Ces quelques poèmes sont extraits du beau recueil L’étoffe de la nuit, un livre d’artiste paru en 2016, avec des pastels de Gilbert Desclaux et des textes de la poète Valérie Canat de Chizy.
Ces poèmes courts, sans titre, font souvent allusion à des sensations physiques, parfois à des douleurs, d’autres fois à des plaisirs, en tous cas des tensions corporelles et psychiques se nouent. Souvent, malgré la brièveté du poème, plusieurs climats ou sentiments sont successivement évoqués, créant quelques ruptures, contrastes ou reliefs, et en général les deux derniers vers de chaque poème confèrent une ampleur toute particulière à l’ensemble, l’éclairant ou lui apportant une épaisseur de mystère. Par ailleurs, les pastels de Gilbert Desclaux, avec leurs effets de texture et leurs déchirures, renforcent les sensations créées par les poèmes, leur apportant leurs couleurs.
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Les yeux de la nuit
tentent de se faufiler
à l’intérieur de moi
j’éprouve l’ombre
de la solitude
des doigts malhabiles
se tendent dans le noir
quand je remonte la rue
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pourquoi tant de tristesse
naît-elle
de quelque chose de beau
quel puits de douleur
est-il réactivé
l’eau de pluie recueillie
au sein de la terre mère
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souvent l’autre est un miroir
dans lequel on voit
ses propres failles
je vois la roche plissée
tout tient dans
la notion de plaisir
la soif non étanchée
de l’enfant
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dans une clairière
mes yeux ma bouche
mes cheveux emmêlés
filtraient avec le soleil
dans un rêve
j’ai goûté
au paradis perdu
sauf que ce n’était pas
un rêve.
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Vous pouvez vous procurer ce livre d’artiste en écrivant à Gilbert Desclaux : gilbert.desclaux@orange.fr
'vy
/ 28 février 2016J’aime beaucoup le dernier mais les autres aussi. Ces poèmes sont aussi des miroirs dans lesquels on se voit apparaître avant que l’image se dérobe laissant visible une moindre trace, celle d’une rencontre peut-être.
laboucheaoreille
/ 28 février 2016Oui, vous avez raison, il y a la présence de l’autre dans ces poèmes, ou un désir de présence.
Moi aussi j’aime beaucoup le dernier, il semble exprimer une grande joie, un bonheur sans restriction.
Francis Palluau
/ 28 février 2016Vous les décrivez parfaitement. En effet, les deux derniers vers donnent une ampleur particulière. J’aime ce genre de poésie, à la fois simple et mystérieux.
laboucheaoreille
/ 28 février 2016Oui, et la correspondance entre les pastels et les poèmes est intéressante. Malheureusement, je n’ai pas pu scanner les images pour en donner une idée …
Francis Palluau
/ 28 février 2016Vous éveillez ma curiosité (comme souvent). Il y a souvent eu des « couples » illustrateurs-poètes qui ont donné des merveilles (voir Cendrars et Delaunay entre autres)
laboucheaoreille
/ 28 février 2016Merci ! Je ne connais pas les dessins de Delaunay sur les poèmes de Cendrars, je vais chercher ça !
Ce qui m’a plu dans « L’étoffe de la nuit » c’est qu’on ne peut pas parler vraiment d’ « illustrations » : on navigue du texte à l’image et de l’image au texte sans pouvoir dire que l’un prend le pas sur l’autre.
Francis Palluau
/ 28 février 2016Ah vous nous mettez l’eau à la bouche sans nous abreuver les yeux ! Pour le livre d’art Delaunay-Cendrars, vous pouvez toujours le voir sur un de mes anciens articles :
https://revuedesmomentsperdus.wordpress.com/2015/05/12/lextinction-des-dragons/
laboucheaoreille
/ 28 février 2016Eh oui désolée 🙂
Merci pour le lien ! Je croyais connaître tous vos articles mais je vois qu’il m’en reste encore à découvrir 🙂
Francis Palluau
/ 28 février 2016Prenez votre temps… Merci pour votre curiosité et tous ces échanges enrichissants !
laboucheaoreille
/ 28 février 2016Merci à vous !
Gatien
/ 28 février 2016J’aime beaucoup ce qu’écrit Valérie Canat de Chizy, j’ai d’ailleurs deux de ses recueils. Je ne connaissais pas celui-ci, tout récent. Merci pour la découverte, Marie-anne !
laboucheaoreille
/ 29 février 2016Moi c’est le premier recueil d’elle que je lis car je ne l’ai découverte que récemment. Mais j’essaierai sans doute de me procurer des recueils plus anciens.
arbrealettres
/ 29 février 2016Un plaisir ces instants intérieurs (ac)couchés sur le papier 🙂
…eau des larmes transformée en nectar ! lol! désolé pour le mauvais jeu de mots 😉
Ca donne envie d’en lire davantage, merci pour la découverte !:-)
« Cela remonte à très loin. Nous venons tous du silence. Épaisseur de la poche matricielle. Bercement du liquide amniotique. Nous venons tous d’une contrée surgie de nulle part. Du néant. Nous n’étions rien. Nous avons germé du silence, sans faire de bruit. »
(Valérie Canat de Chizy)