihô Okada

*

J’attends le printemps
le printemps, là,
dans mon cœur

Kitô Akiyoshi

**

Des Poèmes japonais contemporains

Couverture chez Picquier

Ces poèmes sont extraits du livre « 101 poèmes du Japon d’aujourd’hui » paru chez Picquier en 2014 dans une traduction de Yves-Marie Allioux et Dominique Palmé.

Résumé de l’éditeur :

 » Les 55 poètes dont les œuvres figurent dans ce recueil sont, en toute objectivité, les plus éminents représentants de la poésie japonaise contemporaine. C’est évidemment au lecteur que revient la liberté d’apprécier les 101 poèmes présentés ici, mais une chose est sûre : on a retenu, pour chaque auteur, le texte qui semblait mettre le mieux en valeur l’originalité de son écriture. Des œuvres majeures qui eurent un grand retentissement à l’époque de leur publication, au point d’alimenter les polémiques, et qui marquent des étapes essentielles dans l’évolution de la poésie au cours des dernières décennies. »

**

Poèmes Extraits du livre

Ôoka MAKOTO
(né en 1931)

CHÔFU V

Vivre en ville
C’est posséder quelque part en ville un endroit que l’on aime.
C’est savoir qu’il y a quelque part en ville une personne que l’on aime.
Sans cela, on ne pourrait pas vivre.

L’enfant a beau grandir à vue d’œil
Son père, lui, n’a pas conscience de vieillir
Jusqu’au jour où, soudain, cette inconscience le terrifie
Etranger croisé dans la rue, inconnu qui n’est autre que soi-même

De moi-même je me suis perdu et j’erre au loin
Mais quelque part en ville je cache un endroit que j’aime.
Je cache une personne que j’aime. Sans en avoir l’air.
Ainsi donc, je suis « chef de famille ».

Puis un jour la nuque de mon fils qui déplie le journal en silence
Se détache toute fine dans la lumière du matin, et sa vue m’emplit de tendresse
Surprise proche du chagrin.
 » Akkun, atteindras-tu bientôt toi aussi l’âge où l’on part à la guerre ? »

(1981)

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Rin ISHIGAKI
(née en 1920 – morte en 2004)

CORBICULA

Au milieu de la nuit je me suis éveillée.
Les petites coques achetées la veille au soir
Dans un coin de la cuisine
Bouche ouverte vivaient encore.

« Quand viendra le matin
Toutes autant que vous êtes
Vous allez y passer ! »

D’un rire de vieille sorcière
Je me suis mise à rire.
Après quoi
Bouche entrouverte
Pour cette nuit du moins il ne me restait plus qu’à dormir.

(1968)

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Noriko IBARAGI
(1926-2008)

LORSQUE J’ETAIS UNE JEUNE FILLE EN FLEUR

Lorsque j’étais une jeune fille en fleur
Les villes s’écroulaient avec fracas
A travers d’incroyables endroits
On entrevoyait parfois un bout de ciel bleu

Lorsque j’étais une jeune fille en fleur
Autour de moi beaucoup de gens moururent
Dans les usines en mer sur des îles inconnues
Et je perdis alors toute chance de me faire belle

Lorsque j’étais une jeune fille en fleur
Personne ne m’a gentiment fait présent du moindre cadeau
Les hommes ne connaissaient rien d’autre que le salut militaire
Tous partaient en laissant derrière eux leur seul beau regard

Lorsque j’étais une jeune fille en fleur
Mon cerveau restait vide
Mon cœur s’était fermé
Seuls brillaient tout bronzés mes mains et mes pieds

Lorsque j’étais une jeune fille en fleur
Mon pays a perdu la guerre
Non mais y a-t-il rien de plus bête !
Retroussant les manches de mon chemisier je me mis à arpenter fièrement la servile cité

Lorsque j’étais une jeune fille en fleur
Les radios déversèrent soudain des flots de jazz
Et prise de vertige comme en fumant une cigarette interdite
Je dévorais cette douce musique venue d’une contrée étrangère

Lorsque j’étais une jeune fille en fleur
J’étais très malheureuse
Je nageais en pleine confusion
Je me sentais affreusement triste

Aussi ai-je pris le mors aux dents bien décidée à vivre le plus longtemps possible
Tard dans sa vie n’avait-il pas peint des tableaux rudement beaux
En France, le vieux Rouault ? Eh bien je ferai comme lui !
Oui comme lui !

