Deux de mes derniers poèmes en prose

Le Jour et la nuit

Le jour n’est ni le contraire ni l’inverse de la nuit, – encore moins son opposé – car, ce que le jour recherche en déblayant les nuages du côté du levant, la nuit le cherche aussi en fouillant les impuretés des ténèbres sous le colimaçon du rêve.
Ce que le jour amplifie et fait résonner dans les trois dimensions bien cartographiées de la conscience, la nuit le rétrécit, le réduit à la seule et unique dimension du tâtonnement.
Si le jour nous met face au tumulte du monde pour nous faire comprendre que nous sommes voués à la connaissance, la nuit nous met face à notre propre tumulte pour nous faire comprendre que seule l’ignorance recèle quelque issue.
Le jour n’est ni le contraire ni l’inverse de la nuit, ce sont simplement deux mondes qui se tournent autour pour mieux s’éviter, et qui ne peuvent se rencontrer qu’en rougissant.

Marie-Anne Bruch

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Neige de Printemps

L’hiver est réapparu au beau milieu des mésanges en fleurs et des hirondelles en bourgeons, changeant les giboulées en poudreuse et la boue en verglas, figeant le paysage dans un scintillement de cristal friable, amortissant la stupéfaction de nos cœurs sous plusieurs épaisseurs de docile patience.
Alors, le cerisier ne sait plus démêler – entre froidure et fraîcheur, entre blancheurs et lividités – de la neige ou de la fleur, laquelle est la plus délicate ou la plus éphémère, laquelle se laissera cueillir avec le plus d’ineffable abandon.

Marie-Anne Bruch

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26 réflexions sur “Deux de mes derniers poèmes en prose

      1. arbrealettres

        jardin à quatre jours d’intervalle.. Printemps puis hiver puis ce jour « presque printemps »!
        oui il faut de tout en Pays de Poésie et chacun sa sensibilité 🙂
        Bravo … à ta Muse ! 😉 (masculin ??)

  1. Michel B.

    Très beaux en effet. Bien que, au sujet du premier poème, je pense que nuit et jour sont opposés ET complémentaires, tels le Yin et le Yang. La chute est magnifique. Et le second poème est d »une grande délicatesse.

  2. lentredeuxnotes

    Je découvre à l’instant ces deux merveilleux poèmes d’une grande sensibilité. Vraiment très beau. Merci

  3. Je ne connais pas grand chose à l’art de la poésie. J’en lis quelquefois (le plus souvent à voix haute) et je laisse les mots m’habiter. J’aime particulièrement le rythme de « Neige de printemps » Deux phrases où on y entend la vie bruire jusqu’au plus profond des racines… C’est beau. Merci Marie-Anne.
    Pardonnez ma question, mais pouvez-vous m’expliquer comment l’on distingue la poésie en prose d’un texte littéraire très court ?

    1. Merci beaucoup Laurence pour ces compliments qui me font très plaisir !
      Votre question est très pertinente et intéressante mais je crois qu’il y a souvent assez peu de différence entre poésie en prose et prose littéraire. Souvent, c’est le choix de l’auteur qui va classifier son texte plutôt dans l’une ou l’autre catégorie. Malgré tout, dans la prose poétique, il y a souvent une recherche de rythmes, d’images, de sonorités, qu’on ne retrouve pas dans tous les textes littéraires. Mais bon, certaines proses de Gracq ou de Colette tirées de leurs romans pourraient très bien être des poèmes. Ma réponse est sûrement un peu confuse, désolée 🙂

      1. Merci infiniment Marie-Anne. Au contraire, votre réponse éclaire les subtilités de l’art poétique. En définitive, tout écrit en prose porte sur la sensibilité de chacun pour en devenir de la poésie 🙂

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