Trois poèmes de Samuel Beckett

poemes_beckettLes poèmes de Samuel Beckett forment un court recueil d’une vingtaine de poèmes, écrits vers la fin des années 30, et sont suivis par un autre recueil, intitulé Mirlitonnades et qui date de 1978.
J’ai choisi trois poèmes dans ce livre :

 

Que ferais-je sans ce monde sans visage sans questions
où être ne dure qu’un instant où chaque instant
verse dans le vide dans l’oubli d’avoir été
sans cette onde où à la fin
corps et ombre ensemble s’engloutissent
que ferais-je sans ce silence gouffre de murmures
haletant furieux vers le secours vers l’amour
sans ce ciel qui s’élève
sur la poussière de ses lests

que ferais-je je ferais comme hier comme aujourd’hui
regardant par mon hublot si je ne suis pas seul
à errer et à virer loin de toute vie
dans un espace pantin
sans voix parmi les voix
enfermées avec moi

****

bon bon il est un pays
où l’oubli où pèse l’oubli
doucement sur les mondes innommés
là la tête on la tait la tête est muette
et on sait non on ne sait rien
le chant des bouches mortes meurt
sur la grève il a fait le voyage
il n’y a rien à pleurer

ma solitude je la connais allez je la connais mal
j’ai le temps c’est ce que je me dis j’ai le temps
mais quel temps os affamé le temps du chien
du ciel pâlissant sans cesse mon grain de ciel
du rayon qui grimpe ocellé tremblant
des microns des années ténèbres

Vous voulez que j’aille d’A à B je ne peux pas
je ne peux pas sortir je suis dans un pays sans traces
oui oui c’est une belle chose que vous avez là une bien belle chose
qu’est-ce que c’est ne me posez plus de questions
spirale poussière d’instants qu’est-ce que c’est le même
le calme l’amour la haine le calme le calme

****

musique de l’indifférence
cœur temps air feu sable
du silence éboulement d’amours
couvre leurs voix et que
je ne m’entende plus
me taire

****

Les poèmes de Samuel Beckett étaient parus aux éditions de Minuit.

 

13 réflexions sur “Trois poèmes de Samuel Beckett

  1. arbrealettres

    Poèmes forts qui nous parlent de notre « Etreté » et de notre impuissance à vivre pleinement heureux dans un monde qui semble si indifférent à ses créatures …
    Merci pour cette découverte MB 🙂
    J’avais oublié que j’en avais quelques uns aussi sur Arbrealettres 😉
    http://arbrealettres.wordpress.com/tag/Samuel-Beckett/

    Même « philosophie » de l’absurde, du paradoxe de l’âtre face au Néant.. qui « néante »! 😉

    Le vide. Face aux yeux écarquillés.
    S’écarquillant où faire se peut.
    Toutes parts.
    En haut en bas.
    Ce champ étroit.
    Savoir pas plus.
    Voir pas plus.
    Dire pas plus.
    Ça seul.
    Ce petit peu de vide seul.

    (Samuel Beckett)

  2. Merci pour ce poème. Je viens de regarder la rubrique Beckett sur arbrealettres et on dirait que tu as choisi les poèmes les plus courts (qui sont d’ailleurs très bien) – je crois que j’ai fait le choix inverse : ce sont ses poèmes les plus longs qui m’ont le plus touchée ! Du coup je crois que nos blogs se complètent pas mal 🙂
    Bonne soirée !

    1. arbrealettres

      Ah j’ai toujours préféré le bref…au-delà de quelques vers j’en oublie le début!! 😉 😉
      Belle journée malgré la pluie 🙂

  3. Diony

    Je passais par là au hasard de mes pérégrinations sur le net, pas vraiment férue de poésie, mais ce fut un plaisir de découvrir quelques poèmes de cet auteur que je ne connais que trop bien de nom. Merci pour la découverte 🙂

  4. Victor White

    Bonjour. Chouettes poèmes. Si vous – l’administrateur de cette plateforme – pouvez me contacter svp, je suis dans l’urgence de trouver au moins un site tel que le votre pour publier certains de mes poèmes déjà édités, vous verrez avec l’expression sincère de la vérité que vous ne serez pas déçu, je vous laisse mon mail : victor_white@ymail.com.

  5. J’ignorais également que Samuel Becket eût écrit des poèmes et suis content d’avoir, grâce à vous, d’avoir découvert ceux-ci. Par contre, j’ai étudié ses romans à la faculté de Nanterre et écrit un petit mémoire sur sa pièce « En ttendant Godot ». Merci pour avoir aime mes poèmes. Amicalement.

    1. Bonjour,
      J’avais commencé par lire « En attendant Godot » et je ne l’avais pas tellement apprécié, et puis après je l’avais vu au théâtre et ça m’avait paru formidable, très fort.
      Ses poèmes forment une oeuvre assez mince, mais très belle, je trouve.
      Amicalement.

  6. Au sujet de mon mémoire sur cette pièce, on m’avait reproché d’avoir trop fortement marqué son aspect mystique (Godot=God=Dieu) et négligé son aspect comique que je n’avais pas vraiment apprécié également et l’on me conseilla de la voir jouer. Effectivement, elle possède un humour décapant. Amitiés.

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