« Anselm » de Wim Wenders

Affiche du film

J’avais déjà eu l’occasion de parler du fameux peintre contemporain allemand Anselm Kiefer (né en 1945) lors d’une exposition de lui, vue à Paris au Grand Palais Ephémère, il y a deux ou trois ans (décembre 2021).
Aussi, j’étais contente d’apprendre, en octobre dernier, que Wim Wenders venait de sortir un documentaire sur cet artiste d’exception et il n’était pas question, pour moi, de manquer un tel événement !
Cette chronique sera donc la toute dernière du Printemps des Artistes 2024.

Vous pouvez retrouver en suivant ce lien le précédent billet que j’avais consacré à l’exposition d’Anselm Kiefer au Grand Palais Ephémère.

J’ajoute qu’il existe une version en 3D de ce film mais pour ma part je l’ai vu en 2D.

Note technique sur le film

Nationalité : Allemande
Genre : Documentaire
Date de sortie en salles : octobre 2023
Durée : 1h34

Résumé d’après Allociné

Une expérience cinématographique unique qui éclaire l’œuvre d’un artiste et révèle son parcours de vie, ses inspirations, son processus créatif, et sa fascination pour le mythe et l’histoire. Le passé et le présent s’entrelacent pour brouiller la frontière entre film et peinture, permettant de s’immerger complétement dans le monde de l’un des plus grands artistes contemporains, Anselm Kiefer.

Mon Avis

Il y a sans doute, dans ce film, l’idée déjà ancienne et le désir très germaniques de créer une « Œuvre d’art total » : à travers les images extrêmement esthétiques de Wim Wenders, nous avons accès aux tableaux monumentaux et aux sculptures spectaculaires d’Anselm Kiefer, avec une forte présence musicale, chantée ou non, souvent accompagnée de poésie allemande – par exemple des images d’archive d’Ingeborg Bachmann récitant l’un de ses textes ou l’enregistrement vocal saisissant et bouleversant de Paul Celan (« le lait noir de l’aube », Fugue de mort). Ainsi, tous les arts sont fortement entrelacés et associés les uns aux autres, dans ce film.
Dans un grand nombre de documentaires ordinaires, on assiste en général aux interviews successives et répétées de plusieurs intervenants sur tel ou tel sujet, mais ici le spectateur a une impression beaucoup plus dynamique et les moments où Anselm Kiefer s’exprime face à la caméra sont finalement assez peu nombreux et plutôt courts. Il arrive, en revanche, que Wim Wenders nous propose des images de vieux téléviseurs des années 70-80 ou 90, à l’intérieur desquels un extrait d’interview de Kiefer jeune nous est diffusé. Et le cinéaste semble apprécier ces emboîtements de cadres à l’écran, formant des rectangles imbriqués (fenêtres, cadres, téléviseurs, tableaux, portes, etc.)
Wim Wenders semble apprécier, également, de tenter de reproduire ou, au moins, d’évoquer les tableaux de Kiefer par une reconstitution grandeur nature d’un paysage similaire : ainsi, les vastes terrains enneigés, ou les champs de tournesols, ou encore les hautes et denses forêts aux troncs interminables, etc. On peut d’ailleurs remarquer que les tableaux de Kiefer sont d’une taille assez équivalente à celle d’un écran de cinéma – je n’ai pas les mesures exactement en tête mais, en tout cas, l’effet est assez proche, quand on leur fait face.
Ce qui m’a plu particulièrement c’est la visite et les longues déambulations dans l’atelier de Kiefer – un atelier aussi énorme qu’une usine, dans laquelle la création des œuvres mobilise tout une équipe d’ouvriers et des tas de machines de chantier, de fonderie, de chalumeaux, d’engins élévateurs, et autres – l’artiste semble là-dedans comme un véritable conducteur de travaux et chef d’entreprise, c’est assez surprenant.
Ce qui m’a un peu moins plu c’est les séquences avec l’enfant – censé représenter Anselm Kiefer quand il était petit – et qui s’accompagne de toute une mise en scène poétisante (si j’ose dire), qui ne m’a pas paru convaincante. L’idée était peut-être de nous montrer que le célèbre artiste allemand reste un grand enfant au fond de son cœur mais on n’y croit pas trop…
Un film qui, dans l’ensemble, m’a beaucoup plu, par sa qualité artistique, sa beauté, son atmosphère onirique et captivante.

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Logo du Défi, créé par Goran



18 réflexions sur “« Anselm » de Wim Wenders

    1. J’ai tenté de commenter votre article mais blogspot n’a pas voulu accepter mon commentaire. Je me permets donc de passer par cette autre voie pour vous remercier pour cet écrit sur « Anselm » et rappeler que Wenders avait également utilisé la 3D pour son film sur Pina Bausch. Un réalisateur qui sait employer ce procédé toujours avec pertinence.

