L’histoire d’un Allemand de l’Est de Maxim Leo

J’ai lu ce livre dans le cadre du défi des Feuilles Allemandes du blog de Patrice et Eva « Et si on bouquinait un peu » que je vous invite à découvrir.
C’est d’ailleurs sur ce même blogue que j’avais entendu parler de l’Histoire d’un Allemand de l’Est en 2019 et que ma curiosité avait été piquée ; la boucle est donc en quelque sorte bouclée !

Ce livre n’est pas un roman, il s’agit d’un récit familial précisément documenté, à partir des journaux intimes des protagonistes ou de leurs interviews orales, dans un souci de reconstitution historique. Le livre est d’ailleurs abondamment illustré de photos des différents personnages aux époques successives de leur vie, comme pour rappeler au lecteur qu’il se trouve bien dans une histoire réelle, que rien n’est inventé, que tout est vérifiable.
Maxim Leo, né en 1970 à Berlin-Est, avait 19 ans quand le Mur de Berlin s’est effondré et il éprouve le besoin de retracer le parcours et les espoirs de sa famille depuis les années 1920-30, avec les deux grands-pères très engagés dans l’édification de la RDA après l’écroulement du nazisme, puis les parents politiquement divergents (la mère, membre du Parti Communiste mais désireuse de le voir évoluer ; le père, très critique vis-à-vis du régime, artiste d’avant-garde essayant de préserver son indépendance).
L’auteur nous montre l’ambivalence des opinions des uns et des autres, la manière dont chacun essayait de louvoyer avec le régime communiste, de rester fidèle à l’idéologie tout en sauvegardant de rares espaces de liberté. Même les réactions du régime semblent assez imprévisibles : parfois disproportionnées pour des broutilles ou au contraire très tolérantes pour des choses plus sérieuses, on se dit que les allemands de l’Est devaient avoir une vision assez imprécise de leur marge de liberté et on comprend pourquoi Wolf – le père de Maxim – ne cesse de tester les limites qui lui sont imposées, dans l’espoir de les faire craquer.
Si l’histoire des deux grands-pères m’a semblé intéressante, j’ai préféré celle des générations ultérieures, qui laisse davantage de place aux émotions de l’auteur et à ses souvenirs de jeunesse, avec des réflexions plus personnelles et moins purement documentaires.
L’écriture est efficace, assez neutre, sans beaucoup de recherche, mais assez plaisante.
J’ai trouvé cette lecture instructive, agréable, mais peut-être un peu trop cantonnée à la grande histoire. J’aurais parfois souhaité un peu plus de petites histoires ou de psychologie ou même de poésie …

Je conseillerais ce livre sans hésiter à un amateur de lectures historiques … Les autres ne seront pas forcément convaincus.

Extrait page 40 :

(…) Quand Anne me raconte tout cela, aujourd’hui, elle se met parfois à pleurer. Peut-être par rage d’avoir été si naïve, peut-être aussi par déception que cela n’ait pas fonctionné. Que cet Etat et ce parti qui lui ont pris tant d’énergie aient tout simplement disparu. Je crois que ma mère avait pour cet Etat une sorte d’amour adolescent et malheureux. Elle s’était enflammée, jeune fille, pour la RDA, et il lui avait fallu toute une vie pour s’en détacher. Il m’est difficile de comprendre tout cela, d’admettre que ma mère, cette femme intelligente et réservée, porte encore le deuil de ce premier grand amour vingt ans après la fin de la RDA. A quelle profondeur tout cela doit-il être encore enraciné en elle, cet espoir, cette volonté inconditionnelle d’être du combat pour libérer le monde du mal ! (…)

L’Histoire d’un Allemand de l’Est de Maxim Leo est paru chez Actes Sud en 2010, dans une traduction d’Olivier Mannoni.

17 réflexions sur “L’histoire d’un Allemand de l’Est de Maxim Leo

  1. A Berlin, il y a un musée qui présente la vie au temps de la RDA. J’avais été frappée de voir autant d’allemands se  » regalaient » à retrouver des bribes de leur vie passée…la nostalgie peint les souvenirs au point que de les déformer 😉

    1. C’est peut-être moi que tu avais vu dans ce musée 🙂 Je ne suis pas allemande mais l’enfance dans mon pays ressemblait beaucoup à celui des Allemands de l’Est. Oui, les visiteurs s’enthousiasment de voir un jouet, une coupe de pantalon de l’époque ou une Trabi, mais pas par « ostalgie » (enfin, pour la plupart), mais parce que ce sont nos souvenirs d’enfance/de jeunesse qui peuvent être bons malgré le système totalitaire de l’époque. Il n’est donc pas justifié de nous « reprocher » un avis déformé par la nostalgie ; on peut en effet sincèrement condamner le régime, célébrer sa chute, ne pas oublier les victimes tout en ayant de bons souvenirs…

    2. Dans le livre, la mère du héros a un idéal communiste très fort et très sincère. Elle souhaite réellement réformer le Parti et améliorer le régime, mais elle ne veut pas du tout sa chute et le mode de vie de l’Ouest ne lui fait pas du tout envie. Pour ma part, ça ne me parait tellement étonnant ou absurde. Après tout, il y avait aussi des communistes en Europe de l’Ouest.

  2. Patrice

    Je comprends ce que tu veux dire en conseillant ce lire à des gens qui aiment les lectures à caractère historique, et il est très juste que l’écriture en tant que telle, ou la poésie du texte, ne sont pas les points forts du texte. Merci pour ta participation !

    1. Mais j’ai tout de même bien aimé ce livre, aussi pour l’aspect psychologique, la manière dont on peut adhérer à certaines idéologies. C’est un livre nuancé, rien n’est tout noir ou tout blanc, et c’est ce que j’ai bien aimé. Merci ! J’étais contente de participer !

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