Deux de mes derniers poèmes en prose

Le premier de ces poèmes est paru dans l’excellente revue Cabaret, numéro 31, une publication dirigée par Alain Crozier et qui est particulièrement favorable aux voix féminines.
Le deuxième poème date de septembre 2019.
Merci de respecter les droits d’auteur de ces textes.

***
Paysage Suburbain

Les feuillages murmurent au vent de doux secrets et le chat fronce les sourcils devant l’injustice ambiante.
Entre ton visage et le mien il y a la nudité des sentiments et le fin réseau des regards entremêlés.
Depuis que tu es au centre de mon univers, je ne connais plus ni le froid du manque ni la brûlure du désespoir.
L’arbre en forme de flamme danse dans la tiédeur de l’automne, et renverse les pétales du soleil sur la terre mauve.

***

Charabia

Nos paroles ne sont guère que des fanfreluches colmatant mal les brèches et fissures de nos cages à penser, même si je rêve d’atteindre l’os du verbe, la moelle de la langue, à laquelle décidément il faudrait faire rendre gorge, autant dire que l’Impensable n’est plus très loin. Comme nous sommes futiles, nous autres, êtres humains ! Nous aimons enrober la substance active du néant dans l’excipient notoire de la logique binaire. La Raison raisonnante, raisonnable et raisonneuse résonne si douloureusement dans nos cœurs qu’on ne saurait lui donner raison.

***

Marie-Anne Bruch

Une histoire d’amour et de ténèbres d’Amos Oz

J’ai lu ce livre sur les conseils de Strum, blogueur expert en cinéma, dont je vous invite à découvrir les excellentes chroniques ici.

Ce livre autobiographique d’Amos Oz (1939-2018), écrit au début des années 2000, retrace non seulement la jeunesse de l’auteur et son histoire familiale oscillant entre tragique et comique, mais aussi tout un pan de l’histoire du peuple juif au 20ème siècle, avec notamment la difficile création de l’Etat d’Israël, le conflit avec les Palestiniens et les autres pays arabes, etc.
Ainsi, la grande Histoire se mêle sans cesse à la vie du jeune Amos et marque profondément son éducation.
Ses parents, originaires d’Europe de l’Est et qui vivaient à Vilna dans les années 30, ont fui les persécutions et les rafles juste à temps et ont pu sauver leur vie, mais d’autres, oncles, neveux, ou amis, ont été tués, imprimant dans cette famille le traumatisme et le deuil.
Pour décrire cette famille, je dirais qu’elle est essentiellement composée d’érudits, d’universitaires spécialistes de littérature européenne, philologues, maîtrisant des dizaines de langues, et ne vivant que pour et par les livres. Tous ou presque, fréquentent des écrivains célèbres, poètes, et même un prix Nobel de Littérature (Agnon), des penseurs, et toutes sortes d’intellectuels.
Mais le jeune Amos tournera le dos à cet héritage très littéraire en allant travailler comme agriculteur dans un kibboutz, avant de finalement renouer avec la culture de son enfance et se vouer à l’écriture.
Surtout, ce livre retrace le destin de ses parents, et s’interroge sur les raisons du suicide de sa mère, alors qu’il avait douze ans, un suicide précédé par une longue et mystérieuse maladie que nul remède ne pouvait guérir.
Ce suicide plane sur l’ensemble de cette histoire, comme une hantise irrémédiable, et, sans chercher explicitement des causes, l’auteur laisse transparaître une vie et une âme blessée.
Malgré ces aspects sombres et dramatiques, ce livre ne se départit jamais d’un humour et d’une sensibilité tout à fait merveilleux.

Un chef d’oeuvre, que je recommande !

