Des Poèmes d’Anne Barbusse extraits de « La non-mère »

Anne Barbusse a fait paraître cette année, chez les éditions Pourquoi viens-tu si tard, ce recueil poétique, « La non-mère« , qui mêle ses souvenirs d’enfance dans les années 70, les figures parentales d’une froideur et d’une brutalité révoltantes et les images d’une époque marquées par la surconsommation de masse, les grandes surfaces commerciales, les jouets en plastique, la télévision, le culte de la voiture, et les tentatives de la petite fille maltraitée pour s’échapper de cet environnement par la lecture et la « contre-écriture ».

Quatrième de Couverture

Il y a plusieurs façons d’être une non-mère.
Il y a plusieurs façons d’être une petite fille qui se débat pour survivre face à une non-mère dans les seventies avec les supermarchés qui ouvrent, les autoroutes qui se construisent, une civilisation des objets efficace et sans affect, une violence petite-bourgeoise héritée d’avant 68, une sociologie du désastre.
Et la lecture / l’écriture qui défient encore les matérialismes qui frappent.

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Note biographique sur la poète

Anne Barbusse habite dans le Gard. Elle a publié un journal sous forme de recueil poétique (Moi la dormante et Les Accouchantes nues, Unicité, 2021 et 2022), et A Petros, crise grecque (Bruno Guattari éditeur, 2022).
Elle traduit de la poésie grecque moderne et écrit des textes de création sur le cinéma dans la revue numérique Fragile.

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certaines poupées parlent marchent
elles ont des corps raides
tu les détestes
leurs corps sont pleins de piles qui toujours s’arrêtent de
fonctionner
elles ont des entrailles effrayantes
elles sont la modernité en marche
déjà tu t’en défies
leurs paroles automatiques et répétitives ne seront jamais
humaines
comme la mère ne sera jamais humaine
décidément comment combler le manque charnel
avec des piles

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tu t’appelles Anne car c’est un prénom rapide pour t’appeler
a-t-elle dit quand tu as demandé le pourquoi du comment
ton frère Eric même topo
aurait dû prendre un chien plutôt qu’un enfant
Anne et Eric Annéric ça va très vite
pour donner des ordres engueuler reprocher
à partir de là tu te tais et affrontes l’anormalité
jusqu’au départ
il faudra porter ce prénom en dépit de la vie
années 80 mort des idéologies fin de
l’idéalisme de la mère puis tu tairas à partir de
vingt ans le mot maman
n’existe plus
ne peut plus sortir de ta bouche en perdition
les prénoms ont les capacités de nous non-définir.

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15 réflexions sur “Des Poèmes d’Anne Barbusse extraits de « La non-mère »

    1. Bonsoir Bernhard, merci de ton commentaire, c’est effectivement un livre dur ! Beaucoup de souvenirs douloureux sont exprimés à travers ces poèmes. Une enfance maltraitée, agressée, rabaissée… qui trouve son propre langage poétique. Bonne soirée à toi !

  1. C’est étrange mais je n’ai pas ressenti d’émotion en lisant les extraits comme si c’était trop réel… Je ne sais pas. J’ai de la difficulté à trouver les mots justes pour décrire mes impressions de lecture.

    1. Bonsoir Nathalie, merci de ton appréciation ! Parfois, les paroles de victimes sont trop dérangeantes et ne trouvent pas les échos qu’elles pourraient attendre… Chacun reçoit ces textes selon sa propre sensibilité, bien sûr. Bonne soirée à toi !

  2. Quelle violence! La poésie est en tous cas une magnifique façon de transcender ces expériences douloureuses. Et c’est bien la preuve que la poésie n’est pas que contemplative.

    1. Bonsoir Sacha, merci beaucoup de votre commentaire pénétrant ! Je suis d’accord, dans ce recueil la poète fait acte de résistance avec ses mots. On sent que le traumatisme est bien présent, encore. Appeler sa mère une « non-mère » est un acte extrêmement fort. Bonne soirée à vous !

  3. Une poésie très psy…Tu n’as pas donné ton avis ? Je verrais plutôt mes non mères autrement mais sa vision est peut-être le fruit d’une souffrance. Elle est respectable même si je ressens les choses différemment. Bisous.

    1. Bonsoir Pat… Dans ce recueil la « non-mère » désigne la mère de la poète, celle qui la maltraitait durant toute son enfance, et qu’elle ne peut plus (ni ne veut) appeler ou considérer comme sa mère.
      Merci de ton commentaire, bonne soirée !

  4. Les mots sont martelés. Des poèmes à la violence sourde, auxquels je suis sensible.
    Je peux suivre le travail (de loin, avec des poèmes choisis, en attendant d’en lire plus) de cette poète grâce à toi. Je te souhaite une très bonne journée Marie-Anne, Amitiés

    1. Bonjour Ana-Cristina. Merci de ton appréciation ! C’est effectivement un recueil dur et dans lequel on sent une révolte et une grande tristesse. Cette dureté répond à la violence subie, à ces souvenirs si cruels. Très bonne journée à toi, bien amicalement,
      Marie-Anne

  5. C’est dur… j’imagine très bien ces textes slamés, cela doit être intense à écouter (et sans doute encore plus dur). Merci pour ce sombre partage, Marie-Anne.

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