(1958)

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Naufrages d’Akira Yoshimura

Couverture chez Babel

Dans le cadre de mon Mois Japonais de février, j’ai lu ce roman qui faisait partie de ma pile à lire depuis quelques temps et dont la très belle photo de couverture m’attirait tout particulièrement, avec cette gracieuse jonque dans une douce lumière rose – une douceur qui ne reflète pas exactement le contenu du livre.

Note Pratique sur le livre

Éditeur : Actes Sud (Babel)
Année de publication au Japon : 1982
Année de publication en France : 1999
Traduit du japonais par Rose-Marie Makino-Fayolle
Nombre de pages : 189

Note sur l’auteur

Akira Yoshimura (1927-2006) a laissé une œuvre considérable qui a marqué la littérature japonaise contemporaine. Ses ouvrages traduits en français sont publiés aux éditions Actes Sud. (Source : éditeur)

Quatrieme de Couverture

Isaku n’a que neuf ans lorsque son père part se louer dans un bourg lointain. Devenu chef de famille, le jeune garçon participe alors à l’étrange coutume qui permet à ce petit village isolé entre mer et montagne de survivre à la famine : les nuits de tempête, les habitants allument de grands feux sur la plage, attendant que des navires en difficulté, trompés par la lumière fallacieuse, viennent s’éventrer sur les récifs, offrant à la communauté leurs précieuses cargaisons.
Sombre et cruel, ce conte philosophique épouse avec mélancolie le rythme, les odeurs et les couleurs des saisons au fil desquelles Isaku découvre le destin violent échu à ses semblables dans cette contrée reculée d’un Japon primitif.

Mon avis

Les rythmes de la nature et les activités des hommes liées aux saisons sont très présents dans ce roman et en constituent la toile de fond permanente. Ainsi, sur les quatre années décrites ici, nous voyons périodiquement se répéter les mêmes gestes pour la survie et la subsistance : pêche aux poulpes, aux maquereaux, aux encornets, mais aussi retour régulier de certains rituels religieux et cérémonies et nous sommes pris dans ces cycles routiniers d’une existence pauvre en espérance et dont les perspectives d’amélioration sont quasi inexistantes. Certes, d’année en année il ne se passe pas toujours la même chose et la saison de la pêche peut s’avérer excellente ou exécrable, avec les conséquences inévitables qui en découlent.
Dans cette vie dure et monotone, où menacent les catastrophes diverses, le seul petit espoir d’une vie meilleure est de pouvoir provoquer le naufrage d’un navire, un soir de tempête hivernale, et de s’emparer de sa cargaison. Et encore, ce méfait peut attirer sur les villageois de très violentes représailles s’ils sont découverts par les autorités ou par les propriétaires du navire échoué. Et le naufrage qui peut les sortir de la misère peut aussi, par contrecoup, les enfoncer dans un destin encore plus sinistre que celui auquel ils veulent échapper.
L’auteur développe une vision de la vie pour le moins pessimiste et sombre mais son écriture est assez envoûtante, avec la présence de certains symboles comme la couleur rouge annonciatrice de souffrance et de mort, de très belles descriptions de paysages tandis que la psychologie des personnages est réduite au minimum et s’exprime surtout par des actions utilitaires et très peu de mots.
Un beau roman dont l’atmosphère mystérieuse, un peu étrange et menaçante, et le rythme lancinant et insistant, me marqueront sans aucun doute pour longtemps !