Extrait page 324

(…) Nous craignions de produire sur les goys une mauvaise impression, le ciel nous en préserve, et qu’alors ils se fâchent et nous fassent des choses terribles auxquelles mieux valait ne pas penser.
Mille fois, on enfonçait dans la tête des enfants juifs qu’ils devaient bien se conduire avec eux, même s’ils étaient grossiers ou ivres, qu’en aucun cas il ne fallait les mécontenter, qu’il ne fallait pas discuter avec un goy ni trop marchander avec lui, qu’il ne fallait pas l’énerver ni relever la tête, et toujours toujours leur sourire et leur parler posément, pour qu’ils ne disent pas que nous faisons du bruit, et toujours leur parler dans un polonais le plus pur et correct possible, pour qu’ils ne puissent pas dire que nous leur polluons leur langue, mais pas trop châtié non plus, pour qu’ils ne disent pas que nous avons le toupet de viser trop haut, que nous sommes âpres au gain, et qu’ils ne disent pas non plus que notre jupe est tachée, à Dieu ne plaise ! (…)

AVIS DE RECHERCHE SUR LOIRE-ATLANTIQUE

Pour aider le blogueur Max-Louis Marcetteau dont le frère a disparu il y a quelques jours, je publie à mon tour l’avis de recherche et vous invite à le diffuser également si vous le pouvez.

Le dessous des mots

Ce n’est pas le genre de ce blog, mais voilà … la famille avant tout.

Mon frère aîné a disparu depuis le 10 janvier 2020.

Toutes les recherches sont restées vaines, pour l’instant.

Je souhaite faire partager ce flyers sur les réseaux et si vous pouvez le faire aussi faites-le.

Vous remerciant par avance de votre aide.

Max-Louis MARCETTEAU

MS_avis_recherche_ MS_avis_recherche_

Voir l’article original

Deux poèmes de Pascal Ulrich


J’ai trouvé ce poème dans le recueil Une visite au D.15 (l’hôpital des malades imaginaires) paru aux éditions du Contentieux en septembre 2019.
Pascal Ulrich (1964-2009) est un poète, peintre, dessinateur, revuiste, éditeur.

***

Je me glisse dans les draps du néant
comme dirait madame la métaphore
ce qui n’est pas sans risque
entendez ceci
ce n’est pas sans risque
de tout envoyer choir
dans un grand bruit
tantôt de silence
tantôt de fanfare free-jazz
car sachez aussi que l’angoisse existe
même si ce n’est que du cinéma
mais tout de même
tout de même
la mort existe
même si ce n’est qu’un mirage

***

La nuit
tous les psychiatres sont gris
mais ne croyez pas
qu’à l’aube
ils seront roses

***
PASCAL ULRICH

***
Vous pouvez vous procurer ce livre en contactant Robert Roman (Les éditions du Contentieux) 7 rue des Gardénias – 31100 Toulouse.

***

Lettres d’un athée à un ami croyant, de Michel Baglin

J’ai lu ce livre par curiosité pour l’oeuvre de Michel Baglin, décédé durant l’été 2019, et avec lequel j’avais eu de brefs contacts grâce à sa revue en ligne Texture.
J’aimais (et j’aime toujours) sa poésie, pour avoir lu son beau recueil, Un présent qui s’absente, et je souhaitais découvrir également cet essai sur le fanatisme religieux, sur la laïcité et la manière de « vivre ensemble ».

Ces lettres d’un athée à un ami croyant débutent en janvier 2015 – date des attentats de Charlie Hebdo puis de l’Hyper-Cacher. Michel Baglin, mortifié et révolté par ces événements et par certaines réactions tièdement conciliantes, rappelle quelques principes clairs et sans compromis sur la liberté d’expression, qui ne saurait être limitée, et la nécessaire critique des religions et de toute croyance quelle qu’elle soit.
Il estime que, dans nos démocraties, le respect est dû aux individus et non pas à leurs croyances, sinon ce serait la porte ouverte à toutes les dérives théocratiques.
Il nous éclaire sur la nature essentiellement hégémonique et intolérante des religions, en s’appuyant, entre autres, sur les idées des Lumières comme celles de Diderot ou de Voltaire.
Il nous parle de la tendance contemporaine à tout confondre dans un même flou réprobateur : racisme, islamophobie, religiophobie, alors qu’il ne les met pas du tout sur le même plan.
Il réfléchit également à propos du nationalisme et de la défense d’une identité nationale, déplorant qu’on ait abandonné ces questions à l’extrême-droite, car elles méritent selon lui davantage d’attention et de considération qu’un rejet impulsif et sans nuance.

