Des poèmes d’amour d’Ossip Mandelstam

Ces poèmes ont paru aux éditions Circé en 2016 dans une traduction d’Henri Abril.
Je les ai lus dans le cadre du mois de l’Europe de L’Est de Patrice, Eva et Goran.

Ossip Mandelstam (1891 – 1938) est un poète russe, représentant du mouvement acméiste. Auteur d’une épigramme contre Staline, il est arrêté et meurt en déportation.

***

Telle un ange noir sur la neige,
Tu m’es apparue tout à l’heure,
Et comment donc ne la verrais-je
Sur toi, l’empreinte du Seigneur ?

Un sceau étrange, mystérieux,
Ainsi qu’une offrande céleste :
Dans une niche, pour un peu,
Il aurait fallu que tu restes.

Que cet amour dans l’au-delà
A l’amour ici-bas se fonde,
Et que sur tes joues n’aille pas
Le sang fougueux qui se débonde ;

Ainsi le marbre pourra mieux
Rehausser tes haillons lunaires,
Tes joues dénudées mais sans feu,
Bien que complices de la chair.

début 1914

***

Pesanteur et tendresse, vos signes sont les mêmes, ô sœurs.
La rose pesante est sucée par guêpes et abeilles.
L’homme agonise. Du sable reflue la chaleur,
Et sur de noirs brancards on emporte l’ancien soleil.

Ah, lourds rayons de miel et tendres rets !
Plus légère est la pierre que ton nom sur mes lèvres.
Il ne me reste au monde qu’un souci désormais,
Un souci d’or : épuiser le fardeau du temps, sa fièvre.

L’air est trouble, je le bois comme une eau qui s’obscurcit.
On laboure le temps, et même la rose fut terre.
Dans un lent tourbillon les lourdes, tendres roses ainsi,
Les roses pesanteur et tendresse doublement se tressèrent.

1920

***

16 réflexions sur “Des poèmes d’amour d’Ossip Mandelstam

    1. Dans un moment de l’Histoire marqué par les grands bouleversements sociaux-politiques,dans le monde entier, en Russie Staline investi des pleins pouvoirs a continué tel qu’il avait commencé dans le banditisme mais en passant de petit loubard à chef de gang. Il est incroyable de voir comme cet être malfaisant a pu tromper le monde en bafouant son idéologie mais surtout en exterminant ceux qui savait à qui ils avaient à faire. Les poètes de ce mouvement le payèrent de leur vie.

      1. Absolument ! Les artistes, musiciens, poètes, romanciers qui ont eu le malheur de vivre en URSS au temps de Staline ont bien souvent été persécutés, censurés, quand ils ne l’ont pas carrément payé de leur vie, vous avez raison ! Je pense aussi à Tsvetaieva, Akhmatova, qui ont eu des bien tristes destins malgré leur immense génie …

  1. Patrice

    Quels jolis poèmes, merci beaucoup de nous les faire partager ! Et merci pour ta participation au Mois de l’Europe de l’Est avec un genre qui n’est pas le plus représenté !

      1. arbrealettres

        oh pas très facile …
        me suis aperçu que j’avais lu et publié quelques poèmes de ce recueil
        du coup je les ai republiés 😉

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