Une belle anthologie poétique aux éditions de la Lune bleue

La poète, peintre et éditrice Lydia Padellec a eu l’aimable idée de m’inviter à participer à une anthologie poétique – un grand merci à elle !
Ce livre est dédié à notre ami poète Gilles Cheval (1973-2023).
Parue en mars 2024 aux éditions Lune bleue/Trouées Poétiques, cette anthologie s’intitule Tous ces visages au creux des paumes et elle réunit 39 poètes contemporains.
Renouant avec l’art de la carte postale, ces 39 poètes ont envoyé à Lydia des poèmes manuscrits, parfois accompagnés de dessins ou de peintures, par la poste.

Si vous souhaitez en savoir plus sur cette anthologie, rendez-vous sur le site des éditions de la Lune Bleue en suivant ce lien.

Pour tout renseignements supplémentaires et commande :

Contacter l’éditrice via ce mail : editionslunebleue@yahoo.fr ou le formulaire de son site en page Contact.

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Voici la présentation de ce livre par l’éditeur

La nouvelle anthologie Tous ces visages au creux des paumes est parue en mars, coéditée par La Lune bleue et les Trouées poétiques. Elle réunit 39 poètes, toutes générations confondues, hommes et femmes, qui ont envoyé à Lydia Padellec leur carte-poème de France, de Belgique, de Turquie, d’Allemagne et du Québec.

Liste des 39 Poètes

Nora Atalla, Gabrielle Althen, Samantha Barendson, Albertine Benedetto, Eva-Maria Berg, Louis Bertholom, Claudine Bertrand, Arnaud Bourven, Maïa Brami, Marie-Anne Bruch, Valérie Canat de Chizy, Georges Cathalo, Anne-Cécile Causse, Judith Chavanne, Marie-Josée Christien, Philippe Cloes, Chantal Couliou, Deniz Dağdelen Düzgün, Flora Delalande, Denise Desautels, Danièle Duteil, Emmanuelle Favier, Bruno Geneste, Jean-Albert Guénégan, Cécile A Holdban, Christophe Jubien, Hervé Martin, Philippe Mathy, Maximine, Roland Nadaus, Colette Nys-Mazure, Etienne Paulin, Dimitri Porcu, Diane Régimbald, Morgan Riet, Jacqueline Saint-Jean, Jean-Claude Touzeil, Mario Urbanet, Yekta.

Collage de couverture : LaOdina

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Choix de Poèmes

Page 9

Albertine BENEDETTO

L’hôtel comme une termitière

D’un mur à l’autre les bruits
cataractes gargouillis éclats
derrière chaque porte la vie
on ne saisit que
ce qui accroche
une absence de fluidité juste
de quoi imaginer
le corps nu sous le jet

boîte à fantasmes l’hôtel
toutes ces vies jetées sur un lit
fantômes habillés de poèmes
vies d’entre deux
passage
pour affaire ou pour amour
comment savoir
la vie des anonymes

au matin salle des bustes
leurs faces ont l’expression morne des cippes
ils s’en vont laissant leur clé dans des niches

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Page 19

YEKTA

Les voiles blancs du ciel
vent flottant sur les ruines de l’orage.

Négatif de l’éclair,
l’arbre brûlé dresse ses fourches noires
– malheureux messager
dévoré par le feu
dont il a porté la parole.

Et au loin, le tonnerre, encore.
Un roulement vagabond de ténèbres.

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Page 16

Marie-Anne BRUCH

Extrait de Promenades (haïku)

Cet arbre frêle
me permettra-t-il de prendre
en photo le vent ?

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Notes biographiques

* Albertine Benedetto, née en 1960, vit à Hyères. Prix Jean Follain 2018 pour Le présent des bêtes (Al Manar, 2016). Dernière parution : Sous le signe des oiseaux (L’Ail des ours, 2021)

* Yekta, né en 1979 dans la Vallée aux Loups, vit à Paris. Poète, musicien, performeur, plasticien. Dernière parution : A l’article de la naissance (La Lune bleue/ Trouées Poétiques, DUO L, 2023)

* Marie-Anne Bruch, née en 1971. Prix Arthur Rimbaud en 1996. Dernières parutions : La Portée de l’ombre (Rafael de Surtis, 2020), Excursions poétiques (Z4 Editions, 2023).

(Source : Editeurs)

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« Lettres à son frère Théo » de Vincent Van Gogh

Mon ami poète Denis Hamel m’avait conseillé depuis déjà quelques années ces lettres de Vincent Van Gogh à son frère Théo. J’ai finalement proposé ce livre à mon cercle de lecture et c’est dans ce cadre stimulant et motivant que j’ai pu me décider à le lire. J’en ai été tout à fait éblouie et émue, découvrant le grand talent littéraire de Vincent Van Gogh, en même temps que sa personnalité attachante, complexe et d’un courage assez admirable!

Cette lecture prend place, bien sûr, dans Le Printemps des artistes.

Et cette chronique rentre aussi dans le cadre du défi « un classique par mois » de l’écrivain, poète, éditeur et blogueur Etienne Ruhaud : il s’agit de découvrir chaque mois un auteur classique que l’on n’a encore jamais lu. Voici le lien vers son blog Page Paysage.

Note Pratique sur le Livre

Editeur : Gallimard (L’Imaginaire)
Date de Publication initiale : 1953 (pour cette version)
Traduit du néerlandais par Louis Roëdlant
Introduction et chronologie de Pascal Bonafoux
Nombre de pages : 567

Quatrième de Couverture

«La première lettre de Vincent Van Gogh à son frère Théo, datée d’août 1872, est envoyée de La Haye. Il a dix-neuf ans. Il ne sait pas qu’il va peindre. La dernière lettre, inachevée, Théo la trouve dans la poche de Vincent qui s’est tiré une balle dans la poitrine le 27 juillet 1890 à Auvers-sur-Oise. Des dizaines de toiles encombrent sa chambre. Presque quotidiennement, pendant dix-huit ans, Vincent a écrit à Théo. Et Vincent écrit à propos de tout à Théo comme il lui envoie toutes ses toiles. Il lui montre ce qu’il peint comme ce qu’il est. Ces lettres incomparables – des récits, des aveux, des appels – sont nécessaires pour découvrir le vrai Van Gogh devenu mythe… Il n’est pas un peintre fou. Au contraire, solitaire, déchiré, malade, affamé, il ne cesse d’écrire, lucide, comme il traque la lumière.» Pascal Bonafoux.

