Armageddon Time de James Gray

Affiche du film

Ayant manqué ce film à sa sortie en salles mais bien résolue à le voir tout de même, c’est à l’été 2023 que j’ai pu finalement le regarder (en DVD).
James Gray se serait inspiré de sa propre jeunesse pour cet Armageddon Time, qui se déroule en 1980 à New York.

Note pratique

Nationalité : Film américain
Genre : Drame
Date de sortie en salles : (France) 9 novembre 2022
Scénario et réalisation : James Gray
Acteurs principaux : Michael Banks Repeta (Paul Graff), Jaylin Webb (Johnny Davis), Anne Hathaway (la mère), Anthony Hopkins (le grand-père), Jeremy Strong (le père).
Durée : 115 minutes

Résumé du début de l’histoire

En 1980, à New York, dans une école publique, le jeune Paul Graff fait son entrée en 6ème. Passionné de dessin et désireux de devenir plus tard artiste peintre, il réalise des caricatures de son professeur pour amuser les autres élèves, ce qui lui vaut d’être puni. C’est lors de cette première sanction qu’il sympathise avec Johnny, un de ses camarades de classe, noir, qui se retrouve puni en même temps que lui. Assez vite, ils deviennent amis. Johnny est un garçon pauvre, élevé par sa grand-mère malade, et il rêve de devenir un jour cosmonaute, de travailler à la Nasa. Paul, par contre, est issu d’une famille riche, influente, possédant un important réseau de relations. Il ne s’entend pas toujours bien avec ses parents mais il entretient une relation privilégiée avec son grand-père, qui le conseille et lui enseigne des règles de vie.(…)

Mon Avis

C’est une histoire assez simple où deux adolescents un peu révoltés et désireux de s’émanciper font ensemble les quatre cents coups (avec une gravité progressive dans les incivilités puis les délits) en même temps que les réactions des adultes autour d’eux se font –  logiquement – de plus en plus strictes, dures et répressives. Et l’on se dit que chaque punition un peu plus sévère que la précédente ne fait qu’attiser la rébellion de ces ados, creuse le fossé entre eux et les adultes et prépare la voie vers la prochaine bêtise, en lui donnant une forme de justification.
Tout le propos du film est de comparer la différence de traitement subi par ces deux adolescents désobéissants et amis, parce que l’un est blanc, élevé dans une famille riche et influente et que l’autre garçon est noir, issu d’un milieu très défavorisé. Même s’ils sont unis dans leurs petits méfaits d’ados, c’est à chaque fois le garçon noir qui est incriminé et qui doit payer le plus lourd tribut tandis que le garçon blanc tire à chaque fois son épingle du jeu, soit parce que ses parents font jouer leurs nombreuses relations soit parce qu’ils ont les moyens de placer leur fils dans une prestigieuse école privée, une filière de discipline et d’excellence. 
En bref, quand le jeune garçon blanc fait des bêtises son entourage fait tout pour le tirer vers le haut et le hisser vers la réussite ; tandis que le jeune garçon noir, à la moindre broutille, se fait enfoncer toujours plus bas, on ne lui pardonne rien, les préjugés sont trop forts pour qu’un adulte lui tende la main. Et, bien que les caractères, les capacités et les rêves de ces deux gamins ne soient pas très éloignés les uns des autres, on sent nettement que le petit blanc occupera plus tard une place de choix dans la société tandis que le jeune garçon noir ira probablement de maisons de redressement en centres de détention, par une fatalité cruelle. 
Comme le dit la chanson des Clash qui sert de titre au film – Armageddon Time, un titre de 1980 – « lots of people won’t get no supper tonight – lots of people won’t get no justice tonight », ce qui souligne encore le propos social et politique du film. 
Les allusions politiques sont assez claires : une interview télévisée de Ronald Reagan nous rappelle le contexte ultra-libéral de ces années 80 aux États-Unis et la menace nucléaire qui pesait alors sur le monde. Par ailleurs, l’établissement scolaire très huppé où Paul est placé par ses parents pour le remettre dans le droit chemin – une école privée élitiste et franchement raciste – est dirigée par un membre de la famille Trump (Fred Trump, le père de Donald), qui défend les valeurs d’ambition, de travail acharné et de réussite à tous prix. Et nous sentons bien le regard réprobateur de James Gray sur ce système ultra-libéral et immoral, porteur d’injustice et de cruauté.
Du point de vue psychologique, j’ai trouvé les hésitations de Paul Graff intéressantes. Il oscille entre la solidarité amicale et la trahison, entre l’idée de se sauver lui-même, tout seul, égoïstement, et le désir de générosité et de soutien envers son copain.
Un film agréable, qui témoigne d’un fort engagement politique et social, mais qui sait également émouvoir par des situations humaines finement observées et ressenties.