Un Extrait page 72

À la pêche, Isaku s’interrompait de plus en plus souvent pour lever les yeux vers les lointains sommets de la montagne. La pêche au poulpe était la dernière de l’année, et dès le début de l’hiver reviendrait la saison des bateaux. Il espérait leur venue, source de richesses pour le village. L’atmosphère lourde qui régnait depuis la mauvaise campagne de pêche au poulpe deviendrait alors beaucoup plus joyeuse.
Un matin, il était en mer lorsqu’il se rendit compte qu’une légère modification de couleur s’était produite sur le sommet le plus élevé dans le lointain. Le rougeoiement des feuilles n’allait pas tarder à commencer.
Le soir en rentrant chez lui, Isaku dit à sa mère :
– On dirait que la montagne commence à rougeoyer.
Sa mère, qui était en train de fendre du bois, garda le silence et ne releva même pas la tête. Il ne sut pas si elle s’en était aperçue ou si elle n’avait pas déjà à moitié renoncé à tout espoir de visite des bateaux pendant l’hiver.
Une dizaine de jours plus tard, les sommets étaient franchement rouges et, la couleur devenant plus foncée, elle commença à s’étendre aux sommets voisins. Dans le ciel pur apparurent des nuages moutonnés et la mer devint plus froide. (…)

Kitchen de Banana Yoshimoto (roman)

Couverture chez Folio

Dans le cadre de mon Mois Japonais de février 2023, j’ai lu « Kitchen » de Banana Yoshimoto, un roman des années 80 qui a eu un très grand succès à l’époque, parmi les jeunes Japonais mais aussi dans le reste du monde.

Note pratique sur le livre

Année de Parution : 1988 au Japon, 1994 en France.
Editeur : Folio (Gallimard)
Traduit du japonais par Dominique Palmé et Kyôko Satô
Nombre de pages : 181

Note sur l’écrivaine

Banana Yoshimoto est née à Tôkyô en 1964. A l’âge de 23 ans, elle se fait connaître par son roman « Kitchen » qui s’impose dès sa parution comme un best-seller. D’autres romans, recueils de nouvelles et essais ont confirmé la place singulière qu’elle occupe dans la littérature japonaise contemporaine. (Source : éditeur)

Quatrième de Couverture

Que faire à vingt ans, après la mort d’une grand-mère, quand on se retrouve sans famille et qu’on aime les cuisines plus que tout au monde ? Se pelotonner contre le frigo, chercher dans son ronronnement un prélude au sommeil, un remède à la solitude.
Cette vie semi-végétative de Mikage, l’héroïne de Kitchen, est un jour troublée par un garçon, Yûichi Tanabe, qui l’invite à partager l’appartement où il loge avec sa mère.
Mikage s’installe donc en parasite chez les Tanabe : tombée instantanément amoureuse de leur magnifique cuisine, elle est aussi séduite par Eriko, la mère transsexuelle de Yûichi à la beauté éblouissante.
Banana Yoshimoto révèle dans Kitchen une sensibilité nourrie de paradoxes, une sensibilité dans laquelle toute une génération de jeunes Japonais s’est reconnue.