Mon Avis

On connaît bien sûr les grandes lignes de la biographie de Van Gogh : son désir de devenir prédicateur dans sa jeunesse, sa grande proximité avec son frère Théo qui a subvenu à ses besoins durant toute sa vie, le fait qu’il n’a vendu qu’un seul tableau de son vivant, son atelier à Arles, sa fréquentation régulière des prostituées, son amitié houleuse avec Gauguin qui s’est finie par le coupage de son oreille, ses séjours à l’asile de fous où il continuait à peindre obstinément, son amitié avec le docteur Gachet dont il a fait un célèbre portrait, son suicide par un coup de pistolet dans la poitrine. Et naturellement on retrouve la plupart de ces épisodes racontés par Vincent lui-même à travers cette correspondance, ce qui est assez passionnant car il a une grande intelligence et une sensibilité extrêmement forte, comme on s’en doute.
La chose qui revient le plus souvent dans ces lettres c’est le terrible manque d’argent : sans cesse il demande à Théo une aide supplémentaire. On voit qu’il se prive de la plus simple nourriture et de vêtements corrects pour pouvoir acheter ses pinceaux, ses couleurs et toutes les fournitures nécessaires à son activité.
Dans chacune de ses lettres ou presque il manifeste son besoin de travailler, de peindre, et l’idée qu’il doit s’appliquer à faire des progrès dans son art semble très présente chez lui.
À certains moments il se considère comme un raté et d’autres fois il pense être sur la bonne voie mais devoir encore s’améliorer. Il ne semble pas avoir conscience de son génie et mise avant tout sur un travail acharné, obsessif. Plusieurs fois revient sous sa plume l’idée qu’il n’est qu’un maillon d’une chaîne plus importante, qui dépasse son propre destin individuel. En bref, il ne pense pas être arrivé à quelque chose, lui tout seul, mais il espère que des continuateurs, après lui, parviendront à un résultat – ce qui est tout de même d’une modestie extraordinaire.
Son admiration pour Gauguin paraît très profonde, aussi bien sur le plan artistique que sur le plan amical et humain. Van Gogh nourrit l’espoir de créer un grand atelier à Arles, dans lequel il pourrait inviter plusieurs autres peintres et, ainsi, partager les frais, mais aussi travailler ensemble et se soutenir mutuellement. Il commence à mettre sur pied ce projet, en espérant pouvoir y associer Gauguin, mais tous ces projets échouent lamentablement et on a l’impression qu’il ne va jamais se remettre de cet échec cuisant.

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Un Extrait page 102

Je t’écris un peu au hasard ce qui me vient dans ma plume, j’en serais bien content si en quelque sorte tu pouvais voir en moi autre chose qu’une espèce de fainéant.
Puisqu’il y a fainéant et fainéant qui forment contraste.
Il y a celui qui est fainéant par paresse et lâcheté de caractère, par la bassesse de sa nature, tu peux si tu juges bon me prendre pour un tel.
Puis il y a l’autre fainéant, le fainéant bien malgré lui, qui est rongé intérieurement par un grand désir d’action, qui ne fait rien, parce qu’il est dans l’impossibilité de rien faire, puisqu’il est comme en prison dans quelque chose, parce qu’il n’a pas ce qu’il lui faudrait pour être productif, parce que la fatalité des circonstances le réduit à ce point ; un tel ne sait pas toujours lui-même ce qu’il pourrait faire, mais il sent par instinct : pourtant je suis bon à quelque chose, je me sens une raison d’être ! Je sais que je pourrais être un tout autre homme ! À quoi donc pourrais-je être utile, à quoi pourrais-je servir ! Il y a quelque chose au-dedans de moi, qu’est ce que c’est donc ?
Cela est un tout autre fainéant, tu peux si tu juges bien, me prendre pour un tel !
Un oiseau en cage au printemps sait fortement bien qu’il y a quelque chose à quoi il serait bon, il sent fortement bien qu’il y a quelque chose à faire, mais il ne peut le faire, qu’est-ce que c’est ? il ne se le rappelle pas bien, puis il a des idées vagues, et se dit : « Les autres font leurs nids et font leurs petits et élèvent la couvée », puis il se cogne le crâne contre les barreaux de la cage. Et puis la cage reste là et l’oiseau est fou de douleur.
« Voilà un fainéant », dit un autre oiseau qui passe, celui-là c’est une espèce de rentier. (…) 

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Un Extrait page 276
(Année 1883) 

Je vis donc comme un ignorant, qui sait une seule chose avec certitude : je dois achever en quelques années une tâche déterminée ; point n’est besoin de me dépêcher outre mesure, car cela ne mène à rien, je dois me tenir à mon travail avec calme et sérénité, aussi régulièrement et aussi ardemment que possible ; le monde ne m’importe guère, si ce n’est que j’ai une dette envers lui, et aussi l’obligation, parce que j’y ai déambulé pendant trente années, de lui laisser par gratitude quelques souvenirs sous la forme de dessins ou de tableaux qui n’ont pas été entrepris pour plaire à l’une ou l’autre tendance, mais pour exprimer un sentiment humain sincère.
Donc mon œuvre constitue mon unique but – si je concentre tous mes efforts sur cette pensée, tout ce que je ferai ou ne ferai pas deviendra simple et facile, dans la mesure où ma vie ne ressemblera pas à un chaos et où tous mes actes tendront vers ce but. Pour le moment, mon travail avance lentement – raison de plus de ne pas perdre de temps.