**

« Tar » de Todd Field

Affiche du film

Les critiques ayant été quasiment unanimes à saluer les grandes qualités de « Tar », je suis allée le voir avec confiance, persuadée d’assister à un spectacle intéressant et de bonne tenue. Je n’avais encore jamais vu de film de ce réalisateur, dont le nom ne m’évoquait pas grand-chose, mais j’ai toujours apprécié le jeu de Cate Blanchett et sa seule présence dans le casting était pour moi un gage de qualité, a priori.

J’ai vu « Tar » dans le cadre de mon Mois sur l’Amérique, qui se termine aujourd’hui, mais il aurait pu figurer aussi bien dans le « Printemps des Artistes »…

Note Pratique sur le Film

Genre : Drame psychologique
Nationalité : Américain
Date de sortie en salles : 2022 aux Etats-Unis – février 2023 en France
Actrices : Cate Blanchett (Linda Tar), Noémie Merlant (Francesca Lentini, l’assistante de Tar), Nina Hoss (Sharon Goodnow, l’épouse de Tar), Sophie Kauer (Olga Melkina, la violoncelliste russe)
Durée : 2h37

Résumé du début de l’histoire

L’histoire se déroule dans le milieu de la musique classique. Lydia Tar est une des plus brillantes cheffes d’orchestre de sa génération. Elle dirige le très prestigieux Philharmonique de Berlin avec fermeté et autorité. Elle donne des cours de musique à des étudiants. Bien sûr, elle accorde des interviews aux médias les plus en vue et de plus grande qualité. Elle va bientôt sortir un livre autobiographique pour montrer l’exemplarité de sa réussite auprès d’un vaste public. Elle forme un couple solide et heureux avec son épouse violoniste et toutes les deux élèvent leur petite fille. Mais ce parcours trop parfait ne va pas tarder à se fissurer et les failles vont devenir de plus en plus apparentes. Peu à peu, tout se dégrade et se délite dans sa vie.