Mon humble avis

C’est un livre très agréable à lire et j’ai apprécié le côté toujours inattendu et très légèrement étrange des situations, du caractère des personnages et de leurs relations les uns avec les autres.
Plusieurs fois au cours de l’histoire, mes attentes ont été déjouées et j’aime bien être surprise de cette façon. Ainsi, je m’attendais à ce que l’héroïne tombe amoureuse du jeune homme qui l’héberge (Yûichi) et, tout au long du roman, leur relation reste sur la frontière entre l’amour et l’amitié, et ces sentiments sont très jolis et nous paraissent cohérents avec le reste de l’histoire et les tempéraments – à la fois doux et un peu froids – des deux jeunes personnages.
Il n’y a aucune situation convenue ou réflexion cliché dans ce livre, et c’est ce que j’ai le plus apprécié : l’univers de l’écrivaine est entièrement personnel, original et semble animé d’une vie authentique.
La transsexualité de l’un des personnages principaux nous est présentée comme une chose allant de soi, sans esprit militant ou sans jugement particulier (ni en bien ni en mal) mais il me semble que, dans les années 80, c’était déjà assez audacieux et rare d’aborder ce sujet dans un roman, surtout dans le Japon de l’époque (assez conservateur sur le plan des mœurs) et d’autant plus que ce personnage transsexuel est ici tout à fait bienveillant et sympathique.
L’écriture est surtout composée de phrases courtes, plutôt simples, où l’on va à l’essentiel.
Le thème principal de ce livre est le deuil et la douleur inhérente à la perte d’un être cher, la reconstruction de soi et la consolation après ce deuil, et l’écrivaine l’exprime avec beaucoup de sensibilité et de délicatesse : les personnages n’éclatent pas en sanglots et ne manifestent pas leur douleur bruyamment mais tout est suggéré subtilement, pudiquement, et cette retenue nous touche encore davantage.
Une seule chose m’a un peu troublée dans ce livre : je n’ai pas compris tout de suite qu’il se termine à la page 131 et, comme il y a un autre texte à partir de la page 132 (intitulé « Moonlight Shadow » ) j’ai cru que c’était la suite – une deuxième partie de la même histoire – et j’ai eu un long moment de confusion en voyant que les personnages ne s’appelaient plus pareil… Bref, les éditions Folio m’auraient évité ces cafouillages idiots s’ils avaient indiqué clairement sur la page de titre « Kitchen suivi de Moonlight Shadow ». Mais bon, ce n’est qu’un détail.
Un roman en tout cas très agréable à lire, doté de grandes qualités, et dont je comprends qu’il ait pu avoir autant de succès à sa parution, au Japon et ailleurs – et encore de nos jours.

Un Extrait page 33

(…)
Un jour, je suis retournée à mon ancien logement pour mettre de l’ordre dans les affaires qui y restaient.
Chaque fois que j’ouvrais la porte, je frissonnais.
Depuis que je n’y habitais plus, cet endroit semblait avoir changé de visage.
Il était sombre, silencieux, rien n’y respirait. On aurait dit que toutes les choses autrefois familières me faisaient la tête. Au lieu d’entrer en criant « Me voilà ! », j’avais presque envie de me glisser à pas de loup dans la maison en m’excusant de déranger.
Avec la mort de ma grand-mère, le temps de cette maison était mort, lui aussi.
Je le sentais, physiquement. Je ne pouvais plus rien faire. A part m’en aller, pour toujours… Je me suis retrouvée à astiquer le frigidaire, en fredonnant la chanson La vieille horloge de mon grand-père.
C’est alors que le téléphone s’est mis à sonner.
J’ai décroché. Je m’en doutais, c’était Sôtarô.
Mon petit ami d’autrefois. Nous nous étions séparés au moment où l’état de ma grand-mère s’était aggravé.
« Allô ! C’est toi, Mikage ? a-t-il dit d’une voix qui m’aurait presque fait pleurer de nostalgie.
(…)

Kyoto Song de Colette Fellous

Couverture chez Arléa

J’ai entendu parler de ce livre sur le blog de Kévin, « Comme au Japon », consacré à la culture japonaise, que vous pouvez consulter ici, si vous voulez.
Colette Fellous est une écrivaine et femme de radio française, née à Tunis en 1950.
Elle raconte ici son voyage au Japon, en compagnie de sa petite fille prénommée Elyssa, ce qui est l’occasion d’un vagabondage à travers la culture japonaise (art du haïku, gastronomie, cerisiers en fleurs, etc). Ce voyage lui permet aussi d’évoquer des souvenirs de jeunesse ou d’enfance. Le livre est illustré de photos en noir et blanc, prises au cours de ce séjour japonais par l’écrivaine elle-même.

