Le Jeune homme, la mort et le temps, de Richard Matheson

Couverture chez Folio SF

Aujourd’hui je vais vous parler d’un classique de la Science Fiction américaine, à la fois romantique et méditatif, « Le jeune homme, la mort et le temps », publié initialement en 1975 aux Etats-Unis, et dans sa traduction française en 1977. Il revisite le thème bien connu et maintes fois exploré du Voyage dans le Temps, en le mêlant à une histoire d’amour forte et douloureuse.

Note pratique sur le roman

Editeur : Folio SF
Traduit de l’anglais (américain) par Ronald Blunden
Nombre de Pages : 330.

Note sur l’auteur

Richard Matheson (1926-2013) a débuté une carrière de journaliste avant de se tourner vers l’écriture. Il a acquis sa renommée dans le monde de la science-fiction grâce à deux romans devenus des classiques du genre : Je suis une légende et L’homme qui rétrécit, tous deux adaptés au cinéma. Richard Matheson a également écrit des scénarios de séries télé (La Quatrième Dimension, La Cinquième Dimension, Star Trek) et de films (Duel, de Steven Spielberg).
(Sources : éditeur et Wikipédia)

Quatrième de Couverture

A trente-six ans, Richard Collier se sait condamné à brève échéance. Pour tromper son désespoir, il voyage, au hasard, jusqu’à échouer dans un vieil hôtel au bord du Pacifique.
Envoûté par cette demeure surannée, il tombe bientôt sous le charme d’un portrait ornant les murs de l’hôtel : celui d’Elise McKenna, une célèbre actrice ayant vécu à la fin du XIXè siècle.
La bibliothèque, les archives de l’hôtel lui livrent des bribes de son histoire, et peu à peu la curiosité cède le pas à l’admiration, puis à l’amour. Un amour au-delà de toute logique, si puissant qu’il lui fera traverser le temps pour rejoindre sa bien-aimée.
Mais si l’on peut tromper le temps, peut-on tromper la mort ?

Mon avis

J’ai préféré la première partie de ce roman – celle où le héros se trouve en 1971, où il tombe amoureux de la photo d’une actrice du 19è siècle et où il commence à rêver de voyager dans le temps – à la deuxième partie, qui correspond effectivement au voyage dans le temps et qui se passe en 1896. Toute cette première partie est pleine d’une nostalgie romantique et d’une rêverie mélancolique que j’ai trouvées vraiment belles et envoûtantes. J’ai été sous le charme de cette dérive temporelle, quand le jeune homme, au fur et à mesure de son enquête sur l’actrice du 19è siècle, semble découvrir des signes et des indices qui le concernent, lui, directement, et que les décennies paraissent pouvoir se réduire comme peaux de chagrin, communiquer entre elles, puis s’effacer comme par enchantement.
C’est d’ailleurs une autre chose qui m’a beaucoup plu dans ce livre : pour voyager dans le temps, le jeune homme ne fabrique pas de machine alambiquée et futuriste, comme on pourrait s’y attendre selon les codes du genre, mais il compte sur la seule force de son esprit – l’autosuggestion et l’autohypnose, et aussi ses sentiments – pour rejoindre la femme qu’il aime.
La deuxième partie du roman m’a semblé un peu moins originale, bien qu’il y ait aussi des passages très savoureux, en particulier le regard ironique et l’attitude maladroite d’un homme du 20ème quand il se trouve immergé à la fin du 19è siècle et que son comportement n’est pas aussi guindé et strict que les usages de l’époque.
Si je devais chercher un défaut, je dirais que le caractère un peu trop vaudevillesque de la deuxième partie m’a parfois légèrement agacée. Mais, après tout, le vaudeville est très caractéristique de la fin du 19è siècle et c’est peut-être, là encore, pour l’auteur, une manière de ressusciter l’esprit de cette époque lointaine.
Une lecture très agréable, avec des moments haletants, du mystère et du suspense – et qui s’adresse au romantique qui sommeille en chacun de nous…

Un Extrait page 71

(…) Priestley évoque l’existence de trois temps. Il les appelle le Premier, le Deuxième et le Troisième Temps.
Le Premier Temps est celui dans lequel on naît, on vieillit, on meurt ; c’est le temps pratique et économique, celui du cerveau et celui du corps.
Le Deuxième Temps s’écarte de cette définition simple. Il comprend, simultanément, le passé, le présent et l’avenir. Aucune horloge, aucun calendrier ne détermine son existence. En y entrant, on sort du temps chronologique et on le considère comme quelque chose de fixe, d’unique, plutôt que comme un front mouvant de moments.
Le Troisième Temps est la zone où existe le « pouvoir de réunir ou de séparer le potentiel et l’actuel ».
Le Deuxième Temps est peut-être la vie après la mort, dit Priestley. Et le Troisième Temps pourrait bien être l’éternité.