Mon Avis

La première partie du film est principalement occupée par des conversations au sujet de la musique et des éléments biographiques de grands musiciens célèbres des 19è et 20è siècles. Nous avons d’abord une longue interview de Lydia Tar par un journaliste. Puis, de nouveau, une très longue discussion en face-à-face, au restaurant, avec l’un de ses collègues musiciens, toujours sur des thèmes musicaux. Cette mise en place des premiers éléments de l’intrigue m’a paru poussive, laborieuse et très statique. Beaucoup de ces paroles ne rajoutent rien à l’histoire et ne nous éclairent pas tellement sur les personnages. Par contre, ce qu’on comprend assez vite et qui est bien souligné plusieurs fois, c’est que Lydia Tar n’est pas une partisane de la cancel culture, que le féminisme n’est pas son cheval de bataille favori. Elle aime les compositeurs masculins des époques classique, baroque et romantique, et elle continue à les jouer même s’ils ont eu des comportements sexistes.
Ensuite, nous commençons à comprendre que Lydia Tar est une cheffe ultra-autoritaire, que ses méthodes de sélection de ses musiciennes se basent essentiellement sur la séduction et la beauté physique de la personne, qu’elle pratique sans cesse l’abus de pouvoir et la manipulation de ses collègues.
Parallèlement à ce système peu reluisant, des phénomènes étranges, inexplicables et angoissants commencent à se produire autour de l’héroïne, et nous semblons nous orienter, au travers de plusieurs scènes sporadiques, vers des moments d’effroi, comme si nous allions basculer peu à peu vers un thriller ou un film d’épouvante. Heureusement, on évite cet écueil – de justesse.
J’ai trouvé que nous étions souvent dans une atmosphère de cauchemar, assez glauque, déplaisante, avec des images laides, une lumière terne, mate, qui oscille entre le grisâtre et le verdâtre. La seule scène romantique un peu touchante entre les deux femmes est abondamment arrosée d’une horrible lumière, d’un rose criard, qui fait mal aux yeux.
Je ne suis pas certaine d’avoir vraiment compris ce que le réalisateur souhaitait prouver ou dénoncer avec cette histoire. Peut-être qu’il cherche à démontrer que le milieu de la musique classique est sans foi ni loi, complètement pourri, et que « les hommes blancs cisgenres » ne sont pas les seuls à être très méchants puisque les femmes homosexuelles ne valent pas mieux qu’eux ? Chacun fera ses propres hypothèses.
L’aspect très remarquable de ce film c’est le jeu des actrices, elles sont vraiment époustouflantes de justesse et de naturel. On a même l’impression par moments que le scenario a été entièrement conçu pour donner à Cate Blanchett l’occasion d’exposer toute la gamme de ses talents et de ses états émotionnels, de la douceur à la violence, de la frayeur au dégoût et de la joie au désespoir.
Ce n’est donc pas, selon moi, un film réussi ou plaisant à regarder. Je n’ai pas tellement apprécié la musique, qui est jouée avec brutalité et sans nuances – D’ailleurs Cate Blanchett a des attitudes de boxeuse quand elle dirige son orchestre.
A voir à la rigueur pour les performances d’actrices mais sinon ce n’est pas terrible.


Une image du film, Cate Blanchett

Licorice Pizza, un film de Paul Thomas Anderson

Affiche du film

J’ai vu ce film en janvier, dès la première semaine de sa sortie en France, et j’ai décidé de vous en parler quelques mois plus tard, à l’occasion de mon Mois Américain de juin 2022 dont c’est aujourd’hui le dernier jour et le dernier article.

Note pratique sur le film :

Nationalité : américain
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie aux Etats-Unis : 26 novembre 2021
Date de sortie en France : 5 janvier 2022
Durée : 2h13mn

Résumé de l’histoire (situation de départ)

Du côté de Los Angeles, autour de 1973, Gary Valentine est un adolescent de quinze ans, lycéen sûr de lui et acteur à ses heures perdues. Un jour, dans son lycée, il croise Alana Kane, une jeune photographe de vingt-cinq ans, venue faire des photos de classes pour tous ces lycéens. Il est très attiré par elle mais leur différence d’âge maintient une certaine distance entre eux et ils se limitent à des liens d’amitié et de complicité platonique. Au fur et à mesure du temps, ils partagent des expériences de vie plus ou moins décevantes et sont souvent emportés, chacun de son côté, dans des aventures curieuses ou risquées. Mais la vie finira par les rapprocher.

Mon Avis :