Mon humble avis

L’écriture de ce livre n’est pas désagréable mais pas géniale non plus. Il y a pas mal de phrases qui comportent des énumérations, ce qui n’est pas forcément attrayant à mes yeux. Un certain manque de concision et même une tendance au délayage verbal m’ont un petit peu ennuyée.
Souvent, l’écrivaine parle d’éléments et de caractéristiques très – trop – connus de la culture japonaise sans ajouter de vision personnelle ou de ressenti original et elle a tendance à énoncer des choses rebattues et convenues, du déjà-vu-déjà-lu qui m’a franchement cassé les pieds.
Parfois, elle parle de choses intimes et personnelles, par exemple un abus sexuel dans son enfance ou, quelques chapitres plus loin, son accouchement où elle a failli mourir ou encore la mort de sa mère et on se demande pourquoi elle veut nous faire partager ça, quel rapport avec son voyage au Japon, qu’est-ce qu’elle veut nous dire à travers ces récits ? On reste un peu gêné et dubitatif car ça tombe là comme un cheveu sur la soupe et ensuite elle ne parle plus du tout de ces sujets.
A un moment, elle évoque le côté aléatoire des choses et j’ai pensé que, peut-être, elle avait voulu faire ici un livre avec une construction aléatoire, mais ça n’a pas suffi à me réveiller ou à me sortir de ma complète léthargie.
J’ai abandonné cette lecture 20 ou 30 pages avant la fin.

**

Voici un passage qui ne m’a pas déplu :

Un Extrait page 189

Ce soir-là, j’avais donc rencontré trois hommes. L’un a été mon amour, l’autre mon ami et le troisième aurait pu être mon mari, si j’avais dit oui. C’est juste un exemple. Un exemple de ce qui pouvait à tout moment se glisser dans un roman, sans prévenir, de façon purement aléatoire, une histoire qui m’avait fait signe alors que, sous la pluie fine, je traversais avec Lisa le carrefour Hyakumanben pour acheter des confiseries aux noix. Claude était un maître de la physique théorique et des mouvements aléatoires, ses travaux ont marqué l’avancée de la recherche au-delà de la France. Ce soir-là, il avait joué sa vie et mis en pratique l’aléatoire, il ne me l’avait avoué que plus tard. Je l’avais revu une ou deux fois après la fête, nous avions dîné un jour ensemble et en me raccompagnant en bas de mon immeuble, dans la voiture, les phares et le moteur éteints, il m’avait demandé de sa belle voix grave si je ne voulais pas l’épouser. Il était timide mais il s’était lancé, moi aussi j’étais timide. C’était si incongru que j’ai ri, un peu gênée, je pensais que c’était une blague. (…)

La Petite Pièce hexagonale de Yôko Ogawa

Couverture chez Babel

Note pratique sur le livre

Editeur : Actes-Sud (collection Babel)
Traduit du japonais par Rose-Marie Makino-Fayolle
Date de publication au Japon : 1991 (en France 2004)
Nombre de Pages : 110

Note biographique sur l’autrice :

Yôko Ogawa, née en 1962, se consacre à l’écriture dès la fin de ses études de Lettres. Admiratrice d’auteurs comme Murakami, Tanizaki, Kawabata, elle apprécie aussi Paul Auster dont le roman Moon Palace l’influença. Elle remporte le prestigieux Prix Akutagawa pour son roman La Grossesse en 1991, puis de nombreux autres prix (Tanizaki, Izumi, etc.). Traduite dans le monde entier, l’œuvre de Yôko Ogawa est particulièrement populaire en France. (Source : Wikipédia)

Quatrième de Couverture

Dans les vestiaires d’une piscine, une jeune femme est soudain attirée par une inconnue pourtant banale, effacée et silencieuse. Quelques jours plus tard, elle croise à nouveau l’inconnue qui marche dans la rue accompagnée d’une vieille dame et, fascinée, elle les suit à travers la ville jusqu’à une loge de gardien au milieu d’un parc. A l’intérieur, les deux femmes sont assises sur des chaises, elles semblent attendre leur tour. La plus âgée se lève, entre dans une haute armoire hexagonale : la petite pièce à raconter…
Etrange et obsédante, cette courte histoire fait appel à la poésie et à l’imaginaire pour évoquer les mystères de l’introspection, de la confession et de la psychanalyse.

