Emily Jane Brontë (1818-1848), sœur de Charlotte et d’Anne Brontë, est connue pour son grand roman romantique « Hurlevent » mais aussi pour ses poèmes, dont je vous propose la lecture de deux d’entre eux qui m’ont touchée.
Les œuvres poétiques d’Emily Brontë ont été écrites entre 1836 et 1846 et publiées de façon parcellaire et en partie posthume entre 1845 et 1850 par sa soeur Charlotte.
J’ai extrait ces deux poésies du recueil « Poèmes » publié en bilingue chez Poésie-Gallimard.
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Je suis le seul être ici-bas dont ne s’enquiert
Je suis le seul être ici-bas dont ne s’enquiert
Nulle langue, pour qui nul œil n’aurait de pleurs ;
Jamais je n’ai fait naître une triste pensée,
Un sourire de joie depuis que je suis née.
En de secrets plaisirs, en de secrètes larmes,
Cette changeante vie s’est écoulée furtive,
Autant privée d’amis après dix-huit années,
Oui, solitaire autant qu’au jour de ma naissance.
Il fut jadis un temps que je ne puis cacher,
Il fut jadis un temps où c’était chose amère,
Où mon âme en détresse oubliait sa fierté
Dans son ardent désir d’être aimée en ce monde.
Cela, c’était encore aux premières lueurs
De sentiments depuis par le souci domptés ;
Comme il y a longtemps qu’ils sont morts ! A cette heure,
A peine je puis croire qu’ils ont existé.
D’abord fondit l’espoir de la jeunesse, puis
De l’imagination s’évanouit l’arc-en-ciel,
Enfin m’apprit l’expérience que jamais
La vérité n’a crû dans le cœur d’un mortel.
Ce fut cruel, déjà, de penser que les hommes
Etaient tous creux et serviles et insincères,
Mais pire, ayant confiance dans mon propre cœur,
D’y déceler la même corruption à l’œuvre.
17 mai 1837
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Mon plus grand bonheur c’est qu’au loin
Mon plus grand bonheur, c’est qu’au loin
Mon âme fuie sa demeure d’argile,
Par une nuit qu’il vente, que la lune est claire,
Que l’oeil peut parcourir des mondes de lumière –
Que je ne suis plus, qu’il n’est rien –
Terre ni mer ni ciel sans nuages –
Hormis un esprit en voyage
Dans l’immensité infinie.
Février ou Mars 1838
EMILY BRONTE
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Matatoune
/ 24 février 2021Quelle tristesse, quelle solitude … Terrible aveu de malaise !
laboucheaoreille
/ 27 février 2021Beaucoup de désespoir, c’est vrai ! Mais ces poèmes m’ont émue. Merci Matatoune, bon week-end !
Goran
/ 24 février 2021Je n’ai lu aucune des sœurs…
laboucheaoreille
/ 27 février 2021J’ai lu aussi celle de « Jane Eyre » mais il y a tellement longtemps que j’ai oublié 🙂 Merci Goran bon week-end !
lyssamara
/ 24 février 2021« Bien placés bien choisis
quelques mots font une poésie
les mots il suffit qu’on les aime
pour écrire un poème
on ne sait pas toujours ce qu’on dit
lorsque naît la poésie »
J’suis allée chercher ceux-là chez vous aussi, pour m’consoler de la lecture de ceux-ci (que j’adore). Même si j’me doute bien qu’Emily Jane Brontë savait très bien ce qu’elle vivait quand naissait sa poésie.
laboucheaoreille
/ 27 février 2021Très certainement, ses vers sont très lucides et réfléchis. Merci Lyssamara pour la citation et bon week-end !
lyssamara
/ 27 février 2021J’ai copité la citation (de Raymond Queneau) sur un commentaire qu’un de vos acolytes bloggeurs avait déposé chez vous. Merci de votre lecture et bon week-end aussi !
🙂
Ma Lecturothèque
/ 24 février 2021Merci pour ce partage, je n’avais pas connaissance de ses poèmes, ça me donne envie de les découvrir =)
laboucheaoreille
/ 27 février 2021Oui, cette poète avait énormément de talent. Beaucoup de ses poèmes m’ont émue. Merci Ma Lecturothèque 🙂
frédéric perrot
/ 24 février 2021Bonjour Marie-Anne,
C’est dans cette librairie que j’ai (enfin) acheté votre livre, La portée de l’ombre.
Je l’ai lu : c’est magnifque tout simplement. Je ne saurais discuter avec vous de ce que vous dites de la musique. J’écoute surtout de la pop et du rock !
Mais la partie personnelle… Quelle justesse.
Cordialement et merci pour la qualité de votre blog !
Frédéric Perrot
http://beldemai.blogspot.com/2021/02/les-fontaines-jaillissantes-lecture-de.html
Madame lit
/ 24 février 2021J’adore… je ne savais pas qu’il y avait un recueil de ses poèmes… Je vais certainement l’acheter. Merci pour la découverte.
laboucheaoreille
/ 27 février 2021Le recueil est disponible chez Poésie/Gallimard, je vous conseille sa lecture ! C’est de la très belle poésie ! Merci Madame Lit 🙂
princecranoir
/ 26 février 2021De la lecture de ces vers, on ressort dévasté. Par tant de solitude, par tant de souffrances contenues.
Je ne connaissais pas les poèmes de cette sœur Brontë. Merci pour cet émouvant partage.
laboucheaoreille
/ 27 février 2021Oui, je suis d’accord, ce sont des poèmes assez désespérés, mais ils m’ont beaucoup émue. Merci Prince Ecran Noir bon week-end !