Comme je consacre ce mois de juin 2022 à la littérature américaine, voici quelques poèmes d’Emily Dickinson, dont j’avais déjà eu l’occasion de parler un petit peu avec le biopic de Terence Davies Emily Dickinson, a quiet passion et où vous pourrez retrouver des éléments de sa biographie, si vous le souhaitez.
Note sur la poète
Née en 1830 dans le Massachusetts, elle est contemporaine (mais un peu plus jeune) que les sœurs Brontë et Elizabeth Browning, dont elle sera une lectrice attentive. Elle étudie dans un collège très religieux et puritain. Elle écrit son premier poème en 1850 et, d’année en année, elle se consacre de plus en plus à la poésie. En 1862 et 1863 elle écrit énormément, presque un poème par jour. Menant une vie recluse dans la maison familiale, elle cultive quelques rares amitiés littéraires qui reconnaissent son grand talent mais elle publie très peu de son vivant (six poèmes dans des revues) et elle se retranche de la société. La fin de sa vie est marquée par les deuils successifs de ses parents, de son neveu très aimé et de plusieurs de ses amis proches, provoquant une dépression chez Emily. Elle meurt en 1886, à 56 ans.
Note pratique sur le livre
Editeur : Poésie/Gallimard
Date de cette édition française : 2007
Choix, traduction et présentation de Claire Malroux
Edition bilingue
Nombre de Pages : 434
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Choix de Poèmes
(Page 103)
Si tu devais venir à l’Automne,
Je chasserais l’Eté,
Comme mi-sourire, mi-dédain,
La Ménagère, une Mouche.
Si je pouvais te revoir dans un an,
Je roulerais les mois en boules –
Et les mettrais chacun dans son Tiroir,
De peur que leurs nombres se mêlent –
Si tu tardais un tant soit peu, des Siècles,
Je les compterais sur ma Main,
Les soustrayant, jusqu’à la chute de mes doigts
En Terre de Van Diemen.
Si j’étais sûre que, cette vie passée –
La tienne et la mienne, soient –
Je la jetterais, comme la Peau d’un fruit,
Pour mordre dans l’Eternité –
Mais incertaine que je suis de la durée
De ce présent, qui les sépare,
Il me harcèle, Maligne Abeille –
Dont se dérobe – le dard.
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(Page 237-238)
Etroit Domaine – le Cercueil,
Mais apte à contenir
En sa Hauteur rabotée
Un Citoyen du Paradis –
Largeur bornée – La Tombe –
Mais plus ample que le Soleil –
Que toutes les Mers qu’Il peuple –
Et les Pays qu’Il surplombe
Pour Qui à son mince Repos
Confie un seul Ami –
Circonférence sans Recours –
Ni Mesure – Ni Fin –
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(Page 235)
La Solitude qu’On n’ose sonder –
Qu’à supputer on répugne
Autant qu’à descendre en sa Tombe
Pour en prendre la mesure –
La Solitude dont la pire angoisse
Est de se percevoir –
Et de périr sous ses propres yeux
D’un simple regard –
L’Horreur à ne pas contempler –
Mais à longer dans l’Ombre –
La Conscience en suspens –
L’Être sous les Verrous –
Voilà, j’en ai peur – la Solitude –
Ses grottes et ses Couloirs
Le Créateur de l’âme à son gré
Les illumine – ou les scelle –
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Moins touchée par ses mots ! Bonne journée 😉
Ah. OK ! Rien à ajouter à cela ! Bonne journée Matatoune !
c’est magnifique ! il y a longtemps que je veux la lire, il faut que je m’y mette.
Si je pouvais te revoir dans un an,
Je roulerais les mois en boules –
Et les mettrais chacun dans son Tiroir,
De peur que leurs nombres se mêlent –
Bonjour Natlarouge ! J’adore cette poète, sa poésie me donne des frissons. Je pense lire son œuvre complète un jour ou l’autre. Merci ! Bonne journée 🙂
Le premier poème est magnifique.