J’ai trouvé cet essai très intéressant, cohérent et clair dans ses explications, usant par moments d’un ton un peu trop didactique, mais qui a l’avantage de bien préciser les choses et de ne pas perdre le lecteur en cours de route.
Il n’hésite pas à prendre le contrepied de certaines idées répandues et d’affronter les tabous de notre époque, avec lucidité.
C’est toujours agréable de lire la pensée d’un homme indépendant et ouvert d’esprit, cultivé et honnête dans ses positions.

**

Extrait page 29

(…) qu’est-ce donc que ce « respect de l’autre » ? En quoi consiste-t-il ?
S’il s’agit de le laisser dire ce qu’il veut, y compris les pires inepties, je suis d’accord. Mais chez les bigots, le respect a toujours des relents d’interdit. Ce qu’il exige, le pieux, c’est qu’on sacralise ses croyances, qu’on les protège par une bulle de toute critique.
 » Respectez ma foi ! », voilà l’injonction.

Non !

Depuis quand faudrait-il respecter a priori les religions, établies ou pas ? Ce n’est guère ce que nous ont appris les philosophes ni l’école de la République, qui fonde son enseignement sur l’esprit critique. (…)

***

Ce livre avait paru aux éditions Henry en 2017, il est illustré par des dessins de Jean-Michel Delambre.

Deux Poèmes d’amour de Lucien Becker

Grand coup de cœur pour ce recueil de poèmes que j’ai trouvé tout à fait par hasard en librairie et qui contient de magnifiques textes.
Je consacrerai d’autres articles à ce poète qui me parait tout à fait merveilleux, aussi bien sur le thème de l’amour que sur la nature, la solitude, ou la condition humaine.

Voici la note de l’éditeur au sujet de l’auteur :
Lucien Becker (1911- 1984) publie ses premiers poèmes, qui paraîtront dans des revues, alors qu’il est au lycée. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, il devient chef de service au ministère de l’Intérieur et aide de nombreux juifs à fuir le pays, puis se lie au maquis du Vercors. Il publie son dernier recueil, L’Eté sans fin, en 1961.

Rien que l’amour (Poésies complètes de Lucien Becker) est paru chez La Table ronde, dans la collection La Petite Vermillon en 1997, réédité en 2019.

***

page 139

Sur ton corps lisse de caillou
mes mains vont, forêts en liberté,
comme vers des sommets d’où je retombe,
source altérée de soleil.

Ton cœur est si proche de mon cœur
que nos artères se mêlent les unes aux autres
et ne retrouvent plus à nos fronts qu’une seule tempe
pour faire battre l’espace.

Bateau venu de la haute mer,
je vais très loin au fond de tes plages
et je me renverse dans les fougères
qui naissent de ton corps entr’ouvert.

Lorsque nous n’avons plus pour respirer
que l’air écrasé dans nos baisers,
le jour qui nous sépare a beau faire,
il n’arrive pas à être aussi nu que toi.

***

page 108

Je t’aime comme on aime un beau jour d’été,
immobile et très haut entre le matin et le soir.
Je pense à toi d’une façon tellement forte
que ton absence bat en moi comme une porte dans le vent.

Seule, maintenant, une mémoire aveugle me rappelle
les caresses dont ton corps enfermait mon corps
comme dans des forêts infranchissables,
mais elle ne peut me rendre le poids de ta chair.

Je te cherche en moi comme dans une ville déserte
et pourtant à chaque instant je te rencontre
comme la terre à chaque pas rencontre des sources
mais j’ai froid sans la chaleur de tes mains.

Et ta voix, ta voix qui me faisait vivre
comme la flamme fait vivre un brasier
ta voix n’est nulle part, même pas sur ma bouche
à laquelle elle se mêlait jusqu’au silence des baisers.

LUCIEN BECKER

Quelqu’un de Robert Pinget


J’ai lu ce roman car il m’a été conseillé par mon ami le poète Denis Hamel qui m’a aussi prévenue de bien m’accrocher au début car ce n’est pas une lecture facile, et effectivement ce fut un judicieux conseil.
Ce roman a été écrit dans les années 60 et publié aux éditions de Minuit, il s’inscrit dans la vague du Nouveau Roman.

