Dans le cadre de mon Printemps des artistes 2022, j’ai eu envie de lire une biographie de Frida Kahlo et comme j’avais vu passer sur d’autres blogues ce livre récent sur la grande et célèbre peintre mexicaine, j’ai décidé de le lire… et ça n’a pas été une partie de plaisir.
J’ai failli abandonner plusieurs fois cette lecture en cours de route mais je me suis quand même accrochée jusqu’à la dernière page, la dernière ligne et la dernière lettre du dernier mot, dans le but d’écrire cet article en toute connaissance de cause.
Note pratique sur le livre :
Editeur d’origine : Stock (puis Livre de Poche)
Date de publication : septembre 2020
Nombre de pages : 232
Note sur Claire Berest :
Née en 1982, elle est diplômée d’un IUFM. Elle enseigne quelques temps en ZEP avant de démissionner. Elle publie son premier roman, Mikado, en 2011 chez Léo Scheer. Avec sa sœur Anne Berest, elle co-écrit en 2017 Gabrièle, en hommage à leur arrière-grand-mère Gabrielle Buffet-Picabia.
Quatrième de couverture :
» A force de vouloir m’abriter en toi, j’ai perdu de vue que c’était toi, l’orage. Que c’est de toi que j’aurais dû vouloir m’abriter.
Mais qui a envie de vivre abrité des orages ? »
Frida parle haut et fort, avec son corps fracassé par un accident de bus et ses manières excessives d’inviter la muerte et la vida dans chacun de ses gestes. Elle jure comme un charretier, boit des trempées de tequila. Elle aime participer à des manifestations politiques, se mettre des fleurs dans les cheveux, parler de sexe crûment et se rendre dans des fêtes à réveiller les squelettes. Et elle peint. Par-dessus tout, Frida aime Diego, le peintre le plus célèbre du Mexique, son crapaud insatiable, fatal séducteur, qui couvre les murs de fresques gigantesques.
Mon avis :
J’avais vu il y a une dizaine d’années le biopic de Julie Taymor « Frida » (2002), un film convenable mais assez superficiel, sur Frida Kahlo (avec Salma Hayek dans le rôle titre) et je pensais que la lecture de cette biographie romancée permettrait de creuser davantage la vie, l’œuvre et la personnalité de Frida Kahlo, selon la croyance naïve que l’écriture littéraire est capable de dire des choses bien plus profondes, complexes et subtiles que les images et dialogues d’un film américain grand public. En fait, je me suis trompée car ce roman biographique est encore plus superficiel et donne une vision encore plus édulcorée de Frida Kahlo, où sa bisexualité est à peine mentionnée du bout des lèvres et ses convictions communistes réduites à un vague halo atmosphérique, sans doute pour ne pas trop effaroucher les lectrices de Elle (qui lui ont gentiment décerné leur « Grand prix », ce qui aurait dû me mettre en garde ! Je n’ai rien contre ces dames mais il existe un certain fossé entre les magazines féminins et la littérature, me semble-t-il.)
Je dirais de ce livre que ce n’est pas de la vraie littérature, que le style est clinquant, factice et tape-à-l’œil, que le sens de la psychologie est expédié à l’emporte-pièce et complètement boursoufflé (une mention spéciale pour l’éléphantesque Diego Rivera, dont le portrait m’a fait rire à maintes reprises). Visiblement, ce qui intéresse Claire Berest par-dessus tout est la vie conjugale de Frida Kahlo et les nombreuses infidélités de son mari, ce dont je me fous quant à moi comme de ma première chemise, surtout quand on sait que Frida Kahlo n’était pas fidèle non plus et que, finalement, si Diego et Frida sont célèbres c’est pour des œuvres plus intéressantes, plus durables et plus créatives que leurs scènes de ménage.
Ce livre ne va pas beaucoup plus loin que du journalisme people : il s’appesantit vulgairement sur les éléments les plus sensationnels et les clichés les plus ennuyeux et il laisse de côté les questions essentielles de la création picturale, de l’amour entre deux artistes, de l’idéal politique dans un contexte historique particulier.
Pour résumer, je dirais que ce roman n’a pas grand intérêt et que la personnalité, l’œuvre et le parcours de Frida Kahlo méritaient certainement beaucoup mieux !
Voici un des très rares extraits que j’ai apprécié – parce qu’il parle de peinture !
Un Extrait page 172
Quand elle peint son visage encore et encore et encore, c’est parce que ce paradoxe l’obsède : elle regarde dans le miroir ce visage qu’elle n’a jamais vraiment vu, puisque c’est lui-même qu’elle promène partout pour voir. Est-elle la seule à souffrir de ne pas voir directement son propre visage, et de savoir qu’il en sera toujours ainsi ? De n’en connaître que le reflet, c’est-à-dire l’image ? Frida est fascinée par le décalage qui s’opère entre la première fois que l’on voit quelqu’un et la perception que l’on en a quand il nous est devenu familier. L’écart est fantastique. Jamais on ne verra à nouveau cette personne comme la première fois, c’est terminé, c’est évanoui. Dessiner un visage, c’est dessiner du temps passé. Elle aimerait pouvoir peindre Diego comme la première fois qu’elle le vit. Pour garder cela, l’impossible instant présent. Les gens la prennent parfois un peu pour une idiote, ou une inculte. Ca lui va très bien. Elle a probablement lu plus de livres que la plupart de ces moqueurs, mais elle n’en a pas besoin pour peindre, ils ne lui sont d’aucun secours lorsqu’elle saisit un pinceau dans le gobelet en émail et part à l’assaut d’un nouveau visage. (…)
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Qu’est-ce que vous m’avez fait rire ! Votre critique est drôle à souhait et vous pourriez concurrencer ici Alix Girod de l’Ain , ma chroniqueuse préférée (mais pas adorée quand même , n’exagérons rien ) de mon journal fétiche .