Avant de voir ce film, et au vu de son résumé, je pensais que son sujet principal était « l’histoire d’amour compliquée entre une jeune femme et un ado », avec toutes les entraves et barrières possibles dressées devant eux pour les empêcher de s’aimer. Mais, en réalité, la différence d’âge entre les deux personnages, loin d’être soulignée, est sans cesse gommée, puisque l’adolescent se comporte tout à fait comme un adulte – il est dynamique, ambitieux et sûr de lui, il crée et dirige des entreprises, fait des affaires, gagne de l’argent sans problème, il conduit sa voiture, il donne des conseils aux adultes de son entourage, etc. – tandis que la jeune femme ne semble pas très mûre ni très réfléchie – et finalement on ne voit pas trop où est le nœud du problème ou même s’il y a un problème à résoudre entre eux.
Plusieurs fois pendant ces deux heures et quart de film, je me suis demandé : « Mais quel est le sujet de ce film ? Où est l’intrigue ? A quoi sommes-nous censés nous accrocher ? » et, pour tout dire, je m’ennuyais et j’hésitais à quitter la salle – mais je suis tout de même restée jusqu’au bout, par scrupule et par curiosité.
Certes, il se passe pas mal de choses dans ce scenario, qui nous montre ces deux personnages en train de chercher leur voie professionnelle et amoureuse – et échouer dans cette recherche la plupart du temps, malgré leur ambition (qui est le principal point commun de leur caractère), que ce soit ensemble ou séparément – mais l’intérêt est assez fluctuant selon les épisodes.
Du côté des points positifs, j’ai apprécié les nombreuses chansons des années 70 qui accompagnent l’image, avec une mention spéciale pour Les Doors et David Bowie, et qui, avec les costumes aux formes amples et aux couleurs acidulées, nous replongent dans ces années psychédéliques et pop et nous réveillent de notre torpeur. Ceci dit, l’état d’esprit hippie, cool et fortement contestataire des années 70 n’est pas restitué dans ce film, et les effets de nostalgie restent donc plutôt en surface et décoratifs.
Du point de vue des dialogues, je dirais qu’on sent à plusieurs reprises l’influence d’un humour décalé à la Tarantino ou inspiré des frères Coen, mais en beaucoup moins réussi car ça tombe souvent à plat.
Bref, un moment de cinéma dont j’aurais aussi bien pu me passer !

Un jour de Pluie à New York, de Woody Allen

J’ai hésité à aller voir ce film à sa sortie en salles en automne 2019, malgré les critiques élogieuses qui pleuvaient de toutes parts, j’ai eu peur d’être déçue, aux vues des dernières oeuvres du cinéaste américain.
Finalement, je l’ai vu en DVD et j’en ressors déçue et affligée, avec la sensation toujours plus marquée d’un cinéaste qui recycle ses vieilles idées et n’en tire rien de neuf, au point de se caricaturer lui-même.

Mais précisons d’abord la situation de départ de cette histoire rocambolesque :

Gatsby (Timothée Chalamet) est un petit étudiant très cultivé et brillant, en couple avec une petite étudiante prénommée Ashleigh (Elle Fanning), un peu naïve et hystérique, aux ambitions journalistiques très élevées. Mais un jour, Ashleigh a l’opportunité d’interviewer un grand cinéaste à New York, et le petit couple décide de profiter de cette occasion pour y passer un week-end en amoureux dès que l’interview sera finie. Occasion d’autant plus séduisante pour Gatsby qu’il est originaire de New York et qu’il y connaît beaucoup de monde. Mais les deux amoureux vont se retrouver embarqués chacun de leur côté dans des aventures et des jeux de séductions qu’ils n’avaient pas prévus. (…)

Mon humble Avis :