Dans ce livre, un narrateur s’acharne à essayer de raconter de manière exhaustive une de ses journées parmi les plus banales, sa vie quotidienne de son lever à son coucher et, comme il n’a pas très bonne mémoire il doit s’y reprendre à plusieurs fois pour retrouver les détails, les faits marquants et les personnes qu’il a croisées.
Ce narrateur est un homme sans doute déjà un peu âgé, désabusé, maniaque, avec un fond d’aigreur et de mélancolie, peut-être même de désespoir.
Il dirige depuis dix ans avec un associé une pension de famille où logent une dizaine de locataires, généralement vieux, pauvres et un peu mesquins.
Il cherche depuis le matin un bout de papier indispensable à ses travaux de botanique car il aime herboriser dans la campagne.

Mon avis :

C’est un long discours décousu et chaotique dans lequel nous sommes entraînés. Pendant le premier tiers du livre, je me demandais où tout cela menait, je faisais des hypothèses et je suis partie plusieurs fois sur des fausses pistes, en imaginant qu’il allait se produire des drames ou des incidents.
Par la suite, on commence à vraiment se repérer dans l’histoire, les lieux, les personnages et tout devient beaucoup plus clair et cohérent, mais il faut accepter cette confusion initiale, ce que le lecteur n’est pas forcément disposé à faire a priori.
On s’aperçoit finalement que ce roman aborde des sujets extrêmement divers et riches : le temps, la vieillesse, les relations humaines, le bonheur et la solitude, la monotonie et l’ennui de l’existence, …
Il y a par ailleurs beaucoup de traits humoristiques, des jeux de mots, un sens de l’absurde et du ridicule, des situations un peu pitoyables mais amusantes.
Malgré tout, en refermant la dernière page, c’est un sentiment de tristesse qui l’emporte.
J’ai bien aimé ce livre et le relirai certainement pour mieux comprendre le premier tiers.

Voici un extrait page 148-149

(…) Je n’ai plus besoin de dire que le mois de juillet me fait rendre l’âme. On dit que c’est souvent le cas pour les personnes qui sont nées ce mois, et c’est mon cas. Je me réjouis de voir venir le mois d’août qui ne fait presque pas de différence et ensuite c’est septembre, l’été est fini et on regrette bien l’été. C’est un peu comme la salade, je ne sais plus si j’aime l’été. Je sais que je suis malade en juillet, comme je le suis en ce moment, il faut bien admettre que je suis malade et que des fois je me sens mieux en septembre mais c’est de nouveau la charrue à chien comme on dit qui recommence, ils rentrent tous de vacances et c’est pire qu’en été. Je devrais pouvoir arriver à trouver si je suis moins malade en septembre qu’en été mais ça serait difficile. Il faudrait que je sois en même temps en juillet et en même temps en septembre pour pouvoir comparer.(…)

Deux poèmes de Richard Rognet


J’ai trouvé ces deux beaux poèmes dans le recueil Dans les méandres des saisons, paru chez Gallimard en 2014.
Bien qu’on ne puisse parler de poésie classique à leur sujet, puisque le poète n’utilise ni la rime ni les mètres mesurés, on retrouve néanmoins dans ces poèmes une organisation des vers en strophes, parfois même en sonnets, et des rythmes fluides, sans heurts.
J’ai apprécié la présence de la nature et de la nostalgie à travers ces poèmes, le poète nous emmène sur les traces de ses promenades et de sa tendre mélancolie, marquée par les deuils et l’appel aux souvenirs.

Voici deux poèmes qui m’ont particulièrement touchée :

page 20

Il y a autant de brumes sous nos paupières
que sur les jardins d’octobre. Nulle clarté
ne descend des montagnes, les sapins presque
noirs retiennent dans leurs branches le peu

de lumière que le ciel dénoue vaguement sur
le monde. A quelle distance sommes-nous des
précieuses paroles qui nous réconfortèrent
et firent nos beaux jours ? Qui se pencha

sur nous avant de disparaître ? Les souvenirs
sont si fuyants, si fragiles parfois qu’ils
semblent détachés de notre vie – notre vie

que le temps accable peu à peu, ne laissant
de notre présence qu’un tout petit reflet que
le brouillard d’octobre avale sans le voir.