😄
Bonsoir Lyssamara ! Ravie de vous avoir divertie 🙂 les chroniques négatives sont souvent plus amusantes que les positives ! Bonne soirée à vous !
Merci Marie-Anne pour cette critique. Je me rappelle avoir acheté ce livre pour la médiathèque mais je ne l’ai pas lu…
Bonjour Claude ! Ce roman a été un succès de librairie mais hélas pas une réussite à mes yeux. Mieux vaut lire autre chose. Beau dimanche à vous 🙂
Merci, la pluie s’est invitée en fin d’après -midi, mais son passage fut de courte durée :
Ton billet m’a fait trop rire! J’ai lu ce livre à sa sortie dans le cadre d’un cercle de lecture et je me suis retrouvée dans ton billet. En allant relire le mien, je constate que si le début avait été très laborieux, j’ai pourtant plutôt apprécié la suite. Même si comme toi j’aurais été nettement plus interessée par le contexte socio-politique de l’époque.
Bonjour Fabienne, merci de ton commentaire ! Je crois en effet qu’il y a des aspects de la vie de Frida Kahlo plus intéressants que ses petites querelles avec Diego Rivera. Dans le livre il y a des pages sur le mouvement Surréaliste qui m’ont intéressée mais trop peu nombreuses malheureusement. Bonne journée ensoleillée 🙂
J’avais bien aimé, mais il est vrai que c’est loin d’être une biographie si intéressante. C’est plutôt comme un petit roman. Mais il existe tant de livres sur Frida Kahlo, je suis certaine que vous en trouverez un à votre goût, et selon ce qui vous intéresse !
Bonjour Kathleen ! C’est vrai que j’aurais dû me renseigner davantage avant d’acheter ce livre. Je crois qu’il vaudrait mieux que je lise carrément le journal de Frida Kahlo qui est sûrement passionnant. Bonne journée à vous 🙂
De Gabrielle, je n’ai pas non plus retenu grand chose de profond. Donc pas surpris par cet avis.
Je n’ai pas lu « Gabrielle » ni d’autres ouvrages des sœurs Berest mais je n’ai pas trop envie d’essayer. Contente que vous partagiez mon avis ! Merci de votre commentaire ! Bonne soirée !
Intéressant ces réflexions sur les lectrices du magazine elles… Pas de langue de bois sur ce blog et c’est bien. 😀 Il y aussi l’audimat en littérature et je l’ai même aperçu sur les blogs. Les likes n’ont rien inventé, ils existaient déjà avant les réseaux dit sociaux…
Bonjour Alain ! Oui il existe toutes sortes de littératures et certains livres cherchent à plaire au plus grand nombre possible de gens et « ratissent large » si on peut dire. Ce n’est pas ce genre de livres qui peut me plaire. Bonne soirée 🙂
Alors, je sais ce que je vais faire. Lire autre chose! Merci pour cette succulente chronique! J’ai eu un sourire accroché au lèvres en la lisant.
Merci d’avoir apprécié ma chronique ! Je pense qu’il vaut mieux lire autre chose en effet 🙂 Bonne semaine à toi Nathalie !
Eh bien, voilà ce livre et les lecteurs de Elle rhabillés pour l’été. Mieux vaut aborder Frida par d’autres voies je pense.
Bonne journée Marie-Anne.
J’essaye de donner mon avis avec franchise car il n’y a pas de critique possible sans cela. Mais je m’efforce aussi de donner des arguments et de justifier mes points de vue…
Bonne journée Prince Ecran Noir 🙂
C’est tout à ton honneur Marie-Anne.
C’est vraiment dommage cette absence de prise de risque dans un livre, surtout quand on parle de Frida Khalo qui était une artiste engagée et à l’opposé du consensuel de ce livre. Je suis comme toi Marie-Anne, je me méfie depuis longtemps déjà du prix Elle.. Passe un beau weekend 🙂✨
C’est effectivement un livre trop consensuel et qui est un peu trop lisse et sans prise de risque ! Quand on veut plaire au plus grand nombre de lecteurs possibles ça ne donne souvent rien de très bon. Merci beaucoup Frédéric de ton commentaire! Très bon dimanche !
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En effet, n’est pas Schopenhauer qui veut….tzzzz
Hihi 😀 D’un autre côté je pense que Claire Berest n’a pas envie de faire du Schopenhauer ! Mais elle aurait du mal 🙂