J’ai du respect pour Woody Allen et j’ai adoré beaucoup de ses anciens films (surtout ceux des années 80 et 90) mais il semble que l’inspiration du cinéaste s’épuise depuis quelques années dans des redites et des stéréotypes.
Pourtant, on retrouve dans ce film quelques unes des grandes spécialités du Woody de la meilleure époque – tous les ingrédients qui ont fait son succès et qui sont devenus en quelque sorte sa marque de fabrique : un milieu social richissime et raffiné, des petits airs de jazz mélancoliques, des personnages cultivés aux discussions hautement intellectuelles (ou prétendues telles), la ville de New York qu’il connait et apprécie plus que tout, des chassés croisés amoureux, du marivaudage à l’américaine, des intellectuels ou artistes traversant des crises de doutes existentiels, des visites de lieux touristiques prestigieux (musées, parcs, palaces), des balades en amoureux sous la pluie où l’un des deux remarque à quel point « c’est romantique », etcetera !
Chacun de ces éléments a été vu, revu, re-revu, et devient davantage qu’un clin d’oeil : un genre de tic, une manie qui n’est plus porteuse de beaucoup de sens, qui ne cherche plus à approfondir aucune réflexion.
Les dialogues sont nettement moins brillants que ceux des anciens films du réalisateur, moins drôles, moins spirituels, et cherchent surtout à nous épater par l’étalage de références livresques (on nous cite Shakespeare, des écrivains français mineurs du 19è siècle, des noms de peintres américains du siècle dernier, Basquiat et tutti quanti) alors que ces citations tombent là sans rime ni raison, et débitées à un rythme de mitraillette qui empêche d’en profiter pleinement ou, au moins, de réfléchir à leur pertinence.
La psychologie des personnages n’est pas non plus très creusée, elle répète là encore des stéréotypes et ne nous émeut à aucun moment.
Un film dispensable et sans doute très oubliable !

Wonder Wheel de Woody Allen

affiche du film

Je viens de regarder le film Wonder Wheel de Woody Allen, qui date de 2017, et que je n’avais pas vu à sa sortie. J’en sors avec une impression très mitigée car ce film me semble concentrer quelques grandes qualités et beaucoup de gros défauts également.

Mais venons-en tout de suite au début de l’histoire :
Nous sommes dans les années 50, à Coney Island. Ginny (Kate Winslet) est une femme de bientôt quarante ans, qui a abandonné dans sa jeunesse une carrière d’actrice et un mariage heureux pour se remarier avec un forain, Humpty (James Belushi), manutentionnaire dans un parc d’attractions, plus âgé qu’elle et amateur de pêche à la ligne. Ginny gagne sa vie comme serveuse dans un restaurant de fruits de mer bon marché et rêve naturellement d’une existence et d’une carrière plus exaltantes. Elle rencontre bientôt un jeune surveillant de baignade, dramaturge à ses heures, Mickey (Justin Timberlake) et entame une liaison avec lui, en cachette de son mari. Le jeune couple passe des moments torrides et romantiques sur la plage et Ginny, très amoureuse de son amant, voit en lui l’occasion de fuir sa vie actuelle, d’échapper à son mari brutal et à son boulot ingrat. Mais Mickey ne voit pas tout à fait les choses de cette façon. (…)

Mon Avis :

On retrouve dans ce film des tas de situations déjà vues dans ses autres oeuvres. La serveuse insatisfaite, rêvant d’une vie meilleure, était déjà présente dans « La rose pourpre du Caire » il y a plus de trente ans, et Woody Allen tirait un bien meilleur parti de cette situation de départ.
Bien sûr, Ginny ressemble beaucoup à l’héroïne de Blue Jasmine : elle aussi est une déclassée, un peu névrosée, une femme lunatique qui boit, ment, trompe et se trompe, et qui rêve de retrouver la classe sociale supérieure où elle a été tellement heureuse.
Déjà, dans Blue Jasmine, les classes sociales étaient dépeintes de manière stéréotypée et caricaturale mais le personnage de la sœur, qui campait une caissière pauvre assez fine et sympathique, nuançait un peu le propos. Dans Wonder Wheel, le mari prolétaire reste une grosse brute pas très fûtée, cantonné à un rôle secondaire que le cinéaste ne cherche jamais à rendre émouvant.
Le seul personnage qui paraisse vraiment creusé psychologiquement, c’est celui de Ginny et il faut noter la performance d’actrice de Kate Winslet, qui est tout à fait remarquable, et qui ne semble pas vraiment jouer dans le même film que ses partenaires, très superficiellement décrits et auxquels on ne croit pas vraiment.
Le symbolisme de la roue (La grande roue du parc d’attraction) que l’on retrouve dans le titre et dans le caractère lunatique de Ginny, est encore accentué par des jeux d’éclairages colorés qui se reflètent sur le visage de Kate Winslet pendant qu’elle parle, tantôt d’une couleur chaude orangée, tantôt d’une couleur froide gris-bleu, et si cet effet m’a paru intéressant au départ, j’ai trouvé qu’il devenait un peu trop répétitif et systématique, voulant souligner l’ambivalence du personnage.
Un film où Woody Allen ne parvient pas à se renouveler, mais d’une qualité honnête, et pas désagréable à regarder !

