Sur Le Bal d’Irène Némirovsky

Ce bref roman est une analyse très fine des sentiments que peuvent éprouver certaines jeunes filles dans les toutes premières années de l’adolescence – époque de grande métamorphose interne et physique mais où l’existence demeure celle de l’enfance.
Un désir urgent de vivre, toujours réfréné par des adultes qui imposent la patience parce que l’heure n’est pas encore venue, s’exprime par de sourdes mais violentes colères, par des accès de tristesse mais aussi par un penchant pour de romantiques rêveries.
Et pendant les longues journées d’attente où l’adolescente ronge son frein, son observation du monde des adultes devient toujours plus cruelle, des projets de revanche s’échafaudent, se bousculent, jusqu’à la brève impulsion qui anéantira les projets élaborés par les adultes.
Ce bref roman est surtout le récit d’une rivalité entre une mère et sa fille – une mère qui entend maintenir sa fille le plus longtemps possible dans l’état d’enfance, et qui se montre à la fois autoritaire, acariâtre, mais aussi curieusement confiante vis à vis de celle qu’elle voudrait « mâter » : confiante au point de lui offrir une victoire aussi facile qu’écrasante …
Mère et fille partagent en tout cas un important point commun : le désir de vivre et l’exaspération d’avoir déjà trop longuement attendu.
La ressemblance entre les deux personnages, pourtant antagonistes,  est soulignée à plusieurs reprises :
« Charmant, dit Mme Kampf quand elle fut partie ; ça promet … D’ailleurs, j’étais toute pareille à son âge (…) »
« Elle serrait violemment les mains en parlant, d’un geste tellement identique à celui d’Antoinette en colère, que la petite, immobile sur le seuil, tressaillit brusquement, comme quand on se trouve, à l’improviste, devant un miroir. »
Le Bal est aussi un roman sur la mesquinerie du monde adulte lorsqu’il est en proie à l’ambition et à la vanité : petitesses des rêves de grandeur sont ainsi brutalement révélées.

Ce livre m’a paru être un roman parfait, tant par ses analyses psychologiques que par la limpidité de son style. C’est une œuvre d’une grande richesse et d’une belle acuité, que l’on peut lire sous plusieurs angles.
L’histoire est menée avec une superbe maîtrise, chaque personnage et chaque réplique est parfaitement à sa place et, chaque fois, sonne juste.

Je recommande vivement ce roman !