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Un Extrait page 411
(Année 1888)

(…)mon idée serait qu’au bout du compte on eusse fondé et laisserait à la postérité un atelier où pourrait vivre un successeur. Je ne sais pas si je m’exprime assez clairement, mais en d’autres termes nous travaillons à un art, à des affaires, qui resteront non seulement de notre temps, mais qui pourront encore après nous, être continués par les autres.
Toi, tu fais cela dans ton commerce, c’est incontestable que dans la suite cela prendra, alors même qu’actuellement tu as beaucoup de contrariétés. Mais pour moi je prévois que d’autres artistes voudront voir la couleur sous un soleil plus fort et dans une limpidité plus japonaise.
Or si moi je fonde un atelier abri à l’entrée même du Midi, cela n’est pas si bête. Et justement cela fait que nous pouvons travailler sereinement. Ah ! si les autres disent c’est trop loin de Paris, etc., laissez faire, c’est tant pis pour eux. Pourquoi le plus grand coloriste de tous Eugène Delacroix a-t-il jugé indispensable d’aller dans le Midi et jusqu’en Afrique ? Évidemment puisque et non seulement en Afrique, mais même à partir d’Arles, vous trouverez naturellement les belles oppositions des rouges et des verts, des bleus et des oranges, du soufre et du lilas.
Et tous les vrais coloristes devront en venir là, à admettre qu’il existe une autre coloration que celle du Nord. Et je n’en doute pas si Gauguin venait, il aimerait ce pays-ci ; si Gauguin ne venait pas, c’est qu’il a déjà cette expérience des pays plus colorés, et il serait toujours de nos amis et d’accord en principe.

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Un Extrait page 464
(janvier 1889)

Moi, avec ce petit pays-ci, j’ai pas besoin d’aller aux tropiques, du tout. Je crois et croirai toujours à l’art à créer aux tropiques et je crois qu’il sera merveilleux, mais enfin personnellement je suis trop vieux et (surtout si je me faisais remettre une oreille en papier mâché) trop en carton pour y aller.
Gauguin le fera-t-il ? Ce n’est pas nécessaire. Car si cela doit se faire cela se fera tout seul.
Nous ne sommes que des anneaux dans la chaîne.
Ce bon Gauguin et moi au fond du cœur nous comprenons, et si nous sommes un peu fous, que soit, ne sommes-nous pas un peu assez profondément artistes aussi, pour contrecarrer les inquiétudes à cet égard par ce que nous disons du pinceau.
Tout le monde aura peut-être un jour la névrose, le horla, la danse de Saint-Guy ou autre chose.
Mais le contrepoison n’existe-t-il pas ? dans Delacroix, dans Berlioz et Wagner? Et vrai notre folie artistique à nous autres tous, je ne dis pas que surtout moi je n’en sois pas atteint jusqu’à la moelle, mais je dis et maintiendrai que nos contrepoisons et consolations peuvent avec un peu de bonne volonté être considérés comme amplement prévalents. 

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Âme brisée d’Akira Mizubayashi

Couverture chez Folio

J’avais acheté ce roman peu après sa parution en 2019, intéressée par son contexte musical et le fait qu’il évoque la vie d’un luthier. Par ailleurs, je n’en avais entendu que de bonnes critiques et j’ai toujours un a priori positif concernant les écrivains d’origine japonaise…
C’est finalement pour le Printemps des artistes de cette année que je l’ai lu – après cinq ans de réflexion.

Le mot « âme » du titre évoque à la fois l’âme humaine mais il désigne aussi une partie interne dans la caisse de résonnance d’un violon.

Note Pratique sur le livre 

Éditeur : Folio (initialement : Gallimard) 
Date de publication : 2019
Genre : roman 
Nombre de pages : 259

Quatrième de Couverture

Tokyo, 1938. En pleine guerre entre le Japon et la Chine, quatre violonistes amateurs se réunissent régulièrement pour répéter. Un jour, ils sont interrompus par des soldats, soupçonnés de comploter contre le pays. Caché dans une armoire, Rei assiste à l’arrestation de son père. Cet événement constitue pour lui la blessure première qui déterminera son destin… Mais le passé peut-il être réparé ?

« Rei éprouva comme une brûlure d’estomac, une chaleur acide, à la fois intense et diffuse, qui vous monte à la gorge. Un énorme bloc d’émotions glacées se mettait à fondre peu à peu sous l’effet de cette chaleur intérieure dormante. Le temps se défossilisait, recommençait à trembler.» 

Mon Avis

Je ne suis pas contente d’avoir lu ce bouquin parce que c’est stupidement mauvais – j’ai eu l’impression de perdre mon temps et je n’aime vraiment pas ça !
Ça réussit à cumuler tout ce qui est le plus détestable dans le domaine littéraire : gnangnan, plan plan, superficiel, cucul, dégoulinant de bons sentiments, simpliste, convenu, cousu de fil blanc, sans aucun sens de la psychologie, sans aucune analyse un peu consistante de quoi que ce soit !
Si vous saviez comme je me suis barbée à lire ça !
En plus je suppose que l’auteur prend son lecteur pour un abruti gâteux parce que dans les derniers chapitres il se met à répéter tout le temps la même chose : il nous fait un petit résumé de tous les chapitres depuis le début du roman et il nous récapitule tout ça je ne sais pas combien de fois ! Mais ça va, je ne suis pas amnésique ! Il doit s’imaginer que plus il rabâche sa petite histoire plus le lecteur va se rendre compte à quel point elle est émouvante – mais non ! Pas du tout ! Au contraire, c’est chiant !
Pour couronner le tout l’écriture à proprement parler est absolument indigeste et pénible ! Il y a des phrases totalement inimaginables – comme je n’en avais encore jamais vu de toute ma vie ! – d’une pédanterie ignoble, d’une boursouflure grotesque, d’un lyrisme ampoulé ! D’ailleurs je vais vous en recopier une tout de suite (et pas la pire !) :
Mon âme, si j’ose parler ainsi, serait éternellement restée clouée sur une paroi rugueuse de l’ici-bas comme un cerf-volant prisonnier de l’épais feuillage d’un arbre. (page 250)
Ou encore :
Il posa son regard sur le violon mutilé. Il s’accroupit. Il le prit délicatement dans ses mains, ce corps souffrant avec les quatre cordes distendues dessinant des courbes tourmentées comme celles des tuyaux et des fils de raccordement électrique couvrant le visage d’un accidenté grave ou d’une victime d’un bombardement aveugle. (page 71)
Ça révèle un sens de la comparaison littéraire vraiment particulier et d’un goût douteux ! Totalement absurde ! A la limite du comique !
Vous l’aurez compris : je déconseille ce roman sans la moindre hésitation ! Et j’avoue être étonnée et chiffonnée qu’un tel livre soit publié par le très prestigieux Gallimard… 