une scène du film

Permanent Vacation, de Jim Jarmusch

Permanent Vacation est le premier film de Jim Jarmusch, réalisé en 1980, et il s’agit plus précisément de son film de fin d’études, réalisé avec peu de moyens, et relativement court puisqu’il dure 75 minutes.
Ce film a pour héros un jeune homme d’une vingtaine d’années, Aloysious Parker, fan de Charlie Parker et lecteur de Lautréamont, qui déambule sans but dans les quartiers les plus délabrés de New York, parmi les paumés et les dingues avec qui il échange parfois quelques mots ou se contente d’écouter leurs monologues plus ou moins cohérents, plus ou moins absurdes.
Au début du film, nous croyons comprendre qu’Aloysious (« Allie ») recherche sa mère, mais lors de son entrevue avec elle dans l’asile psychiatrique où elle est internée, il semble tout à fait détaché d’elle, concluant leur bref échange de paroles par un laconique « tu es folle » après quoi ils n’ont plus rien à se dire.
Nous croyons ensuite comprendre que notre héros recherche le bâtiment où il est né « bombardé par les chinois » ou sans doute par les vietnamiens, et cette irruption de la guerre du Vietnam en plein New-York est l’occasion d’une scène fortement teintée de surréalisme, qui n’est pas sans intérêt.
Puis c’est une longue errance, où l’ennui le dispute à la solitude – aussi bien pour Aloysious que pour le spectateur qui se fatigue de toutes ces rencontres sans queue ni tête.
Un regain d’intérêt nous happe un instant, lorsqu’Aloysious vole une voiture et la revend pour 800 dollars, après quoi notre héros décide de quitter l’Amérique pour s’installer à Paris qui devrait être sa Babylone.

J’ai trouvé que ce film était très représentatif de l’atmosphère des années 80, avec une esthétique punk du délabrement et de la saleté urbaine, sans compter l’attitude froidement apathique et dégingandée d’un héros à la voix traînante et monocorde. Je crois que ce style a très mal vieilli et qu’on ne peut pas construire tout un film sur une suite de postures et d’attitudes – aussi avant-gardistes soient-elles.
Il y a deux ou trois scènes intéressantes mais elles sont sans réel lien les unes avec les autres, et donnent une impression d’errance décousue.
La bande son m’a paru très travaillée, mêlant musiques dissonantes et bruitages oppressants, à côté des voix humaines.
Malgré tout, c’est assez amusant de voir en germe dans ce film quelques idées qui seront reprises ultérieurement par Jarmusch dans d’autres films, et de manière plus réussie.

Bref, je conseillerais ce film à un fanatique de Jim Jarmusch, ou de l’esthétique des années 80.

