Un poème en vers libres d’Antonin Artaud

L-Ombilic-des-limbesJe me suis dit qu’il était temps de faire une petite place à la poésie surréaliste, et pourquoi pas à Antonin Artaud, qui occupe une place marginale (et donc intéressante) dans ce mouvement.
Je n’ai pas trouvé beaucoup de poèmes en vers libres de ce poète, et celui que j’ai choisi est extrait de L’Ombilic des Limbes (surtout composé de textes inclassables, de lettres et de poèmes en prose – si tant est qu’on puisse appeler « poèmes » des textes que l’auteur estimait en dehors de la littérature).
Vous trouverez L’Ombilic des Limbes publié chez Poésie Gallimard.

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Poète Noir

Poète noir, un sein de pucelle
te hante,
poète aigri, la vie bout
et la ville brûle,
et le ciel se résorbe en pluie,
ta plume gratte au cœur de la vie.

Forêt, forêt, des yeux fourmillent
sur les pignons multipliés ;
cheveux d’orage, les poètes
enfourchent des chevaux, des chiens.

Les yeux ragent, les langues tournent
le ciel afflue dans les narines
comme un lait nourricier et bleu ;
je suis suspendu à vos bouches
femmes, cœurs de vinaigre durs.

Antonin Artaud

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14 réflexions sur “Un poème en vers libres d’Antonin Artaud

  1. Un auteur inclassable, même dans le surréalisme, c’est peu dire… Je l’ai lu et relu vers vingt ans, d’autant plus qu’à l’époque je voulais devenir comédien, et « le théâtre et son double » reste l’une des bibles de tout apprenti comédien. Mais je lui préférais l’Ombilic des Limbes.

    1. C’est vrai qu’Artaud est aussi important pour le théâtre que pour la poésie, mais je n’ai pas lu « le théâtre et son double ». Par contre, je lis régulièrement L’ombilic des Limbes (et Le Pèse-Nerfs) depuis une vingtaine d’années et je trouve que c’est une lecture qui ne « s’use pas » ! Je pense que sa manière de revendiquer sa folie et sa singularité mentale était aussi quelque chose de neuf à son époque.

      1. Tout à fait, c’était un être à part, pour l’époque d’autant plus. Et comme le dit à peu près Cioran : « Seul un monstre peut se permettre le luxe de voir les choses telles qu’elles sont »

      2. Le mot monstre est à prendre je pense non pas au sens moral mais au sens de « hors du commun ». Ne dit on pas un « monstre sacré » ? Sa folie le rendait sans doute à même de percevoir des choses de la réalité impossible à déceler au commun des mortels.

  2. Lire et relire Artaud, je ne peux m’empêcher de voir son visage brûlant d’expressions derrière ces vers, tant les uns dans l’autre ne font qu’un. Merci.

  3. Pas encore réussi à rentrer dans l’écriture d’Artaud ; e lis, j’admire de confiance, mais rien à faire, je reste à la porte… le moment n’est sans doute pas – pas encore, j’espère – venu.

    1. Ah oui, je comprends. Quelquefois on reste étranger à certains styles, à certaines pensées, sans savoir pourquoi. Il faut dire que la pensée d’Artaud est très dérangeante et singulière, un peu extrémiste je trouve, et donc on n’y adhère pas forcément de prime abord.

  4. arbrealettres

    J’aime bien son style même si pas trop publié non plus… Il en faut des poètes de toutes les couleurs 😉 😉 😉
    « D’où venons-nous? » Pas de réponse. Mais pas de question. « Où allons-nous? » Pas de réponse. Et pas de question. Nous n’allons nulle part. Nous ne retrouverons pas un ailleurs. Nous n’y aspirons pas. Nous n’allons pas « vers ». Nous ne venons pas « de ». (Antonin Artaud)

  5. M

    Moi je dis que ce n’est pas un poème…… Mais peut-être que j’ai tort. En tout, ces textes qui sont faits comme ça, ça ne fait pas parti de la catégorie « poésie » mais plutôt de la catégorie « texte qui ressemble à une poésie » (mais c’est le titre de mes catégories à moi, donc ne les critiquées pas) !!!!!

    1. Bonjour, C’est pourtant un texte qui n’est pas en prose et qui regorge d’images inattendues – donc un poème oui je pense.
      Poème ne signifie pas forcément rimes et alexandrins.
      Bonne journée.

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