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Un Extrait page 39

– Yanfen-san, vous jouez aussi du piano ? demanda Yu.
– Oui, j’en faisais régulièrement en Chine. Mais plus maintenant. Je n’ai pas de piano à Tokyo.
– La mélancolie est un mode de résistance, déclara Yu. Comment rester lucide dans un monde où l’on a perdu la raison et qui se laisse entraîner par le démon de la dépossession individuelle ? Schubert est avec nous, ici et maintenant. Il est notre contemporain. C’est ce que je ressens profondément.
Rei était déjà retourné sur son banc après avoir mangé deux ou trois sablés qu’il avait trempés dans son thé. Il était de nouveau dans son livre qu’il avait manifestement fini de lire ; il revenait sur certains passages et les relisait avec une attention redoublée. Mais il relevait la tête chaque fois que son père prenait la parole, pour prêter une attention croissante à ce qu’il avançait sans pour autant pouvoir saisir suffisamment la signification de ces mots d’adulte.
– En tout cas, continua Yu avec conviction, je crois que ça a du sens… qu’aujourd’hui, en 1938, dans un coin de Tokyo, un quatuor sino-japonais joue Rosamunde de Schubert…, alors que le pays entier tombé dans ses obsessions bellicistes semble être dévoré par le cancer nationaliste divisant les individus entre un nous et un eux…

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« De nos jours » de Hong Sang-Soo

Affiche du film

Hong Sang-Soo (né en 1960) est un cinéaste sud-coréen très réputé, dont j’entendais parler depuis longtemps sans avoir jamais vu de film de lui.
C’est donc grâce à « De nos jours« , son opus de 2023, que j’ai pu le découvrir en salle et je l’ai beaucoup apprécié.
Comme il y est question de poésie, du métier d’actrice, et des existences respectives d’un vieux poète et d’une ancienne comédienne, j’inscris cette chronique dans le cadre du Printemps des Artistes.

Note Pratique sur le film

Nationalité : coréenne (du sud)
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie en France : 19 juillet 2023
Durée du film : 1h24

Résumé de l’intrigue :

Deux histoires parallèles se déroulent dans la ville de Séoul. Dans la première, une ancienne actrice reconvertie dans l’architecture reçoit chez elle une jeune fille qui aspire à devenir actrice. Elle répond à ses questions et essaye tant bien que mal de lui transmettre son expérience. Dans la seconde histoire, un vieux poète, reconnu et admiré par la jeunesse de son pays, doit répondre aux questions d’une gentille étudiante et à celles d’un jeune homme timide et idéaliste. Mais le but principal du vieux poète est de tenir sa résolution d’arrêter le tabac et l’alcool car son médecin l’a mis en garde sur l’état de son cœur.

Mon Avis :

C’est un film au rythme assez lent mais le fait d’alterner les scènes consacrées à l’actrice et celles dédiées au vieux poète imprime une certaine cadence et aiguise l’attention du spectateur, en lui donnant l’idée de comparer ces deux histoires, de voir leurs ressemblances et divergences. Pendant une bonne partie du film je cherchais des indices montrant que l’actrice de la première histoire connaissait de près ou de loin le vieux poète de la deuxième histoire. Et, en effet, nous apprenons que le vieux poète a la manie insolite de mettre une grosse cuillérée de piment dans sa soupe aux nouilles – une manie que l’actrice possède également car elle connaissait quelqu’un qui faisait cela. Signe que, peut-être, l’un et l’autre ont pu se côtoyer dans le passé. Mais cela reste à l’état d’hypothèse jusqu’à la fin.
La principale ressemblance entre les deux histoires tourne autour de la transmission d’une expérience artistique. Transmission à la jeunesse par une personne plus mûre. Forcément, la jeunesse est pleine d’illusions sublimes et d’idéaux très purs… donc, lui transmettre une expérience revient souvent à la désillusionner, à la décevoir. Ainsi, l’actrice reconvertie finit par faire un tableau consternant de ce métier qu’elle a abandonné, au grand désespoir de la jeune fille qui se met à pleurer en l’écoutant. Face aux rêves de la jeune fille, elle oppose une réalité trop réfrigérante. Le vieux poète, quant à lui, n’a pas de réalité décevante à dévoiler mais il est quelque peu nihiliste et, en tout cas, il ne se sent pas en mesure de répondre aux grandes questions existentielles de la jeunesse. A toutes ces interrogations candides, qui se veulent très élevées et spirituelles, il oppose un aquoibonisme, la force d’une évidence, ou tout bonnement une fin de non-recevoir. Et nous nous rendons compte que la sagesse ne consiste pas à savoir répondre aux questions de la jeunesse mais, plus simplement, à ne plus éprouver le besoin de se les poser, à ne plus comprendre leur utilité.
Et, à la fin, on s’aperçoit que ce sont les deux jeunes admirateurs du vieux poète qui lui auront appris quelque chose, involontairement – c’est-à-dire à profiter des plaisirs de la vie, quel qu’en soit le prix – plutôt que le contraire, initialement attendu.
Ce film pose aussi de jolies questions sur la perte d’un être cher, à travers la disparition du chat de l’actrice, lors d’une scène étonnante.
Un très joli film, doté de jeux d’acteurs d’un naturel confondant, d’un humour extrêmement fin, et d’une intelligence désarmante.

