Ces casseroles qui applaudissent aux fenêtres d’Iegor Gran

couverture chez POL

J’ai découvert ce livre par hasard, début octobre, en me promenant dans une célèbre librairie du quartier de Vavin-Montparnasse et le titre m’a tout de suite attirée.
Ces casseroles qui applaudissent aux fenêtres a été écrit, comme vous devez vous en douter, durant le premier confinement de mars-avril et mai 2020, et il adopte un ton résolument caustique, critique et polémique. C’est parfois drôle et pertinent, avec un sens de l’observation affûté et un sens percutant de la formule, mais à d’autres moments je n’adhérais pas vraiment à ces points de vue quelque peu excessifs.

En gros et pour résumer, Iégor Gran est absolument contre le confinement, quelles que soient les proportions prises par l’épidémie de Covid-19 et qui n’est, à ses yeux, pas grand-chose puisque, d’après lui, seuls les vieux et les riches en meurent. Tout ce qu’il voit, c’est que le confinement fait tomber dans la misère les pauvres, les artistes, les indépendants, les précaires, etc.
Les « casseroles qui applaudissent aux fenêtres » représentent tout au long de ces pages une certaine classe bourgeoise, très favorisée, déjà un peu âgée, qui a ridiculement peur de mourir du coronavirus alors qu’elle risque bien davantage de mourir du tabac ou de maladies cardiovasculaires et qui font crever les pauvres en applaudissant un confinement injuste et arbitraire.
Personnellement, je trouve ça un peu caricatural, même s’il y a un fond de vrai.
Pourquoi les vieux et les riches (qui ne se confondent pas forcément) n’auraient-ils pas le droit de survivre, autant que les pauvres et les jeunes ? Pourquoi faudrait-il sacrifier les uns à la survie des autres ? Je pensais que nous vivions dans un pays qui respecte la vie humaine et qui ne hausse pas les épaules en disant : « Bon, ce virus tue 0,6% de la population, tant pis pour eux, ce n’est pas très grave, pensons plutôt au PIB ! »
Je me demande quel genre de livre Iégor Gran aurait écrit si le gouvernement avait réagi ainsi, sans nous confiner, en laissant le virus circuler librement et tuer les plus fragiles.
Mais bon, « avoir bonne conscience, c’est magique » comme le proclame hardiment le bandeau de couverture en espérant bien nous culpabiliser un chouïa.
Une lecture qui m’a tantôt fait rire et tantôt agacée, et qui a le grand mérite de ne pas laisser indifférent !

Un Extrait page 18 :

La mort, que les hommes ont pour habitude de voiler pudiquement, circulait au grand jour, servie par le bon docteur Salomon. Et on l’applaudissait. Personne pour se demander si la bacchanale ne manquait pas de délicatesse.
Plus tard, après le déconfinement, le nombre de morts allant en diminuant, on applaudirait avec nettement moins d’allégresse. Quand il tomberait durablement en dessous de cent victimes quotidiennes, aux alentours du 20 mai, la fête serait finie, on cesserait d’applaudir.
Ah mais attention, il faudrait nuancer, car il y avait mort et mort. Les morts du Covid avaient infiniment plus de valeur que les autres. C’est ceux-là que comptait et recomptait sur ses dix doigts la direction de la Santé. Des morts de première classe. Les autres n’intéressaient personne. Combien de cancers ? D’accidents domestiques ? D’AVC ?
(…)

22 réflexions sur “Ces casseroles qui applaudissent aux fenêtres d’Iegor Gran

  1. Les Pays qui s’en sortent le mieux sont ceux qui ne confinent pas comme le Japon, la Corée, etc. Et en même temps, la France, en pleine pandémie continue la fermeture des lits d’hôpitaux…

    1. Oui mais pour se passer du confinement il faut tester massivement la population, isoler les malades dans des lieux adaptés, etc. Et ça, on n’en est pas capable. Ou, du moins, on ne l’a pas fait assez tôt.
      Je ne vois pas comment on pourrait maintenant s’en sortir sans confinement.

