Dans le cadre du mois de l’Europe de l’Est de Patrice, Eva et Goran, je vous propose la lecture de quelques poésies de la grande poète russe Marina Tsvetaïeva (1892-1941), contemporaine d’Anna Akhmatova (elles se connaissaient et fréquentaient les mêmes cercles).
Les éditions Circé ont justement publié ses poésies d’amour en 2015, dans une traduction et avec une présentation d’Henri Abril.
Marina Tsvetaïeva écrivait un an et demi avant son suicide d’août 1941 : « Tous mes poèmes, je les dois à ceux que j’ai aimés – qui m’ont aimée, ou ne m’ont pas aimée. »
(page 69)
Vous si oublieux, si inoubliable –
Combien votre sourire vous ressemble !
Quoi d’autre ? – Plus beau qu’une aube dorée.
Quoi d’autre ? – Seul dans l’univers entier.
Prisonnier dans la guerre de l’amour.
La main de Cellini a ciselé cette coupe…
Mon ami, laissez-moi dire à l’ancienne
La passion la plus tendre. Je vous aime –
Et le vent hurle dans la cheminée.
Les yeux rivés sur les flammes – accoudée –
Je vous aime. Mon amour est innocent.
Je vous le dis – comme les petits enfants.
Tout fuit ! Les tempes serrées entre mes mains,
La vie saura les desserrer. Enfin,
Jeune captif, l’amour vous aura libéré.
Mais ma voix ailée viendra gazouiller
Que vous viviez sur terre – par miracle –
Vous si oublieux, si inoubliable !
25 novembre 1918
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(page 55)
Baiser sur le front : les soucis s’effacent.
Je baise le front.
Baiser sur les yeux : l’insomnie s’en va.
Je baise les yeux.
Baiser sur les lèvres : apaiser la soif.
Je baise les lèvres.
Baiser sur le front : ôter la mémoire.
Je baise le front.
5 juin 1917
**
(page 49)
M’as-tu jaugée de jour en jour,
Moi sans foyer mais toute en feu ;
Sur le pavé brûlant et lourd,
Sous la lune – errions-nous tous deux ?
Dans un bouge pestiféré,
Aux sons stridents des valses lestes,
Dans ton poing ivre as-tu brisé
Mes doigts si poignants de tendresse ?
Dans le sommeil quelle est ma voix,
Le sais-tu ? – Ô fumée et cendres !
Que pourrais-tu savoir de moi,
N’ayant bu ni dormi ensemble ?
7 décembre 1916
lyssamara
/ 17 mars 2021J’aime bien des mots de la page 69.
🙂
laboucheaoreille
/ 19 mars 2021Merci Lyssamara de votre lecture et commentaire ! 🙂
Goran
/ 17 mars 2021J’aime beaucoup 🙂
laboucheaoreille
/ 19 mars 2021Contente qu’ils te plaisent ! Merci Goran 🙂
Swannaëlle
/ 17 mars 2021Magnifique ! Merci 🌹
laboucheaoreille
/ 19 mars 2021Merci Swannaëlle !
toutloperaoupresque655890715
/ 17 mars 2021Merci Marie-Anne, j’ai particulièrement apprécié le second.
Bonne journée.
laboucheaoreille
/ 19 mars 2021Oui, le second est assez simple et touchant – c’est vrai ! Merci Jean-Louis 🙂
Madame lit
/ 17 mars 2021Quelle belle sensibilité! J’adore!
laboucheaoreille
/ 19 mars 2021Merci Madame lit ! Tsvetaïeva est une grande poétesse ! Bonne journée à vous 🙂
Dans l'oeil d'une flâneuse Bretonne....
/ 18 mars 2021Baiser sur le front…. Si beau
Merci Marie-Anne 🙏☀️
laboucheaoreille
/ 19 mars 2021Joli poème, en effet ! Merci Eveline 🙂
Lazuli Biloba
/ 19 mars 2021Très beau. J’admire aussi le travail du traducteur. Il faut qu’il soit un poète lui aussi pour atteindre une telle musicalité :
« Dans un bouge pestiféré,
Aux sons stridents des valses lestes,
Dans ton poing ivre as-tu brisé
Mes doigts si poignants de tendresse ? »
laboucheaoreille
/ 19 mars 2021Oui, c’est ce que j’ai également pensé ! Quand le traducteur parvient à restituer des rimes ou des assonances ça m’épate toujours – c’est du grand art. Merci Danielle, belle journée 🙂