***

page 48

Sais-tu comment tu dois faire pour
ne pas t’abîmer dans les grands trous
de ta mémoire ? Tu le sais. En ne
fuyant jamais la solitude qui éclaircit
pour toi le passage des heures, en

aimant la franchise des pluies matinales
qui taquinent les fleurs sans les
froisser et sans déranger les vivantes
ombres que laissent tes poèmes, parmi

les ombres un peu fanées de tes parents
disparus. Aujourd’hui, parce qu’un
merle vient de se taire, à cause
d’un nuage qui obscurcit subrepticement

le ciel, tu entends s’en donner à cœur
joie tous les merles de ton enfance
qui, eux, comblent à merveille
les creux de ton infidèle mémoire.

***

RICHARD ROGNET

Bonne Année et Gloria Mundi de R. Guédiguian


Je vous souhaite à tous une très belle et très heureuse année 2020 !
Paix, santé, amour et poésie pour chacun !

Ce jour de l’an est l’occasion de vous annoncer un nouveau rendez-vous mensuel :
à partir d’aujourd’hui, le premier jour de chaque mois sera marqué par un article cinéma : film récent ou plus ancien, français ou étranger, connu ou plus confidentiel …
J’espère en tout cas pouvoir vous parler de films intéressants, qui m’auront marquée d’une manière ou d’une autre.

Je commence dès ce premier janvier ce nouveau rendez-vous Cinéma avec le tout dernier film de Robert Guédiguian, sorti en décembre 2019, Gloria Mundi.

Le Synopsis vu par Wikipedia :

Daniel sort de prison où il était incarcéré depuis de longues années et retourne à Marseille. Sylvie, son ex-femme, l’a prévenu qu’il était grand-père : leur fille Mathilda vient de donner naissance à une petite Gloria.
Le temps a passé, chacun a fait ou refait sa vie…
En venant à la rencontre du bébé, Daniel découvre une famille recomposée qui lutte par tous les moyens pour rester debout. Quand un coup du sort fait voler en éclat ce fragile équilibre, Daniel, qui n’a plus rien à perdre, va tout tenter pour les aider.

Mon Avis

Voici un film très engagé à gauche, qui dénonce une société gangrenée par l’argent, où le monde du travail ressemble de plus en plus à une jungle dépourvue de toute règle et où règne la violence du chacun pour soi et des rapports de force frontaux. Même le cercle familial est contaminé par cette brutalité et les rapports entre parents-enfants et, pire encore, entre sœurs-beaux-frères ne font que refléter l’esprit de tromperie, de haine, de domination que l’on trouve ailleurs dans la société.
Macron est clairement mis en cause dans l’une des dernières scènes du film, où le personnage le plus odieux de la famille – Bruno, excellemment interprété par Grégoire Leprince-Ringuet – se réclame des valeurs macronistes dans un discours assez glaçant.
Ce film s’articule en fait sur trois couples : les « gentils » sexagénaires (Darroussin et Ariane Ascaride) qui font ce qu’ils peuvent pour s’en sortir et essayent d’aider leurs enfants quand ils le peuvent. Les « méchants » trentenaires (Leprince-Ringuet et Lola Naymark) qui n’ont pas d’autre valeur que l’argent et semblent représenter des sortes de Thénardier contemporains, cyniques et sans aucun scrupule. Et puis le troisième couple (Robinson Stévenin, Anaïs Demoustier), ni méchant ni gentil, représente ceux qui subissent le monde actuel de plein fouet, qui se font malmener et écraser par un système plus fort qu’eux.
Le personnage de Daniel, repris de justice au grand cœur, est une sorte de Jean Valjean des temps modernes, héros solitaire, grand-père attentionné et père protecteur. Il n’a jamais travaillé de sa vie et est resté pur de toute considération égoïste ou mercantile. Il écrit des haïkus, activité désintéressée et éthérée par excellence. La société n’a rien prévu pour sa réinsertion et il finira par choisir délibérément le sacrifice de sa liberté, pour le bien de sa famille.
Un film qui accumule peut-être un peu trop les malheurs et déconvenues sociales de toutes sortes, mais qui se révèle assez convaincant dans son propos et par moment très émouvant par la défense d’un humanisme envers et contre tout.