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Des Poèmes de William Carlos Williams sur le peintre Breughel

Couverture, Editions de l’Aubier

Ces deux poèmes sur le peintre flamand du 16e siècle Breughel sont extraits des « Poèmes » de William Carlos Williams paru dans la « collection bilingue » des éditions Aubier. Mon livre date de 1981. La traduction, les notes et l’introduction sont de Jacqueline Saunier-Ollier. 

Cet article prend place dans le Printemps des Artistes puisqu’il est question de peinture. 

Et cette chronique rentre aussi dans le cadre du défi « un classique par mois » de l’écrivain, poète, éditeur et blogueur Etienne Ruhaud : il s’agit de découvrir chaque mois un auteur classique que l’on n’a encore jamais lu. Voici le lien vers son blog Page Paysage.

Biographie du poète 

William Carlos Williams (1883-1963) est un poète, traducteur, critique littéraire et romancier américain.
Il est un des grands représentants du modernisme américain, participant aux mouvements de l’imagisme et de l’objectivisme dont il est l’un des membres fondateurs. Sa poésie est d’abord proche de celle d’Ezra Pound puis s’en éloigne. Il cherche à présenter des objets pour leur valeur propre et non dans une perspective métaphysique. Il s’agit aussi pour lui de rendre compte de l’expérience américaine, alors que beaucoup d’écrivains modernistes sont exilés en Europe.
Peu connu pendant de nombreuses années, il acquiert la reconnaissance après la Seconde guerre mondiale, avec ses poèmes PatersonAsphodèle et Tableaux d’après Breughel, bien que deux de ses poèmes les plus cités, La Brouette rouge et Le Grand Chiffre, aient été publiés dès 1923. Il devient alors une référence majeure pour les écrivains de la Beat Generation.
(Source : Wikipédia)

Biographie succincte de Breughel

Pieter Brueghel ou Bruegel dit l’Ancien, parfois francisé en Pierre Brueghel l’Ancien est un peintre et graveur brabançon né vers 1525 et mort le 9 septembre 1569 à Bruxelles dans les Pays-Bas espagnols.
Avec Jan Van Eyck, Jérôme Bosch et Pierre Paul Rubens, il est considéré comme l’une des grandes figures de la peinture flamande, et l’une des principales de l’Ecole d’Anvers.
Il est le père des peintres Pieter Brueghel le jeune (1564-1636) et de Brueghel de Velours (1568-1625).
(Source : Wikipédia)

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(Page 205)

La danse

Dans le grand tableau de Breughel, Danse des Paysans,
les danseurs tournent, ils tournent et
retournent, aux accents criards et cuivrés et
nasillards de cornemuse, d’un cor et de violons
basculant leurs panses (rondes comme les chopes
épaisses dont ils endiguent les flots)
leurs hanches et leurs panses
pour les faire tourner. Gambadant et tournoyant
autour du champ de foire, tortillant de la croupe, ces
guiboles doivent être solides pour supporter des
mesures aussi endiablées, tandis que les danseurs caracolent
dans le grand tableau de Breughel, Danse des Paysans.

(1944)

Pieter Brueghel, Danse des Paysans, vers 1568, musée de Vienne

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(Page 361)

Les chasseurs dans la neige

Partout c’est l’hiver
montagnes glacées
à l’arrière-plan retour

de la chasse c’est le soir
à gauche
de robustes chasseurs ramènent

la meute l’enseigne
qui pend d’un
gond cassé est un cerf un crucifix

entre les bois la froide
cour d’auberge est
déserte seul un énorme feu

flamboie attisé par le vent alimenté par
des femmes qui se serrent
contre lui sur la droite au-delà de

la colline un damier de patineurs
Breughel le peintre
à qui rien n’échappait a choisi

un buisson meurtri par l’hiver comme
premier plan pour
compléter le tableau..

(1960)

Les Chasseurs dans la neige, 1565, musée de Vienne

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Une Lecture Commune en l’honneur de Goran

Notre ami très regretté Goran nous a quittés en avril 2021, il reste très présent dans nos pensées et dans nos cœurs.

Madame lit organise de nouveau cette année une lecture commune en hommage à cet ami qui nous a tant apporté.
S’inspirant du Top 100 de Goran et connaissant son goût marqué pour la littérature japonaise, elle nous propose de lire :

le roman de Yukio Mishima (1925-1970) : Neige de Printemps (1969)
ou, si vous préférez, un autre roman de Yukio Mishima, de votre choix !

Puis de publier sur nos blogues à la date du 15 septembre 2024 nos chroniques à ce sujet.
N’oubliez pas de signaler ensuite vos chroniques à Madame Lit, en commentaire !

Voici le résumé qu’elle nous donne de Neige de Printemps :

«Deux jeunes amants vivent leurs amours surannées au temps où le Japon tente d’assimiler les modes d’un Occident, alors que la Belle Epoque jette ses derniers feux.
Les deux protagonistes, Kiyoaki Matsugae et Satoko Ayakura, appartiennent, lui, à l’aristocratie issue des récentes transformations politiques de l’ère Meiji, elle, à une antique famille de noblesse de Cour. Prisonniers des méandres de leur propre personnage, leur passion côtoie le déshonneur, vouée à l’échec tragique.»

Pour davantage de renseignements, reportez-vous au BLOGUE DE MADAME LIT en suivant ce lien.