Mon avis très subjectif

On retrouve dans ce court roman (ou longue nouvelle) des thèmes récurrents chez Yôko Ogawa : la piscine et l’élément aquatique, associés aux femmes enceintes qui s’y baignent, ce qui est bien sûr très symbolique du liquide amniotique et du retour dans le ventre maternel. Et ce n’est donc pas fortuit si l’héroïne rencontre dans une piscine le personnage de Midori, qui va l’initier aux secrets de la petite pièce hexagonale, qu’ils appellent aussi « pièce à raconter ». Du point de vue symbolique, encore, Midori est présentée comme une femme discrète, silencieuse, effacée, à la fois gardienne de certains rites immuables et accompagnatrice d’une évolution intérieure, comme une sorte de prêtresse mystérieuse, et elle représente assez bien la figure complexe du psychanalyste idéal.
Il est intéressant de voir que, pour accéder aux bâtiments désaffectés où se trouve la petite pièce à raconter, l’héroïne est obligée de traverser un parc très touffu qui donne plutôt l’impression d’une épaisse et ténébreuse forêt, dans laquelle elle se perd à chaque fois, avec angoisse. Et c’est au moment où elle désespère de jamais retrouver le chemin des bâtiments que la lumière apparaît et qu’elle débouche à l’endroit désiré. Cela m’a semblé, là encore, très symbolique du cheminement psychologique qui mène vers un début de compréhension de soi-même. Et, sans aucun doute, ce sont nos désespoirs et nos fourvoiements qui peuvent nous conduire sur la voie de l’introspection et de l’analyse de soi, et on peut dire en effet que les ténèbres indiquent la direction vers la lumière.
Il serait trop long et un peu trop systématique d’énumérer tous les autres symboles et significations allusives cachées dans ce roman (d’autant que je suis très loin d’avoir tout décrypté ou remarqué) mais, en tout cas, ces éléments étranges et mystérieux donnent à ce livre une atmosphère envoûtante, un peu magique, et le rendent extrêmement agréable à lire.
J’ai passé un bon moment de lecture !

Un Extrait page 63

Est-ce que ça va comme ça ?
J’adressai ma question à la paroi hexagonale, en levant légèrement les yeux. Je tendis l’oreille un moment, mais je n’eus pas de réponse.
C’est donc que personne n’écoute, n’est-ce pas ? Bon, alors, je continue.
En fait, ça ressemble à un monologue, c’est ça ? Une boîte où l’on peut murmurer tout seul autant qu’on veut, dans le style qu’on aime, sans se soucier du regard des autres. En pensant de cette façon, je peux l’admettre jusqu’à un certain point. De temps en temps dans le métro ou la salle d’attente à l’hôpital, il m’arrive d’apercevoir quelqu’un qui monologue sans arrêt, l’air tout à fait sérieux. En général les gens n’aiment pas ça et le mettent à l’écart. Si bien qu’autour de lui, il se forme un espace qui n’est pas naturel. Si on enfermait cette personne avec son espace à l’intérieur de la petite pièce à raconter, je suis sûre qu’elle serait très contente. Plus on est à l’étroit, plus on entend nettement sa propre voix, et l’on doit certainement avoir l’impression de se révéler dans la vérité de son coeur. C’est ce qu’il y a d’agréable dans le monologue.
Bon, je vais parler de moi. Si l’on ne parle pas de soi, je pense que ça n’a pas de sens d’entrer ici. Peut-être.

Le Hibou et la baleine de Patricia Plattner


Ce film de Patricia Plattner date de 1993, il s’agit d’un documentaire sur l’écrivain suisse et francophone Nicolas Bouvier (1929-1998), qui est essentiellement composé d’entretiens, entrecoupés parfois de quelques musiques et/ou peintures.

