Des haïkus de Santoka

Couverture chez Moundarren

Mon amie Pascale, spécialiste en littérature japonaise et traductrice de cette langue, a eu la gentillesse d’emprunter pour moi en bibliothèque ce beau livre des éditions Moundarren, intitulé « Santoka » et sous-titré « Zen, saké, haïku ».
Ne connaissant pas ce poète – pourtant très célèbre au Japon – j’ai appris que Santoka (1882-1940) était devenu un moine zen à l’âge de quarante-deux ans, après une vie agitée, à boire du saké et à essayer de lutter contre sa dépression chronique. Le suicide de sa mère devant ses yeux lorsqu’il était enfant avait été une blessure inguérissable. Devenu religieux, il écrivit de nombreux haïkus tout en menant une vie de pauvreté, de mendicité et de vagabondages à travers le pays. Ses haïkus sont souvent des compositions libres, qui ne respectent pas toujours la règle du nombre de syllabes 5-7-5, et qui ne contiennent pas forcément de « mots de saison » tels que le veut normalement la tradition.

Note Pratique sur le Livre

Editions Moundarren
Dates de parution : 2003, 2013
Edition bilingue, traduit du japonais par Cheng Wing Fun et Hervé Collet
Nombre de Pages : 186

*

Pour Santoka le plus grand des bonheurs c’est “une chambre, une lampe, une table, un bain et une coupe de saké”. Le soir il consigne dans son journal de voyage ses pensées et ses haïkus. “Pure expérience”, telle est sa conception de la poésie.
(Source : site de l’éditeur)

Il écrivait en automne 1940, peu avant sa mort, dans une lettre à un ami : « Chaque jour je suis en grande difficulté. Je ne sais si je mangerai aujourd’hui. La mort s’approche. Mais même si je ne bois rien et ne mange rien, jamais je ne néglige de composer des haïkus. Même si mon estomac est vide j’écris. Comme le cours de l’eau mon esprit poétique tourbillonne et jaillit. Vivre pour moi c’est composer un haïku. Le haïku est ma vie. »

**

Quelques haïku choisis

quand mourrai-je ?
je sème
des graines

*

légèrement ivre
les feuilles des arbres
se dispersent

*

dans mon bol d’aumône
en métal
de la grêle

*

je frappe les mouches
je frappe les moustiques
je me frappe moi-même

*

j’ouvre la fenêtre
la fenêtre pleine
de printemps

*

je glisse
je tombe
les montagnes sont calmes

*

la neige
tombe sur la neige
quiétude

*

la mort
devant moi
le vent frais

*

je viens de recevoir
de quoi manger
la pluie tombe

*

le bruit incessant des vagues
mon village natal
si loin

*


32 réflexions sur “Des haïkus de Santoka

    1. Bonjour Prince Écran Noir ! Merci beaucoup de ton commentaire ! L’évocation des saisons est souvent très importante dans les haïkus. Cela participe à leur beauté. Excellente journée à toi 🙂

    1. Bonjour Nathalie. Certainement, le haïku est une forme poétique très à part ! C’est un art de la suggestion. Tu préfères sans doute les poèmes plus longs et plus développés. Merci de ton commentaire. Très bon dimanche à toi

  1. Bonjour Marie-Anne,
    J’entends, je vois, je respire… Pourtant, ce ne sont que quelques mots… Quel artiste ! Je tire mon chapeau aux traducteurs. Je suis comme une enfant qui découvre la magie des mots et la puissance de certaines de leurs combinaisons.
    Merci beaucoup ! Sans ta chronique, je passerai à côté de ces perles…

    1. Bonjour Ana Cristina ! Merci beaucoup de ton gentil commentaire. Il me semble également que les traducteurs ont fait un superbe travail avec ce recueil. C’est vraiment très fort d’obtenir cette fluidité et cette concision en traduisant une langue si différente de la nôtre. J’en suis admirative. Très bonne journée à toi! Bises ! Marie-Anne

    1. Bonjour Danielle c’est très vrai, ces traductions donnent une certaine idée de la sensibilité japonaise. Tout en fugacité et clarté ! Merci beaucoup de ton commentaire et très bonne fin de week-end !

    1. Bonjour Pat ! Je vois ce que tu veux dire. D’un autre côté, tous les poètes, même les plus glorieux, ont connu leur part de misères et de chagrin… Merci beaucoup de ton commentaire et très bonne semaine à toi. Bises.

  2. Gérard

    magnifiques haïkus, qui sont pour certains des « Jisei » (辞世の句) c’est à dire des haïkus de fin de vie et d’adieux avant la mort, comme le veut la tradition des haïjïns japonais. Je possède plusieurs livres de haïkus, mais pas celui ci, je pense que je vais prochainement combler ce vide. Merci

    1. Bonjour, merci pour vos explications sur les « Jisei ». Je ne connaissais pas ce mot. Parmi les livres de haïkus que cet éditeur publie il y a aussi celui de la poétesse Chiyo-ni. A découvrir également, je pense. Bonne soirée !

      1. Gérard

        Oui c’est surement aussi un bel ouvrage. Je connais Chyo-ni, qui figure avec d’autres femmes poétesses dans l’anthologie  » du rouge aux lèvres » de Dominique Chipot et Makoto Kemmoku. On y découvre d’autres femmes haïjïns dont les poèmes-haïkus ont traversés les siècles… à lire absolument si vous ne le connaissiez pas.

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