Le Portrait de Nicolas Gogol

J’avais déjà eu l’occasion d’évoquer ici Les Nouvelles de Pétersbourg de l’auteur romantique russe Nicolas Gogol (1809-1852), à travers quatre d’entre elles : La Perspective Nevski, Le Nez, Le Manteau et Le Journal d’un fou.
Je vous parlerai aujourd’hui d’une cinquième nouvelle – qui se trouve en réalité en troisième position dans l’ordre voulu par l’auteur et qui est également la plus longue de toutes – Le Portrait.
Son héros est un peintre, son enjeu principal est un tableau, et il y est souvent question d’art pictural, aussi cette chronique prend-elle place dans Le Printemps des artistes.

Note Pratique sur le Livre

Editeur : Actes Sud (Babel)
Première date de publication : 1842
Traduit du russe par André Markowicz
Nombre de Pages Total : 376 (+30 pages de Postface)
Nombre de Pages du Portrait : 90

Résumé du début de l’histoire

Un jeune peintre, Tchartkov, talentueux mais pauvre, travaille assidûment au perfectionnement de son art. Il suit le chemin austère de l’exigence artistique, qui n’apporte pas la fortune immédiate mais il en récoltera peut-être de beaux fruits, à force de patience et d’endurance. Il sait que certains peintres obtiennent rapidement la fortune en sacrifiant leur talent aux caprices de la mode, au mauvais goût d’un public qui préfère les couleurs clinquantes, les dessins sans vigueur et les portraits qui les flattent sans vergogne.
Un jour, dans le bric-à-brac d’un marché aux puces, parmi des tas de toiles sans valeur, ce jeune peintre découvre un tableau extraordinaire, le portrait d’un vieil homme, dont les yeux paraissent tellement vivants qu’ils semblent vous regarder réellement. Intrigué, le jeune peintre l’achète. Mais il ne va pas tarder à s’apercevoir du caractère singulier – pour ne pas dire surnaturel et inquiétant ! – de ce tableau.
Et, effectivement, la vie de Tchartkov va changer du tout au tout après cette néfaste acquisition.

Mon Avis

C’est une nouvelle construite en deux parties. Dans la première, nous avons donc l’histoire de ce jeune peintre talentueux, Tchartkov, qui achète un portrait maléfique dans un marché aux puces et qui, à partir de cet achat, va complètement gâcher son talent en se compromettant avec les facilités de la mode et les mondanités. À la fin de sa vie il aura sacrifié son art à l’appât du gain et, comme il s’en rendra compte, il nourrira une jalousie destructrice contre les plus beaux tableaux.
Dans la deuxième partie, nous avons l’histoire de ce portrait maléfique : comment et par qui il a été peint. Nous apprenons aussi que ce tableau a fait de nombreuses autres victimes que le peintre de la première partie.
Ce qui m’a semblé le plus original dans cette nouvelle c’est le mélange de fantastique, de religiosité et la réflexion très développée sur l’art. Selon Gogol, le talent artistique est un don divin et il est diabolique de le compromettre. L’artiste doit garder une âme pure et travailler sans vanité et sans esprit mercantile. Gogol ne nous cache pas sa passion pour les plus grands peintres de la Renaissance : Raphaël, Titien, Corrège. Il pense que les artistes de son temps doivent s’inspirer de ces grands modèles du passé, faire le voyage à Rome pour étudier les maîtres, et qu’il n’y a pas d’autre voie vers l’excellence. C’était d’ailleurs l’opinion la plus largement répandue au 19ème siècle et Gogol ne fait pas preuve, en cela, d’une grande originalité. Opinion qui, de nos jours, semble assez absurde et tout à fait obsolète – mais il faut se remettre dans le contexte de l’époque.
J’ai admiré la construction savante et intelligente de cette nouvelle et son pouvoir d’évocation dès qu’il s’agit de la figure du diable – de sa carrure imposante et de ses yeux extraordinaires.
J’ai pensé que Gogol avait pu être influencé par le Faust de Goethe, avec cette même idée de pacte diabolique et de vendre son âme pour obtenir la fortune et la célébrité. 
Il est aussi intéressant de noter que Gogol semble tenir la fortune et la gloire artistique comme des choses assez ignobles. Il ne fait pas grand cas des institutions artistiques prestigieuses et autres écoles des Beaux-Arts. En effet, c’est au moment où Tchartkov est arrivé au dernier degré de compromission et de dégradation de son art, qu’il obtient justement les plus hautes distinctions et un poste de professeur dans l’une de ces grandes écoles… critique cinglante de l’art officiel russe, ces vénérables dignitaires ont dû être ulcérés s’ils ont lu cette nouvelle !
Un livre qui m’a beaucoup plu et que j’ai d’ailleurs lu deux fois, à quelques semaines d’intervalle, car j’avais envie d’en approfondir la compréhension !

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Un Extrait page 126

L’âme oppressée, il se résolut à se lever de son lit, saisit un drap et, s’approchant du portrait, le recouvrit totalement.
Cela fait, il se recoucha plus serein, et pensa à la misère et au destin lamentable des artistes, au chemin semé d’épines qui leur est échu en ce monde ; et malgré tout, ses yeux, sans le vouloir, regardaient par l’interstice du paravent, le portrait enveloppé dans le drap. L’éclat de la lune renforçait la blancheur, et il lui semblait que les yeux effrayants commençaient même à luire à travers le tissu. Terrorisé, il fixa des yeux encore plus attentifs, comme s’il cherchait à se convaincre que c’étaient des sottises. Mais, finalement, voilà, non, pour de vrai… il voit, il le voit clair et net : le drap n’est plus là… le portrait est découvert et ce portrait regarde, par-delà tout ce qui est autour, directement sur lui, regarde tout simplement au fond de lui… Son cœur se mit à vaciller. Qu’est ce qu’il voit ? Le vieillard se met à bouger et, soudain, il s’appuie, de ses deux mains, sur le cadre. Enfin, il se soulève, à la force de ses bras, et, ressortant ses deux jambes, saute hors du cadre… À travers l’interstice du paravent, on ne voit plus que le cadre vide. La chambre s’emplit d’un bruit de pas qui se rapproche de plus en plus du paravent. Le cœur du pauvre peintre bat de plus en plus fort. (…)

