Thomas l’obscur est un livre étrange, énigmatique, déroutant, dont il est difficile de parler, et qui constitue une lecture commune avec Goran, du blog des Livres et des Films, dont je vous invite à lire la chronique dans la foulée.
Pour savoir quoi dire et quoi penser à propos de ce livre, il faudrait d’abord savoir qui est Thomas, le personnage principal, encore que le terme « personnage » ne soit pas forcément adéquat, car il pourrait aussi bien être une entité abstraite, un spectre, ou une idée. Au fur et à mesure de ma lecture, j’ai pensé successivement que Thomas était la Mort, un désespéré, un fou, Dieu, un ange ou un démon, le Néant, et à la fin je suis revenue à l’idée que c’était peut-être un humain, ou un fantôme. Pour décrire Thomas, Maurice Blanchot utilise en effet des phrases oxymoriques, des paradoxes, des absurdités : Thomas est à la fois mort et vivant, vide et plein, absent et présent, et les objets ou personnages avec lesquels il rentre en contact se retrouvent également vidés de leur substance, une jeune femme meurt d’avoir subi son étreinte, et c’est là tout le sujet de ce roman qui m’a paru surtout expérimental, mais en même temps très poétique, et de plus en plus beau au fur et à mesure qu’on se rapproche du dénouement.
Roman très cérébral et quasiment abstrait, il s’agit d’une longue prose où les éléments naturels sont très présents (mer, terre, nuit) mais sous une forme là encore intellectuelle, analytique, et comme autant de reflets de Thomas, qui le prolongent, et rentrent en résonnance avec lui, lui apportant à la fois une opposition, une résistance à sa volonté de mouvement, et un miroir de son angoisse.
Je dois dire que l’accumulation de paradoxes et de phrases contradictoires, par son côté systématique, m’a un peu irritée par moments, mais j’ai néanmoins apprécié de rentrer dans un monde imaginaire tout à fait insolite, stimulant pour l’esprit, auquel on continue à penser plusieurs jours après l’avoir terminé.
Thomas l’obscur est paru chez L’Imaginaire Gallimard, mais sa première publication date des années 1940.
Maurice Blanchot (1907-2003) est un écrivain et philosophe français, dont vous pouvez consulter la fiche Wikipedia ici.
La Barmaid aux Lettres
/ 24 avril 2018Décidément, l’une chronique comme l’autre est désemparée ! Ça intrigue. Mais cela semble une lecture bien hermétique.
laboucheaoreille
/ 24 avril 2018C’est hermétique, en effet, mais on n’a pas trop de mal à aller jusqu’au bout car l’écriture est très poétique.
La Barmaid aux Lettres
/ 24 avril 2018Ça c’est très bien, j’avais peur justement que ce soit trop emmêlé
laboucheaoreille
/ 24 avril 2018Et ce n’est pas non plus un livre ennuyeux, on se laisse assez bien emporter.
Goran
/ 24 avril 2018En voilà une intéressante critique pour un livre pas facile à aborder…
Claude
/ 24 avril 2018Les deux critiques lues me donnent envie de découvrir ce livre.
laboucheaoreille
/ 24 avril 2018C’est un livre tout à fait à part, qui vaut la peine d’être lu !
josephcurwandenis
/ 26 avril 2018suis en train de relire « l’arrêt de mort », peut-être plus accessible et moins « poétique » que thomas… en tout cas, il y a beaucoup de points communs dans les thématiques des deux livres.
laboucheaoreille
/ 26 avril 2018Intéressant, je le lirai peut-être …
frédéric perrot
/ 22 mai 2018Merci pour cette belle lecture d’un auteur difficile, dont je suis grand amateur. Et merci plus généralement pour votre blog, que j’ai découvert un peu par hasard il y a quelques jours et qui figure à présent en bonne place parmi les « blogs amis » (!) sur le mien, Le bel de mai. beldemai.blogspot.com
Cordialement
Frédéric Perrot
laboucheaoreille
/ 22 mai 2018Bonjour, merci de votre aimable commentaire ! Je vais également mettre votre blog parmi les liens littéraires de mon blog.
Cordialement,
Marie-Anne Bruch