Depuis l’année dernière, j’ai écrit trois sonnets sur Paris, aussi est-il temps pour moi de vous les donner à lire !
Le premier a été publié dans la revue Le Coin de Table en janvier 2015, et les deux autres seront publiés prochainement.
N’hésitez pas à me laisser vos commentaires, ne serait-ce que pour dire lequel des trois vous préférez !
Paris I
Le touriste est heureux, oui, mais le parisien
Sous des dehors nerveux est toujours d’humeur lasse,
Trouve aisément le mot qui fait rire ou qui glace,
Et se plaint à l’envi du poids du quotidien.
Ville qui promet tout … Et dont je n’obtiens rien !
Il semble kafkaïen de m’y faire une place,
Mais j’aime l’air désuet des fontaines Wallace
Et l’immense ciel, vu du métro aérien.
Piège pour l’employé perdu dans sa grisaille,
Piège pour le chômeur que son loyer tenaille :
Tous troqueraient Paris contre un bout de jardin.
Mais j’aime ce matin, dans mon train de banlieue,
Entre deux murs tagués apercevoir soudain
D’un morceau d’horizon la courte ligne bleue.
***
Paris II
Cette vieille cité qui se voudrait moderne
Se pique d’abriter les plus brillants esprits :
Des mandarins grincheux aimant qu’on leur décerne
Le titre raffiné de génie incompris.
On vient de loin pour voir une Tour Eiffel terne
Se détacher à peine au milieu du ciel gris ;
Le parisien s’en moque et tout ce qu’il discerne
Ce sont les jours fériés et les hausses de prix.
L’habitat est petit, les loyers sont énormes,
Se ruiner pour mal vivre est devenu la norme,
Il faut s’en contenter puisqu’on n’a pas le choix.
Sur les bords de Seine où la misère s’abrite
Flânent allégrement les sinistres bourgeois
Qui croient que dans la vie on a ce qu’on mérite.
***
Paris III
Il faudrait se hisser au niveau de l’élite
Pour ne plus se laisser écraser par le sort,
Pour nous autres, sans grade, aucun notable effort
N’empêche que la juste ambition se délite.
Loin de Barbès et de sa foule hétéroclite,
Plus un quartier est riche et plus il semble mort,
Et d’Auteuil à Passy fuit, sans personne à bord,
Le métro aérien comme un aérolithe.
Vieux cliché vaniteux ou fantasme éhonté :
La « ville romantique » est en réalité
Celle du célibat et de la solitude.
On se doit, à Paris, d’avoir l’air occupé,
Même quand, comme moi, on a pour habitude
D’étaler sa paresse au fond d’un canapé.
***
auteur : Marie-Anne BRUCH – Merci de ne pas reproduire ces poèmes sans mon accord !
***
Quaidesproses
/ 15 juillet 2015J’aime vraiment beaucoup le troisième.
laboucheaoreille
/ 15 juillet 2015Ah, merci beaucoup pour cet avis ! 🙂
Francis Palluau
/ 15 juillet 2015C’est mon préféré également, pour la justesse de cette phrase entre autre :
Plus un quartier est riche et plus il semble mort.
laboucheaoreille
/ 15 juillet 2015Merci beaucoup.
C’est intéressant d’avoir votre avis.
'vy
/ 15 juillet 2015D’abord, j’aurais envie de dire Paris est-elle si triste ? Chaque poème contient des vers que intéressants, mais je préfère le deuxième que je trouve tellement vrai, surtout à propos des « mandarins grincheux » et les « sinistres bourgeois »..
laboucheaoreille
/ 15 juillet 2015Oui, ma vision de Paris est très triste, mais il faut dire que j’y vis depuis plus de trois décennies … Ma vision est sans doute subjective mais elle est assez fidèle à la réalité, je crois.
Merci de m’avoir donné votre avis 🙂
'vy
/ 15 juillet 2015C’est vrai que ces trois poèmes sont assez fidèle à la réalité, mais pour moi qui habite une triste ville de banlieue, depuis toujours, Paris est l’endroit où je m’évade, ou j’aime aller aux musées, dans les librairies où je peux trouver toutes ces choses qu’il n’y a pas chez moi. Si j’avais votre talent j’aurais écrit un quatrième poème sur ce Paris là 🙂
laboucheaoreille
/ 15 juillet 2015Merci pour le compliment 🙂
Je comprends. Moi aussi je vis en banlieue mais je ne vois pas une grosse différence avec Paris (pour l’état d’esprit, les rêves des habitants).
Certes, à Paris il y a plus de distractions, mais tout le monde ne s’en donne pas la peine (queue devant les musées, temps de transport, impossibilité de garer sa voiture, etc …)
Gatien
/ 15 juillet 2015Légère préférence pour le 2ème, mais j’aime bien aussi le 3ème, en particulier ses deux tercets 😉
laboucheaoreille
/ 15 juillet 2015Merci ! 🙂
Pour le moment les avis semblent partagés entre le deuxième et le troisième 🙂
neojohnnykarlitch
/ 15 juillet 2015« Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle » sur Paris…
laboucheaoreille
/ 15 juillet 2015Oui, écrire sur Paris est un thème très baudelairien 🙂
Même encore de nos jours c’est un sujet inspirant.
