Quelques haikus de Cécile Boisson

C’est dans le recueil Haikus du jardin de Cécile Boisson, paru chez Encres Vives en 2012, que j’ai trouvé ces quelques poèmes.
Des haïkus d’une grande légèreté, que j’ai énormément appréciés, et dont l’humour très fin et la douce sérénité m’ont séduite.

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Ce soir j’ai du monde à manger
à manger ?
et me voilà ogresse

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Pour un bout de pain
jeté aux herbes
il s’envole, le chat

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Meilleure encore
picorée
la cerise

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Au ciel tout rose
le merle pose
une question sans fin

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Le chat guette
cette grosse bête
La pluie

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Tubéreuse
j’aime
ton nom de nuit

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Mes ciseaux brillent
rosier
ferme tes yeux !

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Sans bruit la lune
la lune sans bruit
donne du lait aux fleurs

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Quelques uns de mes derniers haikus

C’est devenu une tradition pour moi de publier mes haikus sur ce blog, donc je m’y recolle une nouvelle fois.
Cette fois-ci, la période électorale m’a inspiré quelques vers, de même, plus banalement, que la nature lors de mes promenades …

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Le bruit de la pluie
nous met martel en tête
– eau à percussions.

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A l’abri des pluies
sous les bras du platane
– les iris bleus.

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Grisaille d’avril
– le long des rues, le chant triste
des tourterelles.

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Devenir plus vieille
un jour d’avril pluvieux
– caprices du temps.

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Têtes d’affiches
dents noircies et petits cœurs
– sourire électoral.

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Affiche sauvage
dents noircies, œil au chewing-gum
– gauche caviardée.
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La plante d’intérieur
s’incline vers la fenêtre
– désir d’évasion.

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Se tenir aux murs
rebondir à cloche pied
– danse des chaussettes.

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Deux poèmes d’amour d’Attila Jozsef

J’ai sélectionné ces deux poèmes dans le recueil « Le mendiant de la beauté » paru chez l’éditeur de poésie Le temps des cerises en 2014.

Attila Jozsef est un poète hongrois du premier tiers du 20è siècle, mort tragiquement à seulement 32 ans.

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Ma chérie

C’est vrai que les pétales se rejoignent, le soir.
Je ne voulais même pas t’embrasser,
Juste te sentir ici, près de moi,
Comme le petit enfant aime sentir sa mère.
Le poirier sauvage se mêle à la branche greffée,
Moi aussi, je suis devenu meilleur, depuis que tu m’as
greffé tes baisers.
Mon adorée,
Et je suis plus beau, aussi, comme la nuit
Est plus belle grâce à ses astres innombrables.

Tu es la chaleur : un vent printanier qui annonce la pluie,
Qui enseigne aux enfants le jeu du chat perché
Et redresse les herbes embourbées.
Il y a longtemps que l’horizon broussailleux de mon torse t’attendait,
Tantôt affamé, tantôt transi de froid,
La horde des passions donnait des coups de cornes
Maintenant, la voilà
Paissant paisiblement dans le pré
Tes mots de lys, de giroflées.

Car tu es venue, oui,
Tu devais venir, mon Adorée.
Il fait encore sombre
On ne voit même pas notre souffle,
Mais déjà sur notre fenêtre s’épanouissent des fleurs de givre.
L’aube se lève au dehors,
Et mes lèvres parlent encore la langue des baisers.

28 janv. 1924

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En rêve tu es mienne

Notre bonheur s’est tapi, muet,
Nous écoutions cachés dans un silence secret.
Même les flammes du poêle dansaient avec bonheur,
L’ardeur de l’amour desséchait nos lèvres.
Même l’austère pendule ne bourdonnait pas.
Les murs blancs et fiers en furent abasourdis …

En rêve, tu es toujours à moi toute entière.
Parfois, même réveillé, je crois encore à nos baisers.

Première moitié de 1922

Quelques poèmes extraits du dernier numéro de Traction-Brabant

J’ai reçu le dernier numéro de Traction-Brabant il y a un peu plus de trois semaines (numéro 73), mais je n’ai eu le temps de le lire que récemment.
J’en ai fait une sélection toute personnelle, et vous livre donc maintenant ce petit florilège.