Note technique sur le film :

Nationalité : suisse.
Langue : français (possibilité de sous-titres anglais, allemands ou espagnols)
Durée : 57 minutes.
Couleur.
Genre : documentaire

Note sur la réalisatrice :

Patricia Plattner (1953-2016) est une réalisatrice, scénariste, photographe, historienne de l’art suisse (genevoise). Elle a réalisé aussi bien des documentaires que des longs-métrages de fiction, comme Les petites couleurs (2002) et Bazar (2009). Elle avait créé en 1985 sa propre maison de production (Light Night Production).

Quatrième de Couverture :

Nicolas Bouvier, un grand poète, a aussi toujours été un voyageur et un chasseur d’images, et ses textes sur ses séjours en Asie et à l’ouest ont une ampleur et un rythme sans commune mesure avec les récits hâtifs d’un globe-trotter pressé. Le personnage, fascinant par ses dons et ses facettes multiples, était iconographe par goût de la photographie et des bibliothèques, mais aussi pour gagner sa vie. Dans ce film, tourné en 1992, il s’exprime sur sept thèmes au centre de son œuvre, paroles ponctuées par des images emblématiques et des musiques aimées.
En parallèle au film, un livre a été publié sous le même titre aux éditions Zoé. Nicolas Bouvier avait toujours souhaité éditer un tel album de textes et d’illustrations, comme un livre d’enfant, où l’on découvrirait les images qui ont accompagné son œuvre.

Mon humble avis :

Quand on aime le style de Nicolas Bouvier, très poétique, subtil et plein de notes d’humour, et quand on a apprécié quelques uns de ses livres, il est très intéressant de regarder ce documentaire où le grand écrivain voyageur se livre avec sincérité et simplicité. Il nous reçoit dans son bureau et nous dévoile quelques uns de ses objets usuels, comme sa machine à écrire, son environnement domestique et son décor quotidien.
Pendant qu’il nous parle, on le voit fumer cigarette sur cigarette et beaucoup tousser, et on ne peut pas s’empêcher de penser que le film a été tourné seulement cinq ans avant sa mort et qu’il n’a déjà pas l’air en très bonne santé, les traits du visage creusés et marqués , bien qu’il conserve toute son acuité et sa vivacité intellectuelles.
Il parle à bâtons rompus de toutes sortes de sujets : de sa passion pour la musique – j’ignorais qu’il avait failli devenir musicien professionnel, ayant un très haut niveau pianistique – de tout ce que les voyages lui ont appris – il dit par exemple qu’il n’aurait sans doute pas écrit s’il n’avait pas voyagé, ce que j’ai un peu de mal à imaginer – il nous parle de la mort de son père, de sa rencontre avec sa femme, de la naissance de ses enfants, et de tas d’événements intimes, avec un regard toujours tendre, où l’amusement se mêle parfois à la tristesse.
Il parle aussi de ses livres : L’Usage du monde (1963), Chroniques japonaises (1975), Le Poisson-scorpion (1981), Journal d’Aran (1990) et il donne sur chacun d’eux un éclairage très intéressant et inattendu sur leur contexte d’écriture, mais sans s’étendre trop longuement sur le contenu des livres eux-mêmes (sans doute pour nous donner envie de les lire).
Un documentaire intime et attachant, qui montre Nicolas Bouvier sous un jour chaleureux et sympathique (tel que ses écrits nous le laissaient imaginer) et qui donne vraiment envie de partir plus profondément dans l’exploration de son œuvre.

Bilan de mon Mois « Femmes Japonaises » et une petite surprise de clôture

Voilà, mon Mois Thématique sur « les Femmes Japonaises » est terminé et j’espère qu’il vous a plu.
Quant à moi, j’étais très contente de découvrir ces écrivaines et poétesses, dont la plupart m’ont étonnée, ravie, séduite.