Un Extrait page 160-161

Un instant, immobile et inerte, il resta au milieu de son atelier somptueux. Toute l’essence, toute l’âme de sa vie s’était réveillée en une seconde, comme si la jeunesse venait de lui revenir, comme si les étincelles éteintes du talent venaient de se rallumer. Un bandeau, d’un coup, était tombé de ses yeux. Mon Dieu ! et tuer d’une façon aussi impitoyable les meilleures années de sa jeunesse ; exterminer, étouffer l’étincelle de cette flamme, qui, peut-être, couvait dans sa poitrine, une flamme qui, peut-être, aujourd’hui, aurait brûlé en grandeur, en beauté, une flamme qui, elle aussi, peut-être, aurait pu faire jaillir des larmes de stupeur et de reconnaissance ! Avoir tué tout cela, l’avoir tué sans la moindre pitié ! C’était comme si, aurait-on dit, à cet instant, il avait senti, d’un coup, en même temps, ressusciter dans son âme toutes ces tensions, tous ces élans qu’il avait connus jadis. Il saisit un pinceau et s’approcha d’une toile. La sueur de l’effort perla sur son visage ; il se transforma tout entier en un désir, s’enflamma d’une seule pensée : il voulait représenter un ange déchu. C’est cette idée qui s’accordait le plus à l’état de son âme. Mais, hélas ! ses figures, ses postures, les groupes, les pensées, tout se montrait contraint, incohérent. Son pinceau et son imagination s’étaient trop enfermés dans un seul moule, et l’élan impuissant à franchir les frontières et les entraves dont il s’était accablé tout seul se ressentait lui-même d’une erreur, d’un manque de rigueur. Il avait méprisé l’échelle longue et fatigante des acquis graduels et des premières lois essentielles de la future grandeur. La rage l’envahit. (…) 

 

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Logo du Défi, créé par Goran

Des Poèmes de Philippe Soupault sur des peintres et des écrivains

Ces trois poèmes proviennent du recueil Épitaphes (1919) et ils constituent une sorte d’hommage amical, ironique et décalé à des artistes contemporains de Philippe Soupault. En 1919, Marie Laurencin, Picabia et Tzara sont en effet très loin d’envisager leur mort puisqu’ils ont chacun, respectivement, 36, 40 et 23 ans.
Ces poèmes correspondent à l’époque dadaïste.
Le recueil Épitaphes est disponible dans la collection Poésie/Gallimard, dans le même volume que Georgia et Chansons.

Note biographique sur Philippe Soupault

Philippe Soupault, né en août 1897 à Chaville et mort le 12 mars 1990 à Paris, est un écrivain, poète et journaliste français. Il participe au mouvement Dada. Il est cofondateur du surréalisme avec André Breton, puisqu’ils écrivent ensemble Les Champs magnétiques en 1919, premier exemple d’écriture automatique. Soupault est exclu du mouvement surréaliste en 1926 (par Breton) pour ne pas être assez engagé politiquement (les surréalistes étaient alors favorables au communisme). Il devient un journaliste célèbre, voyage beaucoup : Europe, Tunisie, Amérique du Nord et Latine, où il réalise des reportages. Il écrit également des romans, comme Le Grand homme (1929), et des pièces de théâtre.
(Source : Wikipédia)

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Notes biographiques succinctes

Marie Laurencin (1883-1956) est une artiste-peintre figurative française, mais aussi graveuse et illustratrice, étroitement associée à la naissance de l’art moderne et de l’Ecole de Paris. Elle fut l’amie d’Apollinaire.

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Francis Picabia, né Francis-Marie Martinez de Picabia (1879 à Paris- 1953 dans la même ville) est un peintre, dessinateur et écrivain français, proche du mouvement dada, puis surréaliste.

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Tristan Tzara, de son vrai nom Samuel Rosenstock, (1896 dans le royaume de Roumanie – 1963 à Paris) est un écrivain, poète et essayiste de langues roumaine et française et l’un des fondateurs du mouvement Dada dont il sera par la suite le chef de file. Il est ainsi considéré, en France, comme l’un des principaux représentants de la littérature dada.

(Source de ces trois notules : Wikipédia)

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Marie Laurencin

Ce bel oiseau dans sa cage
C’est ton sourire dans la tombe
Les feuilles dansent
Il va pleuvoir très longtemps
Ce soir avant de m’en aller
Je vais voir fleurir les arbres
Une biche s’approchera doucement
Les nuages tu sais sont roses et bleus

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Francis Picabia 

Pourquoi 
as-tu voulu qu’on t’enterre avec tes quatre chiens 
un journal 
et ton chapeau 
Tu as demandé qu’on écrive sur ta tombe 
Bon voyage 
On va encore te prendre pour un fou là-haut 

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Tristan Tzara 

Qui est là 
Tu ne m’as pas serré la main 
On a beaucoup ri quand on a appris ta mort 
On avait tellement peur que tu sois éternel 

Ton dernier soupir 
ton dernier sourire 

Ni fleurs ni couronnes 
Simplement les petites automobiles 
et les papillons de cinq mètres de longueur 

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Marie Laurencin, La Répétition

L’Exposition Nicolas de Staël au Musée d’Art Moderne (hiver 2023-24)

Sicile, 1954

J’ai visité cette grande rétrospective du peintre Nicolas de Staël (1914-1955) vers la mi-novembre 2023, au musée d’Art Moderne de la ville de Paris.
Cette exposition réunissait environ deux cents tableaux, représentatifs des différentes périodes stylistiques du peintre, influencées par les divers endroits où il a vécu et travaillé (Paris, Île de France, Provence, Nord de la France, Sicile, Antibes, …)