  1. Vu en 3D à sa sortie. Chroniqué dans mon blog Toiles nomades ci-dessus. J’ai également écouté les podcasts où WimWenders parlait de ce film disponibles sur l’application RadioFrance.
    Moi non plus j’ai moins aimé le petit garçon et j’ai été bouleversée par le poème de Celan.

    1. Bonjour Miriam, merci pour le lien vers votre chronique que je vais aller lire de ce pas. J’ai préféré voir ce film en version normale car je n’aime pas trop la 3D. Évidemment, ça rajoute sans doute quelque chose aux œuvres monumentales de Kiefer et à son énorme atelier d’artiste…

      Oui, les scènes avec le petit garçon ne fonctionnent pas trop…

      Bon week-end à vous !

  2. Bonjour Marie-Anne,
    Je suis passé complètement à côté de ce documentaire de Wenders sur Kiefer. heureusement, tu es ma vigie et cet article de fin de « printemps » me montre le chemin vers l’atelier de l’artiste. Je ne manquerai pas de m’y engager. Grand merci.

    1. Bonjour Prince Écran Noir! Ce film sur Anselm Kiefer n’était pas sorti dans beaucoup de salles et il n’est pas resté longtemps à l’affiche. Il est passé d’autant plus inaperçu que Wim Wenders l’a sorti en même temps que « Perfect Days », qui l’a totalement éclipsé 🙂 C’est dommage car je trouve que c’est un bon documentaire, avec certaines scènes très belles. Merci beaucoup de ton commentaire et très bon week-end à toi 🙂

    1. Bonjour Matatoune, merci pour ton message. Ce film de Wim Wenders est resté assez confidentiel, on en a pas tellement parlé. Il a été éclipsé par « Perfect Days », sorti à la même période. C’est un documentaire très esthétique et intéressant quand on aime bien la peinture d’Anselm Kiefer. Très bon week-end à toi 🙂

  3. natlarouge

    difficile d’être indifférent face à cet artiste. merci pour l’idée du film que je tenterais de regarder. bonne journée

    1. Bonsoir Natlarouge, Cet artiste a souvent déclenché des polémiques, effectivement. Il suscite des rejets violents quelquefois. Comme il s’intéresse à l’histoire allemande depuis l’époque nazie, ça peut être dérangeant ou, en tout cas, poser question. Merci de votre commentaire et très bon week-end

    1. Bonjour Jean-Louis. Oui, je comprends 🙂 Deux grands artistes allemands contemporains. J’ai trouvé que ce film était beau. Merci de ton commentaire et très bon dimanche 🙂

  4. Ping : Le Bilan du « Printemps des artistes » de 2024 – La Bouche à Oreilles

  5. reBonjour Marie-Anne,
    Se souvenir d’un film ou d’un livre c’est aussi se souvenir du moment où on l’a découvert. Proust a très bien raconté ce phénomène dans « Sur la lecture » il me semble. Eh bien, avec ce film c’est ce qui se passe pour moi… D’une façon étonnante, la salle où je l’ai vu, les autres spectateurs, l’ambiance, mon humeur … sont inextricablement liés aux images de ce film. Film qui m’a tout appris sur Anselm Kiefer. Je n’aimais pas ses œuvres, mais je ne connaissais rien, n’avais rien compris… Après ce film, je n’aime toujours pas beaucoup les œuvres de cet artiste -d’ailleurs peut-on vraiment les aimer ? Ne s’agit-il pas avant tout de les comprendre ?- , mais je trouve son travail très intéressant et je ne vois plus du tout de la même manière ces œuvres monumentales. Et certaines œuvres me fascinent comme cette bibliothèque aux livres de plomb (?). Comme toi la séquence avec l’enfant ne m’a pas convaincue.
    Merci pour cette belle chronique qui m’a rappelé cette séance de cinéma, ce film et cet artiste.

    1. Bonjour Ana-Cristina, Je comprends que tu n’aimes pas trop l’oeuvre de Kiefer… elle est très sombre, lugubre même, marquée par le souvenir de la seconde guerre mondiale. Anselm Kiefer a été très mis à l’honneur ces dernières années, avec plusieurs expos successives à Paris, il est devenu une figure centrale de l’art contemporain, j’ai l’impression… De mon côté, j’ai vu ces différentes expos avec grand intérêt et en me posant des questions sur les buts de cet artiste, sur ses interprétations des poèmes de Celan et Bachmann, aussi. Le film apporte certains éclairages, je trouve, et puis il ne manque pas de beauté ! Merci à toi pour ton commentaire ! Amitiés. A bientôt !
      Marie-Anne

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