      1. Maintenant, c’est certain que c’est trop tard. On pouvait reprendre la main cet été en copiant les mesures prisent par les pays du sud-est asiatiques, mais le gouvernement a décidé de faire autrement…

  2. J’étais très étonné d’entendre des propos similaires dans la philosophique bouche d’André-Comte Sponville. Je ne partage pas car c’est mélanger un peu tous les paramètres. Opposer les tranches d’âge ajoute à la confusion. Le débat est ouvert !

    1. Oui, l’auteur de ce livre en fait une question de lutte entre générations et aussi une sorte de lutte des classes. Alors que le virus touche largement les pauvres, c’est prouvé. Les diabétiques, obèses, hypertendus, etc. sont très fragiles par rapport au covid et ils sont souvent jeunes et pauvres. C’est un genre d’instrumentalisation de la maladie.
      Merci Alain ! C’est vrai que le débat est ouvert 🙂

    1. Ca c’est très vrai Frédéric, ce livre est complètement décomplexé et sans langue de bois ! Ca nous change de certains médias trop complaisants. Mais il tombe un peu dans l’excès inverse, selon moi ! Dans un sens, ça permet de se forger sa propre idée !
      Merci Frédéric, bonne journée 🙂

  3. oui, très beau titre !
    pour le reste…. un système hospitalier en état de marche et des dirigeants un peu moins ….(je laisse le lecteur choisir le qualificatif le plus idoine) n’auraient peut-être pas sauvé tout le monde, mais qui sait ?

    1. Oui, ce titre a tout de suite attiré mon attention et, en plus, j’avais envie de lire qqch sur notre situation sanitaire actuelle. Mais ce livre m’a paru vraiment trop excessif dans ses points de vue !
      Merci Carnets Paresseux !

  4. Je ne comprends pas l’extrait : personne n’applaudissait les morts, on applaudissait le dévouement des personnels de santé soumis à rude épreuve. Quelle ingratitude. Peut-être cette personne a-t-elle la conscience tranquille en étant contre le confinement ? Sans doute un partisan de M. Bolsonaro.

    1. Je dirais plutôt qu’il est d’extrême-gauche, il ramène tout à la lutte des classes, même les malades du covid… Mais en effet ses attaques sont souvent d’assez mauvaise foi et il utilise des arguments discutables pour appuyer son propos. Merci Prince Ecran Noir !

  5. Un livre qui veut créer la polémique comme les émissions des mauvaises chaînes d’infos. Mais qui ne veut pas faire réfléchir semble-t-il ! Dommage ! Mais, merci… ta chronique m’évite d’être attirée par un titre provocateur et de faire une erreur ! 😉

  6. frédéric perrot

    Bonsoir Marie-Anne, merci pour cette excellente synthèse au sujet d’un livre, que je ne comptais pas lire. Votre article m’en dispense définitivement ! Il faudra un peu de temps avant que de bons livres paraissent sur cette étrange année 2020, une « année maudite » comme aurait dit Henri Michaux ! Bien cordialement. Merci pour la qualité de votre blog. Belle fin d’année à vous !
    Frédéric Perrot

    1. Merci à vous Frédéric ! Ce livre a été écrit au cours du Premier Confinement du printemps et il est certain qu’on manquait beaucoup de recul sur cette épidémie. Belle fin d’année à vous !

  7. Patrice

    Sans adhérer au propos de l’auteur, je suis sûr, comme tu le soulignes, qu’il ya quelques bonnes réflexions à glaner en lisant ce livre. On n’a pas fini d’analyser cette épidémie de Covid 19. Je lisais que l’Allemagne, qui faisait figure de bonne élève de la première vague, se laissait déborder par la seconde et prenait désormais des mesures plus strictes de confinement ; la Corée du Sud semble aujourd’hui avoir du mal à faire face à la troisième vague. Pas facile de savoir ce qui est juste ; en tout cas, respecter les mesures préconisées va de soi pour moi, c’est une question de bon sens.

    1. Oui, d’autant plus que certains pays mentent sur leurs chiffres ou ne comptabilisent pas les décès de la même manière que nous (comme l’Allemagne) … Par moments on se pose des questions sur certains bons résultats.

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