Gerry de Gus Van Sant

gerry_gus_van_santGerry est un film expérimental de Gus Van Sant qui date de 2002 et qui a précédé d’un an le tournage du film « Elephant », palme d’or à Cannes. Gerry ne comporte que deux personnages masculins, interprétés par Casey Affleck et Matt Damon, qui sont tous les deux prénommés Gerry et dont on ignore tout du passé et de la vie personnelle, de même qu’on ignore par quels liens ils sont liés, ou s’il s’agit du dédoublement d’un même personnage …
Il n’y a pas vraiment d’histoire dans ce film, plus exactement nous assistons à une déambulation angoissante de ces deux jeunes gens en proie à la soif et à la faim, recherchant désespérément la fin du désert, une route, ou un retour au monde habité des hommes. En effet, partis en randonnée, et ayant croisé un petit groupe d’autres randonneurs qu’ils ont voulu éviter, ils se sont perdus, n’ayant avec eux ni boussole ni eau ni nourriture. Pendant leurs déambulations à travers le désert, nous savons donc qu’ils risquent la mort s’ils ne retrouvent pas leur chemin, et les deux personnages le savent aussi puisqu’il leur arrive de pleurer, même si ces pleurs restent discrets et qu’ils restent malgré tout concentrés sur leur marche.
A l’écran, les deux Gerry sont souvent perdus dans de magnifiques paysages de dunes, de montagnes, de déserts de sable, de roches ou de sel, avec des mouvements rapides de nuages, des levers de soleil, des nuits noires, pendant que la démarche des deux jeunes gens devient de plus en plus saccadée, lente et incertaine, avec de longs plans séquence qui peuvent durer jusqu’à dix minutes, accompagnés de la musique très méditative d’Arvo Pärt.
Certaines scènes sont assez surprenantes, comme lorsque Casey Affleck raconte à Matt Damon qu’il a conquis Thèbes quinze jours auparavant et qu’il en est resté roi pendant 97 ans, ou lorsque Casey Affleck se retrouve sur le sommet d’un énorme bloc de pierre sans qu’on sache comment il a pu grimper là, installant le spectateur dans le doute et une certaine sensation d’irréalité.
Les sentiments que distille ce film sont à la fois la paix et la méditation, par la musique, la beauté des images, le calme des personnages et des paysages, mais aussi une sourde angoisse par la situation dangereuse, la nécessité de trouver de l’eau, l’épuisement progressif des deux hommes, l’idée que la mort est peut-être à la fin de l’histoire.

L’homme irrationnel de Woody Allen

homme_irrationnel_woody
Ceux qui suivent ce blog régulièrement savent que je suis une inconditionnelle de Woody Allen et que, si je ne dois voir qu’un seul film dans l’année, c’est forcément son dernier opus que je vais voir.
Je ne pouvais donc pas manquer L’homme irrationnel, sorti en salles en cet automne 2015.

Le début de l’histoire :

Un professeur de philosophie, Abe Lucas (Joaquin Phoenix), arrive dans une nouvelle Université. Il y est précédé par une réputation sulfureuse : il multiplierait les conquêtes féminines, y compris avec ses étudiantes, et aurait des idées particulièrement novatrices et audacieuses. De fait, Abe Lucas est un homme plutôt sombre, il boit du whisky du matin au soir, préfère la solitude, porte un regard désespéré sur la vie, et désabusé sur la philosophie. Mais ses cours sur la morale, sur Kant, sur Kierkegaard, ou encore sur l’existentialisme, passionnent ses élèves et fascinent tout spécialement une jeune étudiante prénommée Jill (Emma Stone) avec laquelle il noue bientôt une profonde amitié. Parallèlement, il entame une liaison avec Rita Richards (Parker Posey), une laborantine de l’Université, dont le mariage est un échec.
Mais, un jour, dans une cafétéria, Abe et Jill surprennent une conversation à la table juste derrière eux – conversation qui va faire basculer l’histoire vers un tout autre registre. (…)

Mon avis

Je ne vais pas dévoiler la façon dont l’histoire évolue, mais le thème du film me semble être la morale et la manière dont on peut s’en passer (ou pas), avec d’intéressantes incursions philosophiques et une référence à Crime et Châtiment qui revient à plusieurs moments du film. Mais, contrairement à Raskolnikov, Abe Lucas ne s’embarrasse pas de culpabilité ou de scrupules, et le fait d’avoir aboli toute règle morale le rend parfaitement heureux.
La deuxième partie du film est particulièrement réjouissante, avec des moments de surprise et un rythme plus soutenu, parfois souligné par une petite musique que j’ai beaucoup appréciée car elle accentue la tournure amusante que prennent les événements.
Alors bien sûr, comme souvent chez Woody Allen, on peut regretter un côté un peu démonstratif et explicatif, comme si le cinéaste voulait fournir toutes les clés de son film sans laisser le spectateur libre de ses interprétations, mais pour ma part ça ne m’a pas dérangée et j’apprécie que ses films donnent matière à réfléchir, quitte à être un petit peu trop verbeux.
Je dirais donc que c’est un assez bon Woody Allen, qui doit beaucoup aux acteurs, tous très convaincants, et plus spécialement à Emma Stone qui montre dans ce film un très large éventail d’émotions différentes.