Les deux autres aussi et je comprends cette tristesse en lisant la fin de sa vie, ses deuils.
Merci Marie-Anne pour cette émouvant partage.
Bon week-end à toi, bises
Merci Eveline ! Il est vrai que cette poète a eu une vie assez triste, avec beaucoup de deuils. Ca se ressent parfois dans sa poésie, même si elle a écrit aussi de beaux poèmes d’amour et de joie. Bon week-end à toi, bises 🙂
Cela fait un moment que je veux découvrir les textes de Dickinson ; cette sélection de poèmes me donne encore plus envie, il faudra vraiment que je me penche sur sa poésie. Merci pour le partage qui nous permet de découvrir des poèmes 🙂
Je trouve que sa poésie est merveilleuse, l’une des plus grandes poètes qui soient. Je ne peux que conseiller sa lecture. Merci de votre intérêt, bonne journée 🙂
Une femme qui devait être assez impressionnante et la côtoyer devait être enrichissant.
Elle fait partie de ces poètes, écrivaines qui m’impressionne tellement que les lire, je ne me sens pas à la hauteur…
Merci Marie-Anne pour cet échantillon poétique 😊 de son recueil (à lire !).
Bonsoir Eléonore ! Je crois qu’Emily Dickinson était très solitaire et vivait enfermée chez elle sans voir beaucoup de gens… sans doute angoissée par le monde extérieur. Je crois que sa poésie s’adresse à tout le monde, sans élitisme ou sans exclusion, comme toute vraie poésie…
Bonne soirée à toi ! Merci de ton commentaire 🙂
Ces poèmes sont magnifiques et bouleversants. Les mots et les tournures choisis semblent laisser apparaître les plaies intérieures de l’autrice. Je pense que la traduction n’a d’ailleurs pas du être très aisée.
Merci beaucoup Marie-Anne pour cette lecture matinale émouvante.
Bonjour Prince Écran Noir ! La traduction de poésie est certainement un art très difficile ! Et encore plus avec Emily Dickinson dont les poèmes sont assez elliptiques et fulgurants j’ai l’impression 🙂 peut être qu’il vaut mieux les lire en bilingue pour comparer traduction et version originale. Merci de ton commentaire 🙂 bonne journée !
J’aime tellement cette poétesse… Merci de la mettre en lumières car les poèmes choisis sont bouleversants remplis de solitude et d’une angoisse morbide.
Bonjour Nathalie 🙂 oui une merveilleuse poésie ! C’est vrai qu’elle a souvent abordé le thème de la mort mais il y a aussi de très beaux poèmes d’amour ou sur la spiritualité. Merci ! Bonne journée à toi 🙂
Celle là est plus connue que tes auteures habituelles et personnellement j’aime cette poésie intimiste et sentimentale qui ne veut donner de leçon à personne, mais simplement méditer pour elle-même et pour l’autre. Cette intimité me rassure et se partage si facilement quand on a un cœur tendre.
Pendant longtemps je n’ai pas trop accroché à la poésie d’Emily Dickinson et puis j’ai eu récemment le coup de foudre ! Je me demande maintenant comment j’ai pu passer à côté pendant tellement de temps ! Merci Pat de ton commentaire 🙂 À bientôt !
Dickinson (surtout ‘dans le texte’) m’a toujours fait dresser les poils vers… la dure-mère !
Ton choix – forcément parcellaire, illustre toutefois bien la variété de tons qu’elle emploie, pour une même thématique : la mort, si familière, qu’on préfère la nommer Absence.
OK ! La pilosité de la dure-mère est-elle prémisse de méningite ?
Quoi qu’il en soit, merci de votre commentaire !
Avec Jules assis entre nous, je pense que le tutoiement va de soi.
Même si…
« Nos armes ne sont pas égales,
pour que je vous tende la main.
Vous n’êtes que de naïfs mâles,
je suis l’Éternel Féminin ! »
😉
C’est peut-être vous, plutôt, l’éternel mâle et les femmes seraient bien naïves de vous écouter.