Un petit récapitulatif de mes différents articles publiés pour ce mois s’impose :

Cinéma :
Voyage à Yoshino de Naomi Kawase

Poésie :
Des haïkus de la poétesse Chiyo-ni
Des haïkus de poétesses japonaises célèbres
Des haïkus de Poétesses contemporaines parus dans la revue « Ashibi »

Romans :
L’été de la sorcière de Nashiki Kaho
« J’adore » de Mieko Kawakami
« L’Usine » d’Hiroko Oyamada

Nouvelles et Récits :
Journaux des dames de cour du Japon ancien
« Les Paupières » de Yôko Ogawa

Et, enfin, je ne pouvais pas ne pas parler d’une des femmes japonaises les plus célèbres du 20ème siècle, l’artiste (plasticienne, chanteuse, musicienne, etc.) Yôko Ono, née en 1933, épouse (à partir de 1969) et muse de John Lennon (né en 1940 à Liverpool, fondateur des Beatles, assassiné en 1980 à New-York), dont vous aurez peut-être envie d’écouter quelques chansons rock avec l’album « Fly » de 1971, produit par John Lennon et par elle-même.

Quelques poétesses de la revue Ashibi (haïkus du 20è siècle)

Couverture chez Points

Quand je me suis lancé le défi de consacrer un Mois Thématique aux Femmes Japonaises, je pensais pouvoir trouver assez facilement des recueils de poétesses traduits en français, de la même manière qu’on trouve sans difficulté des œuvres de romancières japonaises publiées chez un grand nombre d’éditeurs français. Mais je me suis aperçue que ce n’était pas si simple…

Quoi qu’il en soit, je vous présente aujourd’hui des haïkus de poétesses japonaises du 20è siècle, que j’ai trouvés dans l’anthologie « La lune et moi« , parue chez Points en version bilingue, en 2011, et qui proviennent tous de la plus prestigieuse et célèbre revue japonaise de haïkus, Ashibi (L’Azalée), qui sont ici traduits du japonais par Dominique Chipot et Makoto Kemmoku.

Comme je n’ai trouvé aucune notice biographique sur les haïjins présentées – pas même leurs dates de naissance – je vous livre seulement les poèmes signés du nom de leurs autrices.

PRINTEMPS

Les couleurs de l’arc-en-ciel
dans la mousse du shampooing –
Le printemps commence.

Chizuko Tokuda

**

La neige printanière
se répand
pareille à des mots doux.

Fumiko Araï

**

L’aube –
Par terre, des étamines
dessinent un chemin

Sachiko Itami

**

D’une épine brillante
de mandarinier sauvage
naît un papillon.

Machiko Okamoto

***

ETE


La pivoine à peine ouverte,
le présent
est déjà passé

Yuki Honda

**

Nouvelles feuilles de cerisiers –
Mes anciens amis se rassemblent
sur les ruines de notre école

Haruo Mizuhara

**

Ce garçon, ayant traversé
des roseaux verts en courant,
devient vent

Yuki Honda

**

L’irrégulière réflexion
d’un verre vénitien –
Fin d’été

Oriko Nishikawa

***

AUTOMNE


Chute des feuilles de ginko –
Tranquillement
le ciel forcit

Chieko Watanabe

**

Le bruit de l’eau,
éclairé par la lune,
plus intense

Sueko Fuji’i

**

Je donne à mon époux
la pomme cueillie tout à l’heure.
Suis-je une enfant d’Eve ?

Yôko Ichigatani

**

Cigales d’automne –
Les lettres d’un défunt
restées dans le porte-lettres

Setsuko Shimizu

***

HIVER

Quinte de toux –
Ma solitude dans la nuit
plus profonde

Fumiko Araï

**

La corde à sauter
fait tournoyer
le soleil couchant.

Chizuko Tokuda

**

Jusqu’à ce que mes cils
gèlent
je lève les yeux vers l’aurore.

Yôko Ichigatani

**

Je travaille un peu
puis paresse plus longtemps –
Les jours rallongent…

Kazuko Senju

**