Présentation de l’exposition par le musée

Organisée de manière chronologique, l’exposition retrace les évolutions successives de l’artiste, depuis ses premiers pas figuratifs et ses toiles sombres et matiérées des années 1940, jusqu’à ses tableaux peints à la veille de sa mort prématurée en 1955. Si l’essentiel de son travail tient en une douzaine d’années, Staël ne cesse de se renouveler et d’explorer de nouvelles voies : son « inévitable besoin de tout casser quand la machine semble tourner trop rond » le conduit à produire une œuvre remarquablement riche et complexe, « sans esthétique a priori ». Insensible aux modes comme aux querelles de son temps, son travail bouleverse délibérément la distinction entre abstraction et figuration, et apparaît comme la poursuite, menée dans l’urgence, d’un art toujours plus dense et concis : « c’est si triste sans tableaux la vie que je fonce tant que je peux », écrivait-il. La rétrospective permet de suivre pas à pas cette quête picturale d’une rare intensité, en commençant par ses voyages de jeunesse et ses premières années parisiennes, puis en évoquant son installation dans le Vaucluse, son fameux voyage en Sicile en 1953, et enfin ses derniers mois à Antibes, dans un atelier face à la mer.
(Source : Site du Musée d’Art Moderne)

Mon Avis

J’ai adoré cette exposition par la grande diversité des œuvres présentées, leur beauté, leur lumière, leur poésie. Les couleurs, souvent éclatantes et franches, vont de pair avec un immense raffinement, une élégance incroyable. Dans les tableaux réalisés en Sicile, en particulier, il ose des juxtapositions de couleurs qui paraitraient criardes chez n’importe quel autre peintre – des jaunes, rouges, violets, verts très vifs – mais lui réussit à créer l’harmonie, à faire chanter les teintes sans qu’elles s’étouffent mutuellement. Il semble d’ailleurs être toujours en quête de nouvelles couleurs à utiliser, renouvelant sans cesse sa palette – tel ce « Paysage sur fond rose » (cf. ci-dessous) qui étonne ! – et je n’ai pas pu m’empêcher de penser que nombre de peintres abstraits du 20è siècle avaient réduit leur palette aux seules couleurs primaires (Mondrian, par exemple) quand d’autres bannissaient certaines autres, mal-aimées, comme le vert (détesté, entre autres, par Kandinsky). Tandis que Nicolas de Staël semble vouloir accueillir sur ses toiles toutes les nuances possibles de la nature et de la vie et c’est cette ouverture au monde qui m’a séduite et touchée.
J’ai aimé, aussi, regarder ces toiles de très près pour admirer leur belle texture : la peinture semble avoir été étalée au couteau, d’un geste sûr, net et précis, qui ne souffre pas, ou très peu, de repentir. On ne peut pas s’empêcher de voir un côté « maçonné » dans certaines toiles, et, bizarrement, ce maçonnage – évocateur d’un ouvrier maniant sa truelle – donne un effet extrêmement délicat, poétique et doux.
Toutes ces alliances de contrastes, d’ambiguïtés, de paradoxes, m’ont paru caractéristiques de cet artiste rare, génial, et de ses superbes tableaux.

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Les Toits, Paris, 1951
Paysage, 1952
Arbre rouge, Provence, 1953
Paysage, Provence, 1953
Agrigente, 1953-54
Paysage sur fond rose, Ménerbes, 1954
Coin d’Atelier, Fond bleu, Antibes, 1955

Un Poème d’Ernest Pépin sur Cesària Évora 

C’est dans le livre d’Ernest Pépin, Au berceau des lendemains, publié chez Atlantiques déchaînés en 2023, que j’ai découvert ce poème.
J’inscris cet article dans le cadre du « Printemps des artistes » d’avril-mai 2024.

Biographie du Poète 

Ernest Pépin, né en 1950 à Lamentin, en Guadeloupe, est un poète et romancier dont l’œuvre a été couronnée de nombreuses distinctions dont, à deux reprises, le prix Casa de las Américas. 

Courte note sur Cesària Évora 

Cesária Évora, née le 27 août 1941 à Mindelo au Cap-Vert et morte le 17 décembre 2011 à São Vicente, est une chanteuse de morna coladeira cap-verdienne. Surnommée la « Diva aux pieds nus », elle le doit à son habitude à se produire pieds nus sur scène.
(Source : Wikipédia)

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(Page 19)

Cesària Évora

Ta voix aux pieds nus

Est une île qui tangue

Un bar où viennent boire les dieux des pauvres

Une rocaille qui invite les oiseaux

Ô Cesària

La mer est saoule de tristesse

Mais la mer danse ta voix

Et il nous vient ce chant à l’odeur de blues

Cette balade aux pieds nus

Sur un visage brûlé d’amour

Vagues ensoleillées d’alcool

Il nous vient ce chant de lune enceinte

Et qui nous prend aux tripes

Ô Cesària

Princesse aux pieds nus

Chanteuse des carrefours

J’entends ta peine

Je recueille l’eau de ta joie

J’entends le souffle du petit monde

Et je vois l’éclosion d’un visage meurtri

Je bois ta voix

Je bois la sève de ta voix

Chante plus haut afin que les étoiles entendent

Chante plus doux

Renverse la mélancolie

Tu es toutes les îles aux pieds nus

L’oiseau marin qui lâche prise dans la détresse du vent

La pensée du dedans

Le sel universel des pensées que l’on chante

La voix qui prête serment au haut des barricades

Ô Cesària

Tu lances des étoiles en guise de monnaie

Tu lances ta chanson comme l’orage qui pleure

Une marée tard venue

Dans un monde aux pieds nus


Faugas – Lamentin

17 juillet 2011 

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Voici Sodade, la chanson la plus célèbre de Cesària Evora