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Un Extrait page 104

Quand c’est arrivé, c’est la certitude qui a fait son apparition la première. Ca semble être une constante du phénomène. J’avais les yeux fermés, mais j’étais éveillé et je savais que j’étais en 1896. Peut-être que je le « sentais » autour de moi; je ne sais pas. Mais cela ne faisait aucun doute dans mon esprit. Et il y a eu, de plus, une preuve tangible devant moi quand j’ai ouvert les yeux.
Etendu sur le lit, j’ai entendu un drôle de crépitement.
Je n’ai pas ouvert les yeux de peur de perdre l’absorption. Je suis resté couché sur le matelas, sans bouger, le sentant sous moi, sentant mes vêtements, sentant l’air entrer et sortir de mes poumons, sentant la chaleur de la pièce et entendant ce curieux crépitement. J’ai même levé la main à un moment donné pour me gratter le nez, parce que ça me démangeait. Ca n’est pas grand-chose, apparemment, mais réfléchissez un peu aux implications de la chose.
C’était mon premier acte physique en 1896.
J’étais là-bas, mon corps reposait sur ce lit en 1896. J’y étais tellement solidement enraciné que j’avais pu lever la main pour me gratter le nez sans pour autant perdre le contact. Quelque dérisoire qu’ait pu être l’action, le moment lui-même était prodigieux. (…)

22 réflexions sur “Le Jeune homme, la mort et le temps, de Richard Matheson

    1. Bonjour Jean Louis ! C’est le premier roman de lui que je lis et j’ai bien aimé ! Je sais qu’il a écrit aussi de très bonnes nouvelles fantastiques. Merci ! Bonne soirée !

      1. J’ai lu « Je suis une légende » et « l’Homme qui rétrécit », ainsi que des nouvelles parues dans différentes anthologies.
        Il me semble avoir lu aussi des romans policiers écrits par lui.

      2. Il faudrait que je découvre tout ça un de ces jours ! Je vois en tout cas que tu es un grand amateur de Matheson 🙂 Bonne journée Jean Louis et merci 🙂

    1. Bonsoir Natlarouge ! C’est le premier roman que je lis de Matheson et j’ai bien aimé. Un jour j’essaierai de voir ses nouvelles qui sont très bien paraît il. Merci ! Bonne journée !

    1. Bonjour Eveline ! Merci de ton intérêt pour ce roman fantastique ! C’est effectivement un très bon écrivain et je suis contente d’avoir pu le découvrir à travers ce livre qui est très beau. Bonne journée à toi ! Bises

  1. C’est un plaisir que de lire tes impressions sur ce roman. Richard Matheson est un de mes auteurs préférés. C’est son travail pour le cinéma (les exemples que tu as cités auxquels j’ajoute son formidable travail d’adaptation des nouvelles de Poe pour Roger Corman) qui m’a mené jusqu’à ses écrits. Je n’ai jamais lu celui-ci, mais j’y retrouve son goût pour les demeures envoûtantes et les évasions spatio-temporelles.
    Merci beaucoup pour cet article Marie-Anne.
    Passe une belle journée

    1. Bonjour Prince Écran Noir ! J’avais vu « duel » de Spielberg sur un scénario de Matheson quand j’étais petite et j’avais trouvé ça génial. Il faudrait que je vois d’autres films adaptés de ses livres ! Merci de ce commentaire très sympa ! Belle journée à toi 🙂

      1. « Duel » est un film magistral. L’histoire de Matheson (initialement publiée dans Play-boy je crois) était très bien, mais c’est la mise en scène hitchcockienne de Spielberg qui le rend aussi génial.
        Je conseille aussi « l’homme qui rétrécit » adapté par Jack Arnold.

      2. D’accord ! Je crois me souvenir que « je suis une légende » était sorti au cinéma il y a quelques années mais ça ne me faisait pas trop envie.

  2. Votre article m’évoquait un film vu il y a très longtemps. Et effectivement, après vérification, le roman a bien été adapté au cinéma :
    1980 : Quelque part dans le temps (Somewhere in Time), film américain de Jeannot Szwarc, avec Christopher Reeve et Jane Seymour
    Sans vraiment bien me souvenir du film, j’avais trouvé l’histoire très très surprenante, originale et attachante.

    Comme vous abordez le thème du voyage temporel, j’en profite pour vous communiquer ma référence absolue en la matière : « Les voies d’Anubis » de Tim Powers.
    Il ne s’agit pas de grande littérature, certes, mais… si vous aimez entrer dans une histoire, ça vaut vraiment le détour ! C’est un roman unique en son genre ; un roman fondateur.

    « Mêlant les thèmes du voyage temporel, du mythe du loup-garou et de la magie noire égyptienne dans le Londres victorien, ce roman, qui a remporté les prestigieux prix Apollo et Philip K. Dick, est le grand classique à l’origine du steampunk. »

    Et aussi, une occasion unique en son genre
    de rencontrer (ou pas…) Samuel Taylor Coleridge…

    Bonne soirée

    1. Bonjour Léo ! Merci de ces références intéressantes ! Je ne connais pas Tim Powers et les Voies d’Anubis mais pourquoi pas–apparemment ce livre a créé un genre. Bonne journée à vous !

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