Magic in the Moonlight de Woody Allen

magic_in_the_moonlight Le thème du nouveau film de Woody Allen, Magic in the Moonlight, est l’opposition entre le scepticisme et la croyance au surnaturel : croire en quelque chose qui nous dépasse peut nous aider à vivre, même si cette croyance est une illusion. Le bonheur repose donc forcément, plus ou moins, sur un mensonge, mais ce n’est peut-être pas si grave.
Mais racontons d’abord le début de l’histoire : Stanley Crawford, un britannique très rationnel, officie en tant qu’illusionniste sous le nom de Wei Ling Soo, il connaît tous les trucs de son métier et en a même inventé un grand nombre, et il fait des tournées triomphales dans toute l’Europe. Une de ses habitudes est de démasquer les médiums et autres voyants, dans lesquels il ne voit que des charlatans cupides. Mais, un beau jour, un de ses meilleurs amis, Howard Burkan, lui présente le cas étrange d’une jeune femme qui semble réellement douée de dons de voyance exceptionnels et qui va mettre sérieusement à l’épreuve la clairvoyance et la réflexion de Stanley … mais aussi ses sentiments.
J’ai trouvé le début de ce film assez laborieux, avec des dialogues lourds et démonstratifs, et une exposition de la thématique principale pas très intéressante, et puis, peu à peu, le charme de l’histoire a opéré. Il faut dire que ce film nous transporte à la fin des années 20 dans la haute société, et que, donc, la beauté des décors et des costumes contribue beaucoup à charmer le spectateur, mais il y a aussi le jeu des acteurs (qui sont tous très justes et très bien choisis), et un certain talent du réalisateur à mêler scènes surprenantes et scènes attendues, ainsi que des pointes d’humour distillées sans lourdeur, et que j’ai vraiment appréciées, comme autant de clins d’œil au spectateur.
Au final, un film agréable à voir, divertissant, charmant, mais qui reste sans doute trop léger pour laisser un souvenir marquant. A ce titre, Blue Jasmine m’avait semblé être un film plus réussi, plus profond, plus consistant.

Blue Jasmine de Woody Allen

blue_jasmineOn a déjà beaucoup parlé de ce film dans les média, d’ailleurs surtout pour en raconter l’histoire et pour souligner le rapprochement avec Un tramway nommé désir, alors je ne vais pas revenir dessus.

Je voulais quant à moi faire part de l’heureuse surprise que j’ai eue à la vision de ce film, et qui ne tient certes pas à la première demi-heure – plutôt poussive et attendue – et pas davantage aux nombreux flashbacks – stéréotypés comme des sitcoms – qui jalonnent le film.
Ce qui m’a surprise, c’est que le personnage de Jasmine semble extrêmement réaliste et humain, alors que tous les autres personnages sonnent faux et n’ont pas plus de profondeur que des cartes à jouer – et c’est spécialement vrai des personnages masculins : on n’avait encore jamais vu des êtres si caricaturaux chez Woody Allen …
J’ai trouvé que ce contraste entre Jasmine et tous les autres personnages donnait un relief étonnant à cette femme et à ses névroses et, surtout, accentuait l’extrême solitude qui émanait d’elle.

Drame social – mais aussi film sur la solitude : Jasmine parle dans le vide ou à des inconnus et, lorsqu’elle rencontre un homme susceptible de l’aimer, au lieu de lui faire confiance, elle lui ment pour se conformer à un certain idéal social et se montrer « à la hauteur ».

Film étonnant, si on le compare aux dernières œuvres de ce cinéaste !