Moonath
/ 16 juillet 2015les trois me plaisent beaucoup…
le second est poétiquement criant de vérité ! 🙂
laboucheaoreille
/ 16 juillet 2015Merci Moonath pour cet avis positif 🙂
Michel B.
/ 18 juillet 2015Je préfère le troisième sonnet… Mais bravo pour les trois !
laboucheaoreille
/ 18 juillet 2015Merci Michel 🙂
Ca me fait plaisir d’avoir votre avis.
Je crois aussi que le troisième est un peu meilleur.
Très bon week-end à vous 🙂
oscar ruiz-huidobro
/ 11 août 2015Vos trois sonnets sont également réussis et j’apprécie leur propos social si rare dans l’écriture poétique. Mais il en est un de vous, Matin, paru dans le n°59 du Coin de table, d’une composition et d’une expression très abouties que j’aime particulièrement et pour lequel je vous félicite. Bonne continuation.
Oscar Ruiz-Huidobro
laboucheaoreille
/ 11 août 2015Je vous remercie beaucoup. Cela me fait chaud au cœur de penser que ce poème vous a touché.
Depuis peu, j’ai justement réuni tous mes meilleurs sonnets dans un recueil, et j’espère qu’il trouvera un éditeur.
Encore merci pour vos encouragements
Marie-Anne Bruch
oscar ruiz-huidobro
/ 11 août 2015Je souhaite que vous parveniez à trouver un éditeur et je serai heureux de découvrir, le cas échéant, l’ensemble de vos textes. N’hésitez à m’en tenir informé. Très bonne chance.
oscar ruiz-huidobro
/ 11 août 2015Je souhaite que vous parveniez à trouver un éditeur et je serai heureux de découvrir, le cas échéant, l’ensemble de vos textes. N’hésitez pas à m’en tenir informé. Très bonne chance.
laboucheaoreille
/ 11 août 2015Merci.
Je vous écris sur votre mail. A bientôt.
Goran
/ 11 avril 2016Très beau…
laboucheaoreille
/ 11 avril 2016Merci beaucoup 🙂
Ada
/ 11 décembre 2016Très beau triple sonnet, dans un style terriblement concret, mais à un moment, il faut bien dire les choses !
(j’ai vécu à Paris 3 ans pour pouvoir débuter ma vie professionnelle. J’en garde un souvenir épuisant. A Toulouse, la qualité de vie est bien meilleure. Seulement voilà, côté art & culture, c’est le néant…)
laboucheaoreille
/ 12 décembre 2016Oui, Paris a aussi des bons côtés, mais finalement, en tant que parisien, on en profite relativement peu …
Ada
/ 12 décembre 2016C’est hélas vrai ! En tout cas, Paris inspire. Cela me fait penser à cette belle chanson de Paris Combo, délicieusement douce-amère, sur un autre problème de Paris : http://www.youtube.com/watch?v=YVIy4UIuSOs
Belle soirée à vous, et merci pour votre site très enrichissant !
laboucheaoreille
/ 13 décembre 2016Merci pour cette chanson très réaliste 🙂
En plus elle est d’actualité !
Belle soirée à vous !
Lucas
/ 17 janvier 2021Bonjour, je voudrais savoir si je pouvais choisir votre deuxième poème pour l’apprendre en cours ?
Merci en tout cas ils sont très beaux
laboucheaoreille
/ 19 janvier 2021Bonjour Lucas ! Oui, tu peux choisir d’apprendre mon poème ! Pas de problème 🙂 Merci beaucoup de ton intérêt !
Lucas
/ 20 janvier 2021Ah super merci 🙂
Pierre
/ 29 avril 2021Merci pour vos sonnets que je trouve admirables. C’est exactement comme cela que j’aimerais savoir écrire ! grâce à vous, je me rends compte que j’ai encore du chemin à parcourir.
Je n’ai pas retrouvé ici, celui dans lequel vous évoquez le dôme des Invalides, que je ressens comme faisant écho à ma propre vie.
Bonne journée !
laboucheaoreille
/ 29 avril 2021Bonjour et merci beaucoup de votre gentil commentaire. Cela me fait chaud au coeur, que vous aimiez ces quelques sonnets.
Celui où je parle du dôme des Invalides s’appelle « Ségur, 2001 » et je vous le recopie bien volontiers :
J’habitais en ce temps un quartier morne et chic,
Mélange de bars lounge et d’échoppes désertes,
Des arbres projetaient leurs longues ombres vertes
Le long du boulevard à l’incessant trafic.
J’étais en couple alors et je coulais à pic
Puisqu’aimer c’est souvent souffrir en pure perte,
Le chagrin m’épuisait et me rendait inerte,
Puis souffrir devenait une sorte de tic.
Nous passions chaque soir en querelles absconses,
Les mêmes arguments et les mêmes réponses
N’aboutissaient jamais qu’au même noir sommeil.
Tout le reste du jour, j’errais comme un fantôme
En mal d’amitié vraie, indifférente au dôme
Des Invalides, dont l’or brillait au soleil.
Ces sonnets et bien d’autres font partie de mon recueil « Triptyque » qui est disponible chez 5 Sens éditions.
Bonne journée à vous 🙂
Pierre
/ 29 avril 2021Merci, je viens de le commander 🙂