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CRUAUTE

« Tu ne fais pas ton âge ! » Ca agace Ulysse : ce genre de compliment distille une cruauté subliminale. Comme dans le jardin printanier des vertes amours où les jeunes filles en fleurs chahutent les garçons boutonneux, ceux-ci se ramassent plus de râteaux qu’ils ne roulent de pelles. Mi-avril, en râtelant les fleurs séchées, Ulysse soliloque : le printemps est la saison la plus cruelle de l’année, celle où la nature entière se renouvelle, alors que vous ne faites que prendre un an de plus. Les lois de la nature n’ont pas d’âge. Ulysse ploie l’échine.

LOUIS DUBOST

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ENVOL

D’un coup de fusil
L’automne s’étonne
La chasse est ouverte
Vivement qu’on meure
Se disent les feuilles
Tout bas à l’oreille

Vivement la mort
Pour partir enfin
Comme il est conté
Voyager au loin
Mille et une nuits
En tapis volant

Seulement voilà
Il leur manque encore
Facteur essentiel
Quelque vent complice
Pour leur apporter
La feuille de route

Alain Jean MACE

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Le soleil carré
découpe la moquette
jupe sur l’étendage
morceaux d’ongles
sur le tapis
pourquoi les heures
s’égrènent
je me tire la peau
je me tire en dedans
chaque fois

Valérie CANAT de CHIZY
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Secret du poète, un poème de Giuseppe Ungaretti


J’ai trouvé ce poème dans le recueil « Vie d’un homme » chez Gallimard.

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SECRET DU POETE

Je n’ai pour amie que la nuit.

Avec elle, toujours je pourrai parcourir
De moment en moment des heures, non pas vides,
Mais un temps que je mesure avec mon cœur
Comme il me plaît, sans jamais m’en distraire.

Ainsi lorsque je sens,
Encore s’arrachant à l’ombre,
L’espérance immuable
A nouveau débusquer en moi le feu
Et le rendre en silence
A tes gestes de terre
Aimés au point de paraître, lumière,
Immortels.

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Après la tempête, un film de Kore-Eda Hirokazu


Il n’est pas facile de résumer la situation de départ de ce film car l’histoire part dans plusieurs directions, mais disons qu’il s’agit du portrait d’un homme, Ryota, et de ses relations complexes avec les divers membres de sa famille. Il est question également de sa vie professionnelle et de ses difficultés financières : Ryota a en effet un passé de romancier, il a même obtenu un Prix littéraire lorsqu’il était plus jeune, mais il travaille maintenant pour une agence de détectives et vit de petites combines plus ou moins légales qui lui permettent d’assouvir sa passion pour le jeu, à cause de laquelle il perd beaucoup d’argent et se retrouve bientôt incapable de payer la pension alimentaire de son ex-femme et de son fils. Il voudrait d’ailleurs renouer avec son ex-femme et sa plus grande peur serait qu’elle refasse sa vie avec un autre homme.

Mon avis : Ce film est une chronique familiale très humaine, les relations entre les personnages sont fouillées et complexes et donc agréables à suivre. Le rythme du film est un peu lent mais pour autant on ne s’ennuie pas car l’attention est sans cesse soutenue par une grande abondance de dialogues où l’humour et la profondeur se disputent la première place. Le personnage du romancier, Ryota, malgré ses nombreux défauts et sa débrouillardise quelque peu malhonnête, nous devient vite sympathique et on prend intérêt et plaisir à le voir se débattre contre l’adversité et défendre ses passions. Il m’a semblé à de rares moments que les dialogues auraient pu être un peu moins omniprésents et que le silence aurait pu aussi être éloquent, mais cela contribue à une atmosphère chaleureuse et vivante, et à donner aussi de l’épaisseur aux personnages. J’ajoute que les acteurs tiennent tous très bien leur personnage et jouent avec naturel et conviction.
Un film agréable à voir, où les questions existentielles des uns et des autres sont traitées avec intelligence et sensibilité.